« Charlot émigrant » était l’un des films préférés de Charlie Chaplin. Le film raconte l’arrivée de Charlot à New York, à bord d’un paquebot bondé d’émigrés. Une chronique sociale, un mélodrame, mais aussi une comédie burlesque qui marquera le cinéma américain du XXe siècle : la longue traversée de l’Atlantique, l’espoir devant la statue de la Liberté, les fonctionnaires autorisant ou non les étrangers à fouler la terre promise…
Sorti le 17 juin 1917, « Charlot émigrant » a contribué plus que tout autre film à construire le mythe de Charlot, l’anti-héros au grand cœur. Pour le tourner, les méthodes de travail de Charlie Chaplin vont devenir beaucoup plus exigeantes que par le passé.
Le film commence sur un bateau d’émigrants en route vers l’Amérique. Charlot, passager, coule une idylle avec Edna (Edna Purviance, l'actrice fétiche de Chaplin). Emu par sa pauvreté et sa beauté, notre héros lui glisse en cachette une partie de l’argent qu’il vient alors de gagner au jeu.
Premières désillusions
Le bateau arrive à New York. Au loin, se profile la statue de la Liberté, symbole de la terre promise et de prospérité pour ces émigrants venus de si loin. Déjà, tous se pressent avec joie sur le pont quand leur enthousiasme se trouve aussitôt refroidi par les fonctionnaires zélés du service de l’immigration, qui vont les parquer comme du bétail.
Une fois débarqué, Charlot retrouve par hasard Edna dans un café. Il a trouvé une pièce dans la rue et l’invite. Mais la pièce tombe de sa poche trouée et notre héros va du coup avoir maille à partir avec le serveur du café, un colosse totalement dépourvu d’humanité.
La perfection sinon rien
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » disait Boileau. L’exigence de Chaplin à l’époque était telle qu’il tourna 25 000 mètres de pellicule et passa quatre jours et quatre nuits sans repos pour monter le film dans sa forme définitive. D’une durée de près de 25 minutes, sa réalisation nécessita pas moins de deux mois de tournage. Ainsi, la scène de l’addition opposant Charlot au serveur patibulaire, fut filmée plusieurs fois durant une semaine entière ! Chaplin s’aperçut en effet qu’il faisait fausse route: Henry Bergman n’était pas assez effrayant pour rendre la peur de Charlot crédible. Il annula une pleine semaine de tournage consacrée à cette scène (ce qui était révolutionnaire pour l’époque) pour donner finalement le rôle à Eric Campbell, beaucoup plus inquiétant à l’écran.
Victime du maccarthysme
« Depuis 1840, l’Amérique symbolise l’ascension sociale où nos pionniers espèrent reconstruire leur vie sur un nouveau modèle » ai-je lu dans un magazine. Mais, l’Amérique a-t-elle vraiment été un Eldorado pour Chaplin ? Malgré son immense succès, il est permis d’en douter. Alors qu’il entreprend en 1952 un voyage avec sa famille à Londres, sa ville natale, son visa de retour est supprimé. On lui reproche ses sympathies communistes et il devient Persona non grata aux États-Unis. Frappé par tant d’ingratitude, il s’établira alors en Suisse pour y vivre les 25 dernières années de sa vie avec sa famille.
En septembre 1957, soit 40 ans plus tard, Chaplin réglera ses comptes dans « Un roi à New York », réalisé en Angleterre. Il s’agit d’une satire au vitriol du mode de vie américain, ainsi qu’une dénonciation féroce du maccarthysme et de la chasse aux sorcières dont il a lui-même été victime. Le film sera d’ailleurs interdit aux Etats-Unis jusqu’en… 1976.
Mais en avril 1972, Hollywood l’invite. Chaplin oublie alors sa rancœur et traverse l’Atlantique pour fouler à nouveau le sol du pays qui l’a tant fasciné, rendu célèbre, enrichi puis chassé.
Devant 2700 personnes, qui l’acclament debout en fredonnant la mélodie des « Temps modernes », il reçoit un Oscar spécial pour l’ensemble de son œuvre. Charlot tenait enfin sa revanche.
Extrait du « Magazine de la France en guerre - Édition spéciale - Journal de guerre n° 33 (semaine du mardi 30 avril au dimanche 12 mai 1940) » / Actualités filmées du SCA (Service Cinématographique de l’Armée française) - Film noir et blanc 16 mm - 305 mètres (durée 28 minutes).
10 mai 1940 : fin de la « drôle de guerre » et début du désastre français
► Vendredi 10 mai 1940 au matin
« L’Allemand préfère une fois de plus à l’attaque de face, l’ignominie d’une manœuvre qui se doit d’être d’abord l’immolation de trois pays neutres. 2 août 1914 - 10 mai 1940 : l’histoire recommence. Au matin, la Belgique rallie son peuple autour de son drapeau, tandis les premières troupes françaises entrent en Belgique et au Luxembourg, établissant les premières liaisons entre l’armée belges et [nos] troupes » (dixit le commentaire).
En réponse à l’attaque allemande, les soldats français entrent au Luxembourg, ainsi qu’en Belgique afin de venir en aide à l’armée belge. A un poste frontière luxembourgeois, une colonne de motos équipées de side-cars de la marque Gnome-et-Rhône, fait son entrée dans le Grand-duché, suivie par un défilé d’autobus, de chars Renault R35, tracteurs semi-chenillés Somua MCG, camions, cavaliers, etc. Ils sont acclamés par la foule qui s’agglutine, offrant boissons et cigarettes aux soldats. Le convoi, principalement constitué de chars Renault R35, de chenillettes de ravitaillement Renault 31R, s’étire dans la campagne environnante. A Esch-sur-Alzette et ses alentours (Luxembourg), les soldats se mettent en position de tir : derrière un fusil-mitrailleur FM 24/29 (ou bien une mitrailleuse Hotchkiss 8 mm, modèle de 1914).
Exode des civils belges et luxembourgeois
Pendant ce temps, les Belges et Luxembourgeois fuient devant la menace des bombardements allemands. Femmes, enfants et personnes âgées sillonnent alors les routes, utilisant landaus, charrettes, voitures, bicyclettes… tandis que le commentateur vilipende l’aviation ennemie qui bombarde les cortèges. Nota : certaines images de cet exode figurent dans le film de René Clément « Jeux interdits » sorti en 1952.
► Samedi 11 mai 1940
Le commentateur précise que le bilan en France s’élève à 150 morts et 400 blessés civils. Les conséquences des bombardements ennemis sont nettement mises en avant : maisons éventrées, récupération de biens dans les décombres, évacuation de blessés, église et école dévastée, blessés soignés dans les hôpitaux…
Précision : l’école dévastée serait en fait le lycée Charlemagne, à Nancy, bombardé le 10 mai. [Source ECPAD].
Le même jour, des villes comme Bruxelles sont aussi victimes d’incendies. Apportant son soutien à Léopold III, roi des Belges, Édouard Daladier, ministre de la Défense nationale et de la Guerre, se rend dans le Nord de la France et en Belgique.
Précision : la première image de cette visite montre Édouard Daladier entrant dans un château accompagné par 2 généraux : il pourrait s’agir du château de Casteau, près de Mons, siège du Grand Quartier-Général belge dans lequel se tint le 12 mai une conférence interalliée. [Source ECPAD].
► Dimanche 12 mai 1940
Une autre ville belge est la proie des flammes sous le feu de l’aviation allemande « qui s’acharne ».
« La guerre, que vient de déclencher l’Allemand revêt, nettement le caractère d’une impitoyable guerre d’extermination en même temps que d’une véritable guerre hors-la-loi où les ruses les plus odieuses, les moyens de terreur et de pression sont les plus abominables et les plus déshonorants » (dixit le commentaire). Un civil erre dans la rue muni de 2 cannes sous le bruit des avions allemands et des cadavres de chevaux gisant à même sur les pavés.
Avions allemands abattus
Ludovic-Oscar Frossard, ministre de l’Information, chiffre les victoires de l’aviation française. Les images montrent plusieurs épaves d’appareils allemands, comme celles de Stukas ou encore d’un chasseur Messerschmitt BF-110 pour témoigner des pertes infligées à l’ennemi.
« Déchaînée dans son œuvre de mort sauvage et sans excuse, l’aviation allemande a subi du fait des Alliés des pertes considérables. Monsieur Frossart, ministre de l’Information, a pu formellement affirmer que le 13 mai au soir plus de 400 appareils ennemis étaient détruits : 50 par la DCA, 50 mis en pièce sur le terrain, le reste abattu par la chasse. Nos pertes à nous, comparées à ces chiffres, toujours selon M. Frossart, sont faibles. Pour sa part, un de nos groupes de chasse comptant 18 avions, a abattu 39 appareils ennemis : 16 le vendredi 10 mai, 8 le samedi, 15 le dimanche dans des combats dont l’un fut engagé à Un contre Treize, le dernier à Deux contre Vingt. Une des plus belles pages à la gloire de nos ailes, précise la citation à l’ordre de l’armée » (dixit le commentaire).
Avis personnel
Les actualités filmées « Journal de guerre », créées par le Service Cinématographique de l’Armée (SCA, ancêtre de l’ECPAD) dès octobre 1939 pour les armées et les services officiels, ont avant tout une vocation interne, répondant à 3 missions : témoigner pour le futur, faire de la propagande et divertir les soldats sur le front.
Ces actualités filmées périodiquement (côté allemand, on fait de même) sont également diffusées auprès du grand public, pour contrer le cinéma de propagande nazie. En cela, le journal de guerre du SCA se calque sur les principes mêmes de l’actualité : un reportage hebdomadaire et toujours présenté selon un ordre chronologique. 34 numéros, montés par le réalisateur français Jean Delannoy et commentés par Jean Cassagne, se succéderont ainsi toutes les semaines, soit du 1er octobre 1939 jusqu’au 6 juin 1940.
Les dernières images sur cette « drôle de guerre » - qui commença le 3 septembre 1939 avec la déclaration de guerre à l’Allemagne et finit le 10 mai 1940 avec l’invasion de la Belgique et des Pays-Bas par les troupes allemandes - révèlent des scènes militaires parfois inattendues, voire surprenantes. Elles sont commentées de façon dithyrambique et patriotique afin d’exalter le courage des forces armées françaises et celles de leurs alliés. D’ailleurs, la mention « Vaincre ! » apparaît au début de ce journal de guerre « Édition spéciale ».
Geneviève Bossu s’est éteinte lundi 24 avril 2023 dans sa 104e année.
Villevaudé est en deuil. Il a perdu sa doyenne.
La commune avait plusieurs fois mis à l’honneur Geneviève Bossu, notamment en lui remettant en 2019 la médaille d’honneur de la ville. Auparavant, en 2003, Geneviève de Galard lui remettait la médaille de l’ordre national du Mérite pour son action héroïque pendant la Seconde Guerre mondiale durant laquelle elle s’était illustrée en rapatriant les prisonniers de guerre par avion. Nous avions déjà relaté son témoignage ici.
Humble, discrète, joviale, très pieuse, Geneviève Bossu ne laissait personne indifférent tant elle était appréciée de tous. Elle aimait notre village et avait toujours un compliment à l’attention de chacun, petit et grand. Quelque part, elle avait fait sienne la devise de Saint-Exupéry, « on ne voit bien qu’avec le cœur » et ses interlocuteurs lui rendaient bien cette flamme d’humanité qu’elle savait leur transmettre. Il n’en fallait pas plus pour la rendre heureuse. Une grande dame s’en est allée. Reste son souvenir à jamais gravé dans la mémoire de ceux qui l’ont connue ou eu la chance de la croiser un jour. Requiescat in pace.
La cérémonie religieuse aura lieu vendredi 28 avril à 14 h en l'église de Villevaudé. Geneviève Bossu reposera au cimetière de Montparnasse.
Les Cent-jours (Napoléon), le film où Mussolini a participé à la mise en scène
« Les Cent-jours » est un film historique italien de Giovacchino Forzano, réalisé en 1934 et dont le titre original est « Campo di Maggio ». La musique est signée Giuseppe Becce, avec comme acteurs : Corrado Racca (Napoléon), Emilia Varini (Letizia Bonaparte), Enzo Bilioti (Fouché), Pino Locchi (le roi de Rome), Rose Stradner (Marie-Louise d’Autriche), Lamberto Picasso (Metternich), Ernesto Marini (Louis XVIII), etc. Ce film a été adapté de la pièce éponyme de Giovacchino Forzano et de Benito Mussolini. ► Benito Mussolini dirige les figurants Selon l'historien Jean Tulard - considéré comme l'un des meilleurs spécialistes français de Napoléon 1er et de son époque - les déclarations de Napoléon dans la pièce de G. Forzano, « Les Cent-jours, sont en fait de Mussolini. Le dictateur italien (qui rencontrera pour la première fois Hitler le 14 juin 1934 à Venise) était d’ailleurs tellement content de lui qu’il décida d'en faire un film. Celui-ci sera mis en scène par Forzano et produit par le propre fils de Mussolini. Benito Mussolini aurait même, dit-on, dirigé les figurants « demain de maître » pour la grande bataille de Waterloo. Sorti en 1935, le film ne connut cependant pas le succès escompté et reste méconnu. ► Résumé Après la campagne désastreuse de Russie, Napoléon a dû abdiquer en 1814 face à une vaste coalition formée par les puissances européennes (Prusse, Russie, Grande-Bretagne, Autriche). Il est exilé à l'île d'Elbe et Louis XVIII est proclamé roi de France. En septembre 1814 commence le congrès de Vienne, qui réunit les représentants des puissances européennes afin d'établir une paix durable après la défaite de la France et redessiner la carte politique de l'Europe.
Cependant, le 26 février 1815, Napoléon quitte l'île d'Elbe. Il débarque en France le 1er mars. A Grenoble, l’armée ne parvenant pas à l’arrêter, décide de l’escorter jusqu’à Paris où il entre triomphalement le 20 mars 1815. Il convoque aussitôt les représentants du peuple au Champs de Mars, rebaptisé pour l’événement… « Champ de Mai ». Alarmés par son retour, les participants du congrès de Vienne réagissent aussitôt par une nouvelle coalition. Ils décident d'envoyer des troupes en Belgique, à proximité de la frontière française, pour préparer l'invasion de la France, prévue pour le 1er juillet 1815. La bataille de Waterloo, intense et décisive, se prépare. Elle aura finalement lieu le 18 juin 1815. Après cette bataille qui voit sa défaite, les députés refusent à Napoléon les pouvoirs dictatoriaux et le somment d’abdiquer. Il sera finalement exilé sur l’île de Sainte-Hélène. ► Commentaire Ce film est rare et j’ai pu le visionner grâce à une copie tirée au format 9,5 mm par la firme PATHÉ en 1938 pour sa cinémathèque des films d’édition 9,5 mm (référence 7036 dans son catalogue officiel). Le film relate assez bien les cent derniers jours de l’empereur, son point culminant étant bien sûr la bataille décisive de Waterloo, avec des scènes épiques et des gros plans grandiloquents. La séquence finale montre Napoléon faire ses adieux à sa mère pendant que le roi de Rome (le fils de Napoléon emprisonné à Vienne) se penche sur une carte du monde... comme le faisait souvent son père, laissant supposer que la « relève est assurée ». Quelques intertitres ont été introduits par l’éditeur PATHÉ, ceci afin d’expliquer le contexte politique de l’époque. La pellicule noiret blanc est belle, avec de bons contrastes, et elle ne présente pas de rayure.
La bataille de Stalingrad (aujourd’hui Volgograd) débute le 17 juillet 1942, dans la poussière et la chaleur de la steppe. Précédée par des bombardements intensifs, l’opération allemande réside dans une manœuvre en tenaille, c’est-à-dire en deux actions simultanées au Nord et au Sud. Au Nord, von Paulus, qui a passé le Don, bombarde la banlieue de Stalingrad. La conquête de cette grande ville industrielle fait en effet partie du plan allemand qui s’inscrit dans une ample manœuvre depuis le Sud pour prendre Moscou à revers.
Le 28 août, par des attaques répétées mais contrariées par les Katiouchas (orgues de Staline), les Allemands arrivent enfin dans la banlieue de Stalingrad, qui n’est plus qu’une montagne de ruines. Dans les rues des faubourgs, des combats sanglants se succèdent. Chaque camp se bat de maison en maison, défend et gagne du terrain, mètre par mètre...
Les Russes se sont retranchés dans les grandes usines (dont celles d’Octobre-rouge et Barricade-rouge). Dans les souterrains de ces usines, on continue de travailler. D’énormes amas de ruines encombrent les rues et les places, gênant les chars allemands qui essaient de pénétrer dans la ville. On se bat alors d’homme à homme car les Russes opposent une résistance acharnée. Hitler voit en Stalingrad un symbole et ordonne à von Paulus de conquérir à tout prix cette place forte soviétique Et c’est ainsi que commence une lutte de position, pleine de pièges.
Mais au mois d’octobre, les Soviétiques commencent la manœuvre d’encerclement de Stalingrad, du Nord-ouest et du Sud-est. Avec de puissantes colonnes cuirassées, ils enfoncent les lignes allemandes.
Le 21 novembre, leurs pointes avancées qui progressent en tenaille se rejoignent. Le cercle russe se referme autour des assiégeants de Stalingrad… qui sont à leur tour assiégés. A l’intérieur, 330 000 hommes, soit toute la 6e armée, une partie de la 4e armée blindée et deux divisions roumaines. Von Paulus songe à briser ce cercle, mais en vain car un ordre impératif du Führer le cloue sur place : il faut tenir le terrain coûte que coûte. Et effectivement, cela va coûter très cher.
Dans les rues détruites, le combat se poursuit. Tout espoir de briser le rideau de feu qui enferme les Allemands dans Stalingrad est perdu. L’aviation soviétique bombarde les soldats de la Wehrmacht, déjà éprouvés par des mois de lutte sanglante.
Le 8 janvier, les Russes proposent à von Paulus une reddition avec l’honneur des armes, mais celui-ci refuse.
Le 9 janvier, les Russes commencent alors l’opération d’anéantissement.
Le 15 janvier, ils enfoncent la résistance de l’enceinte extérieure de la ville et l’armée allemande sera finalement défaite le 2 février.
Le 3 février 1943, le général Friedrich Paulus (fraîchement nommé maréchal par Hitler) signe la capitulation de la 6e armée allemande.
La bataille de Stalingrad marque un tournant décisif dans le conflit car avec elle débute l’ébranlement de la puissance allemande. Dès lors plus rien n’arrêtera l’offensive soviétique qui avait démarré le 11 décembre 1942 et enfonce maintenant le front du Don tenu par les Allemands et leurs alliés. Ainsi commence la grande retraite du Don. C’est une marche hallucinante sur des centaines de kilomètres, sous un climat polaire, les tempêtes et les attaques permanentes des Russes.
La 2e campagne hivernale soviétique anéantit les conquêtes réalisées par les Allemands pendant l’été. Cela aura une influence considérable sur le moral des troupes et de la population. Dans les rues de Moscou, pour célébrer la victoire, on fait défiler les Allemands qui ont capitulé à Stalingrad.
Serge Moroy
Synthèse réalisée à partir des archives civiles et militaires de la cinémathèque de Milan.
Dans la soirée du 15 avril 2019, un incendie ravageait la charpente de la cathédrale, faisant tomber sa flèche de plomb haute de 96 mètres. Trois ans et demi plus tard, Notre-Dame de Paris, symbole intemporel de Paris et chef-d’œuvre de l’architecture gothique, renaît progressivement de ses cendres… tel le Phénix. Ce chantier titanesque devrait s’achever en 2024.
La flèche de la cathédrale Notre-Dame était en cours de restauration quand l’incendie s’est produit. L’échafaudage, installé à cet effet, a résisté à l’effondrement de la flèche, mais il a été déformé par la chaleur du brasier. Il était constitué de 40 000 pièces qui ont été soudées entre elles par les flammes. D’un poids total de 200 tonnes, elles menaçaient les voûtes et la structure même de la cathédrale.
Après plusieurs opérations de nettoyage des poussières de plomb puis ensuite la pose d’un revêtement translucide par la Ville de Paris, le parvis de la cathédrale a pu rouvrir au public fin mai 2020. D’un coût de 165 millions d’euros, la sécurisation de l’édifice a été entreprise dès le lendemain du sinistre et sa consolidation a pris fin à l’été 2021. Quant à la restauration proprement dite de la cathédrale, elle a débuté cette année 2022, avec la reconstruction en avril des voûtes, ce qui a nécessité l’extraction de pierres provenant d’une carrière dans le département de l’Oise.
La dépose du grand orgue
Parallèlement au démontage de l’échafaudage, pendant que les compagnons du Tour de France travaillaient au sommet, une autre opération délicate s’imposait : la dépose du grand orgue, le plus grand de France qui, heureusement, était resté intact. Mais ses 8000 tuyaux (certains font 10 mètres de haut tandis que d’autres sont de la taille d’un stylo), 7 sommiers, 5 claviers et son pédalier, avaient été recouverts par la poussière de plomb soulevée lors de l’effondrement de la voûte.
Une fois démonté, 6 mois seront nécessaires pour nettoyer et restaurer le grand orgue dans les règles de l’art.
En revanche, l’orgue de chœur a été endommagé par l’eau. Cheville ouvrière de la liturgie au quotidien, il a été abondamment arrosé par les eaux projetées pour lutter contre l’incendie, ainsi que les suies chargées de plomb qui ont recouvert l’instrument. Après expertise, seule une partie de sa tuyauterie est réutilisable. La console, l’ensemble de la tuyauterie bois, ainsi que les systèmes de soufflerie et de transmission seront à reconstruire à neuf.
Chefs-d’œuvre de l’art médiéval
Les trois portails de la façade Ouest, ouverts sur la ville, sont toujours inaccessibles. Il s’agit du portail de la Vierge Marie, mère du Christ, à qui la cathédrale est dédiée, de celui du jugement dernier (XIIIe siècle) et enfin du portail de Sainte-Anne. Construits vers 1220, tous trois représentent des chefs-d’œuvre de la sculpture du Moyen âge, complétés par des restitutions du XIXe siècle. Ils ont été conçus comme une entrée triomphale, symbole des portes du paradis, et constituent un témoignage de la riche histoire de Notre-Dame et de sa continuité dans le temps.
Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco au titre des Rives de la Seine, Notre-Dame de Paris, témoin historique du génie humain puisque édifiée il y a près de 860 ans, a vu sa première pierre posée en l’an 1163. Restauré ensuite sous la direction d’Eugène Viollet-le-Duc et de Jean-Baptiste Lassus de 1844 à 1864, c’est le monument le plus visité d’Europe.
Selon le président de la République, qui s’est rendu mardi 15 avril 2021 sur le chantier de la toiture, la réouverture de la cathédrale aura lieu en avril 2024, c’est-à-dire pour la célébration des fêtes chrétiennes de Pâques.
Le 23 juillet 2005, la cause animale perdait l’un de ses plus ardents défenseurs
Christian Zuber nous quittait des suites d'un cancer. Il avait 75 ans.
L'homme savait que c'était son dernier combat, le plus terrible pour ce grand explorateur, qui avait pourtant connu bien des frayeurs sur ce globe qu'il connaissait par cœur.
Un combat très inégal contre une maladie insidieuse et impitoyable. Jusqu'au bout Christian aura lutté, s'étourdissant de travail et ne laissant surtout rien paraître aux autres de sa maladie : c'eut été pour lui un aveu de faiblesse et une démission devant la tâche inlassable qu'il s'était assignée.
Car Christian était un véritable bourreau de travail pour lui-même. J'ai encore le souvenir de l'entretien qu'il m'avait accordé début novembre 2002 pour Infos-Ciné dans les locaux d'un studio de production à Boulogne Billancourt (Hauts-de-Seine) où il achevait le montage d'une émission pour la fondation Bardot destinée à la télé (cf. Infos-Ciné 53 - mars 2003). Au cours de cette entrevue, si courte fut-elle, j'ai pu découvrir et apprécier toute sa dimension humaine, c'est-à-dire un mélange extraordinaire de force, de conviction, de détermination et de cordialité spontanée.
Cet homme infatigable, à un âge où tout un chacun aspire à une retraite paisible et méritée, loin des soucis et des trépidations de la vie active, refusait obstinément de poser les valises. D'ailleurs, il avait le complexe de l'âge et refusait de vieillir. Estimant qu'une vie n'est intéressante que si elle est motivée par un engagement personnel, Christian définissait son devoir comme devant être là où l'on massacre, bat, torture, mutile, exploite les animaux afin de dénoncer et témoigner devant le tribunal du genre humain. Il avait du cran et ne mâchait jamais ses mots devant quiconque, qui qu'il soit. Son arme, fidèle et efficace, était avant tout sa caméra et son appareil photo et, dans ce domaine, il faisait sans conteste figure de leader emblématique.
Cet ardent défenseur de la faune animale savait pertinemment que son combat était loin d'être terminé. En bon pédagogue (son premier métier était enseignant), il n'avait jamais cesser de sensibiliser les jeunes générations à la sauvegarde des espèces et à la protection de la nature grâce à ses émissions télé, ses longs-métrages et aussi ses livres sur ces expéditions. Son slogan était d'ailleurs resté le même depuis le début, une profession de foi inébranlable pour ce grand reporter : c'est l'information qui sauvera la nature !
Ne félicitons surtout pas la télévision qui avait passé sous silence sa disparition, lui qui l'avait pourtant si bien honorée avec sa célèbre série animalière Caméra au poing (apparue sur les écrans fin 1972). On lui aura certainement préféré des Reality Show ou autres niaiseries (je veux rester poli) dont on nous abreuve à gogo aujourd'hui et qui flatte assurément le mauvais goût des téléspectateurs.
Malgré tout, les multiples combats de Christian n'auront pas été vains. Des progrès considérables ont été obtenus et des espèces sont désormais protégées dans de nombreux pays grâce à lui. Nous et nos enfants lui sommes redevables de notre bien-être car « ce n'est pas uniquement pour protéger des espèces animales que nous nous battons, c'est aussi pour la beauté de la nature et son harmonie indispensable au bonheur de l'homme » (L'arche de Noé - Edition Flammarion - 1974).
En ce qui me concerne, il me sera maintenant difficile de contempler le spectacle de la nature sauvage sans avoir une pensée émue et sincère pour Christian ZUBER. S. Moroy
ODESSA, plus grand port ukrainien donnant sur la mer Noire, est une ville stratégique pour les Russes qui occupent déjà Kherson. Je ne peux m’empêcher de songer à la séquence des escaliers d’Odessa, tirée du film POTEMKINE, chef-d’œuvre de Sergueï Eisenstein (1925).
L’action, qui prend presque la véracité d’un documentaire, se situe pendant la guerre russo-japonaise de 1904 à 1905. L’équipage du cuirassé Potemkine, révolté par les mauvais traitements infligés par ses officiers, s'est mutiné.
La population d’Odessa, où est accosté le navire, fraternise avec les rebelles et leur apporte des vivres. Mais un matelot a trouvé la mort et la ferveur révolutionnaire monte peu à peu.
Le gouvernement tsariste donne l’ordre à l’armée de disperser la foule.
La scène des escaliers monumentaux d’Odessa, d’où les cosaques descendent, fusil au poing, pour déchirer la foule, reste un morceau d'anthologie.
Eisenstein nous révèle de façon poignante ce terrible drame historique survenu le 29 juin 1905. Depuis, le grand escalier Richelieu a été rebaptisé escalier Potemkine.
Écrit en pleine guerre, ce roman de Vicki Baum ressuscite dans sa version originale et sans censure pour la rentrée littéraire 2021.
Parmi la production foisonnante de la rentrée littéraire 2021 (521 romans, dont 379 français et 142 étrangers) figure le roman de Vicki Baum, Hôtel Berlin 43, publié aux éditions Métailié. Il raconte avec un réalisme surprenant ce que personne en Allemagne n’avait osé imaginer en 1943.
Il ne s’agit donc pas d’un livre contemporain puisqu’il est sorti pour la première fois en 1944 et qu’il a connu la censure et des coupures au fil de ses retirages successifs, notamment tous les passages érotiques et ceux où l’auteur critiquait l’Allemagne nazie.
Il était donc justifié que ce livre ressorte enfin dans une traduction fidèle à l’œuvre originale.
Née en Autriche en 1888, Vicki Baum a rédigé ce livre depuis son exil aux Etats-Unis où elle obtiendra la citoyenneté américaine en 1938. Elle avait en effet des origines juives et a été déchue de sa nationalité, tandis que ses livres étaient brûlés dans les autodafés du Troisième Reich.
Dans Hôtel Berlin 43, elle essaye d’imaginer ce qui a pu se passer dans son pays qu’elle a dû quitter précipitamment en 1931.
Après la guerre, Vicki Baum voyagera en Europe, mais ne retournera jamais en Allemagne ni en Autriche.
Un microcosme du Troisième Reich
Ce grand hôtel berlinois, qui a subi les bombardements des Alliés, est une sorte d’annexe semi-officielle du gouvernement hitlérien en même temps qu’une vitrine de la propagande nazie. On y organise des grandes réunions diplomatiques et l’on y scelle d’importants accords commerciaux entre pays. Les généraux allemands viennent y prendre un peu de repos aux bras d’actrices et de quelques prostituées mises à leur disposition.
L’intrigue se déroule dans un huis-clos et sur une durée de vingt-quatre heures selon le sacro-saint principe du théâtre : unité de temps, de lieu et d’action. Son suspense repose sur le jeu du chat et de la souris, c’est-à-dire entre les agents de la Gestapo et Martin Richter, leader d’une révolte d’étudiants à Leipzig, qui a échappé à ses bourreaux la veille de son exécution.
Cependant une rumeur circule selon laquelle il serait peut-être caché là où on l’attendrait le moins, c’est-à-dire dans cet hôtel surveillé par la Gestapo.
Entre théâtre et cinéma
L’ambiance du théâtre est donc prégnante.
Il faut dire que Vicki Baum a eu la chance de voir plusieurs de ses livres adaptés au théâtre et au cinéma. Elle possède en effet un vrai sens du scénario, du rebondissement et du coup de théâtre avec des personnages qui se cachent, se déguisent et évoluent. A la lecture, on a l’impression que certaines scènes ont été pensées pour une future adaptation, avec des fondus enchaînés entre deux chapitres et de bons dosages de suspense, d’érotisme et d’humour dans un contexte historique éminemment dangereux. Peter Godfrey réalisera d’ailleurs en 1945 « Hôtel Berlin », un film produit par la Warner et dont l’intrigue s’inspire du roman.
Mais au-delà de ce côté théâtral, on sent chez l’auteur un véritable effort pour sonder le ressenti de ses compatriotes. A cet effet, elle a créé toute une galerie de personnages animés par leurs propres histoires et drames.
Chacun poursuit son être, disait Spinoza et, dans cet hôtel, chacun poursuit sa vie avec les moyens dont il dispose pour améliorer son ordinaire ou un semblant de paraître, tout en croyant toujours ou non en la victoire de l’Allemagne nazie : l’employé de réception, Kauders lieutenant en permission devenu fou, Von Dahnwitz le général vainqueur de Kharkov, fatigué et venu prendre du bon temps, Helm, commissaire rusé de la Gestapo, Tilli la prostituée, Lisa Dorn l’actrice préférée du Führer, etc.
Des personnages certes un peu caricaturaux au début, mais qui gagnent en ambivalence au fur et à mesure que l’action va progresser.
Sous prétexte de fiction, Vicki Baum imagine avec clairvoyance ce qui va arriver à l’Allemagne. Elle le fait sans concession et d’une manière assez visionnaire puisque le livre, rappelons-le, rédigé pendant l’été 1943, décrit par exemple une attaque aérienne sur des civils… qui n’existait pas encore à cette époque.
Une préface en guise de conclusion
Dans sa préface à l’édition de 1947 (la première aura lieu en 1944 en anglais), Vicki Baum déclarait :« J’ai peu de choses à ajouter aujourd’hui, sinon que je souhaiterais que les Allemands, tout comme leurs adversaires d’hier, établissent une différence claire entre responsabilité et faute. La faute de la guerre incombait, incombe aux dirigeants allemands qui ont précipité sans raison le monde entier dans ce malheur effrayant. Mais la responsabilité de l’issue dévastatrice de cette guerre incombe au peuple allemand qui n’eut ni le courage ni le désir de renverser ses dirigeants quand il en était encore temps. Mon livre ne prétend être rien d’autre qu’un petit miroir, sans doute un peu trouble, dans lequel se reflète le visage de l’Allemagne tel qu’on pouvait le voir deux ans avant la fin de la guerre. » Serge Moroy
Extrait choisi (pages 56-57-58) :
Le serveur venait de faire tomber une cuiller quand on frappa timidement à la porte. C’est le général pensa-t-elle (car même dans ses pensées, elle se sentait rarement assez intime pour l’appeler par son nom), et elle dit, une légère nuance de déception dans la voix : « Entrez ». Terminée, ma soirée tranquille, songea-t-elle. La porte s’ouvrit avec hésitation, deux hommes en uniforme se tenaient sur le seuil. Lisa se leva.
- Que la Fraulein veuille bien nous excuser. Nous sommes de la police, dit l’un d’eux.
- La police ? s’étonna Lisa. Que voulez-vous ?
- Nous sommes désolés de déranger la Fraulein, dit le plus grand. Mais les ordres sont les ordres. Nous devons perquisitionner toutes les chambres.
- Dans votre cas ce n’est qu’une formalité, bien sûr, Fraulein Dorn, ajouta l’autre.
- Faites comme chez vous, messieurs, dit Lisa, assez amusée par l’embarras des policiers. Cela ne vous dérange pas que je prenne mon souper avant qu’il ne soit froid ? Vous voulez une cigarette ?
- Merci, Fraulein, dit le plus grand.
- Merci, Fraulein dit le plus petit.
Ils se servirent avec avidité dans le petit coffret doré. « Excusez-nous », dirent-ils à l’unisson avant de déambuler dans la pièce. Lisa les observait tout en tendant sa tasse au serveur pour qu’il y verse un liquide marron appelé café. C’était comme au théâtre. Le plus grand approchait du lit de l’alcôve comme s’il risquait de lui exploser au visage à tout instant. Il maîtrisa difficilement son regard exorbité et son petit sourire en lorgnant sur la chemise de nuit de mousseline bleue. L’autre se perdait dans les profondeurs de la garde-robe, entre les nouvelles tenues, ne cessant de lui lancer de curieux regards obliques. Ils jetèrent un coup d’œil de pure forme au balcon puis pénètrent dans la salle de bain. Le tout avait à peine duré deux minutes.
- Excusez-nous, dirent-ils en réapparaissant. Le petit rassembla tout son courage : Je n’aurais jamais imaginé avoir l’honneur de faire personnellement la connaissance de Lisa Dorn. Ma femme sera bien étonnée quand je lui raconterai. Et ma petite fille… serait-ce trop vous demander de vous prier de me donner un autographe ? Ma fille en fait collection. Merci infiniment, Fraulein, vous êtes très gentille.
- Je vous ai vue dans L’amour par le bout du nez, Fraulein Dorn, dit l’autre. Je ne vais pas beaucoup au cinéma mais ce film m’a vraiment plu.
Il parcourait son négligé du regard. Lisa en eut soudain assez.
- Bonne nuit, messieurs. J’espère que vous trouverez ce que vous cherchez.
- Excusez-nous, firent-ils en chœur, se dirigeant vers la porte en trébuchant. Nous ne faisons que notre devoir : excusez le dérangement. Heil Hitler.
Quand la porte se referma, Lisa fut frappée d’une pensée déplaisante. Elle se précipita dans la salle de bain. Son précieux savon Roger & Gallet était toujours là. Dieu merci. Mais le petit morceau de savon gris rationné avait disparu du lavabo. Tandis qu’elle hésitait entre colère et rire, un bruit mat provint de sa chambre. Elle ouvrit la porte. Le serveur s’était évanoui. Pendant quelques instants de confusion, Lisa ne sut que faire. Tout ce qu’elle avait appris dans la formation de la Croix-Rouge s’était envolé. S’agenouillant, elle souleva la tête du jeune homme, versa de l’eau sur sa serviette de table, lui tamponna le visage. Elle se souvient enfin qu’il fallait desserrer le col et ouvrir la chemise. Après s’être cassé un ongle dans sa tentative, elle considéra d’un air impuissant ce procédé inconnu. La chemise se dénoua soudain, se défit d’une secousse. Ce n’était qu’un plastron raide et blanc avec une cravate noir et un col de celluloïd. Lisa considéra l’objet avec étonnement ; elle pensait qu’on n’utilisait ce genre de plastron que dans les farces, à des fins comiques. Elle posa avec hésitation les mains sur le torse dénudé de l’homme pour sentir son cœur. Il avait la peau chaude et moite. Ses doigts réticents rencontrèrent une étrange compresse noire, sèche, friable, près de l’épaule gauche et lorsqu’elle la déplaça, une ligne rouge se mit à couleur sur la petite pointe, terriblement inconnue, du sein gauche, et disparut dans le queue-de-pie noir et froissé.
Au théâtre ou au cinéma, Lisa avait connu d’innombrables situations bizarres qui s’étaient résolues selon les lois strictes et efficaces du drame, mais à présent, la panique l’envahissait. Elle écarta la tête du serveur de ses genoux, celle-ci heurta le parquet avec un bruit mat. Trébuchant sur l’ourlet de son négligé, elle se précipita vers l’alcôve, s’empara du téléphone de la table de nuit et demanda l’opérateur d’une voix rauque.
-Posez ce téléphone, dit tout à coup l’homme à terre.
On aurait cru un mort qui se mettait à parler. Lisa en eut le souffle coupé. « Posez ce téléphone », répéta-t-il. Lisa le dévisagea, téléphone à la main, le cœur battant de peur. Il s’était redressé en position assise mais vacillait de vertige. Pour Lisa, c’était comme un rêve où elle se trouverait sur scène pour jouer une pièce dont elle n’avait jamais entendu parler, pour interpréter un rôle dont elle ne connaissait pas la moindre ligne. Dans la seconde qui lui fut nécessaire pour regagner une parcelle de contenance, l’homme se précipita à travers la pièce et arracha la fiche murale du téléphone. Voilà qui lui redevenait familier (Les gens du fleuve, acte II, scène 3), et son esprit s’ouvrit, lui offrit une réplique.
- Si vous faites un seul geste, je tire, dit-elle d’une pauvre petite voix.
Si plus de 200 films relatent l’épopée napoléonienne, celui d’Abel Gance, sorti en avril 1927, émerge nettement du lot. Ce film est actuellement en cours de restauration à la Cinémathèque française, reconstitué dans son intégralité grâce à des séquences retrouvées. Les restaurateurs ont respecté les intertitres d’origine (que j’ai indiqués), mais se sont basés également sur les notes, très explicatives, d’Abel Gance.
Voici donc celles concernant la première rencontre de Napoléon avec Joséphine de Beauharnais. Coup de foudre immédiat pour l’empereur. La scène se passe au bal du 6 octobre 1795, après que le jeune général ait maté l’insurrection des royalistes à Paris.
Le général Vendémiaire
Violine, la jeune cantinière amoureuse de Napoléon, cf. # Napoléon et les femmes (4), sourit en rangeant des vêtements. Tout à coup, elle pâlit et est obligé de s’asseoir. Heureusement que sa compagne ne s’émeut pas de regarder un brillant général, car c’est Bonaparte, éblouissant, qui tend son manteau.
Bonaparte est méconnaissable et séduisant comme personne n’eût pu le penser. Habillé de neuf, chapeauté d’or, cravaté d’or, ceinturé d’or, avec des éperons qui brillent comme deux étoiles… il passe.
Violine le suit des yeux, bouleversée. Quand il est passé, elle arrache, de l’énorme plumet du chapeau qu’il a déposé, une plume qu’elle glisse dans son sein.
Bonaparte entre dans le bal où il fait sensation. La salle, immobile, silencieuse et curieuse, détaille ce jeune et fringant général de la République.
La brusque notoriété de Bonaparte au lendemain de Vendémiaire s’éclipsait cependant devant la grâce de trois femmes célèbres du moment…
Madame Tallien
L’huissier annonce son entrée dans le bal. 25 ans. Très belle, très dévêtue, presque licencieuse, ses cheveux d’un noir de velours sont courts et frisés tout autour de la tête ; cela s’appelle coiffure à la Titus. Elle est radieuse, exubérante de santé et de bonheur et reine de la vie facile. Vénus du Capitole, harmonie parfaite.
Mouvement d’admiration dans la salle. Une cour se forme. L’ancien régime est toujours là dès qu’il s’agit du charme féminin. Bonaparte la regarde, impassible.
Madame Récamier
L’huissier annonce son entrée. 17 ans. Beauté, grâce et simplicité d’une Vierge de Raphaël. Aucun bijou. Plus on la regarde, plus on la trouve belle.
Nouvelle houle d’admiration.
Une autre cour se forme, peut-être plus grande encore que celle qui, comme un essaim, bourdonne autour de Madame Tallien. Tous les vieux messieurs en sont.
Bonaparte la regarde, impassible.
Madame de Beauharnais
L’huissier annonce son entrée. 30 ans. Cette femme met à vivre une grâce qui n’a qu’elle. Au corps, nulle entrave, nul corset, pas même une brassière. Ses mouvements ont une souplesse nonchalante, s’accentuant avec naturel en des poses négligées, qui donnent à sa personne une exotique langueur. Son teint mat, où transparaît l’éclat de l’ivoire, prend une douce animation sous les reflets veloutés de grands yeux bleu foncé, aux longs cils légèrement relevés. Les cheveux, d’une sorte de nuance fulgurante, s’échappent en spirales d’un réseau d’or, et leurs boucles folles viennent encore ajouter un charme indéfinissable à une physionomie dont la mobilité est excessive mais toujours attrayante.
Sa toilette complète l’aspect vaporeux de toute sa personne ; sa robe est de mousseline de l’Inde, et son ampleur exagérée trace autour de son corps des sillons nuageux. Le corsage, drapé à gros plus sur la poitrine, est arrêté sur les épaules par deux têtes de lion émaillées de noir. Les manches courtes, froncées sur des bras nus fort beaux, ornés au poignet de deux petites agrafes d’or.
A elles trois, ces femmes ont affolé Paris et vu tomber des personnages les plus illustres à leurs pieds, ces beaux pieds qu’elles portaient nus et seulement chaussés de cothurnes avec des émeraudes aux doigts.
Troisième vague d’admiration pour Joséphine.
Cette fois, Bonaparte tressaille.
Groupe Joséphine. Compliments, admiration d’adorateurs nombreux. Barras, dissimulant mal sa liaison avec Joséphine, est un des plus ardents. Bonaparte se mêle au groupe. Il est près d’elle, fasciné.
Joséphine s’arrête de rire pour regarder Bonaparte, prisonnier dans le groupe. Cela le gêne. Il rompt la chaîne de fleurs, avance brusquement ; aux cris des admirateurs de Joséphine, il se retourne, les toise, et quitte soudain le groupe. Offusquée Joséphine ne sait que faire, mais elle se décide à rire.
Joséphine rejoint Madame Tallien et Madame Récamier.
Elles suivent, très intéressées, Bonaparte, qui ne les voit pas et qui, entouré, encensé, ne sait comment s’évader des compliments.
Joséphine dit, rêveuse et adorable : « Il est vraiment charmant ce petit Buonaparte ».
Mesdames Tallien et Récamier se font un signe et s’éloignent…
Rapide, Joséphine se place sur son chemin, sans en avoir l’air. Bonaparte arrive, la voit, montre son empressement. Elle le regarde curieusement. Il lève les yeux sur elle. Silence doré.
Bonaparte plonge ses yeux dans ceux de Joséphine. Cela la trouble. Elle se protège derrière son éventail et déclare : « C’est ici, Monsieur Buonaparte, qu’on m’a appelée pour l’échafaud ! ».
Sources :
Abel Gance, Napoléon épopée cinématographique (Jacques Bertoin, 1991)
Abel Gance (Roger Icart, 1983).
Abel Gance et Napoléon, Cinématographe, revue n° 83 (nov. 1982)
Violine Fleuri, la jolie cantinière qui brûlait d’amour pour l’empereur
Le « Napoléon », d’Abel Gance (1927), est un film grandiloquent d’une durée de… 5 heures 30 ! Il est actuellement restauré par la Cinémathèque française pour être diffusé à la rentrée 2021 dans une version remasterisée. Il évoque l’histoire de Tristan Fleuri, qui entre au service de Bonaparte, alors consul, et qui l’accompagnera jusqu’à la fin. Sa fille, Violine, âgée de 16 ans, éprouve pour Bonaparte un amour quasi religieux dès qu’elle l’aperçoit pour la première fois à Paris en 1792. Elle sera elle-même femme de chambre de Joséphine, puis aide-cantinière pour suivre Napoléon dans ses campagnes, avant de mourir pendant la terrible retraite de Russie de 1812. Juste avant, Violine aura eu le temps de révéler à l’empereur la passion brûlante qu’elle éprouvait pour lui.
Fantaisie ou réalité ? Abel Gance a toujours affirmé respecter l’histoire de son grand héros pour lequel il vouait une vive admiration (on n’en a jamais douté). Pourtant aucun historien n’a corroboré l’existence de Violine, rôle tenu par Annabella (1907-1996), dont c’était le tout premier film. Un prétexte pour faciliter l’adhésion du public populaire à son œuvre ? Alors qu’il planchait sur le scénario, Abel Gance déclarait le 15 septembre 1923 (source Cinématographe n° 83, nov. 1982) : « Je me suis permis cependant de dresser dans l’ombre de l’empereur une histoire touchante et obscure pour donner encore plus de relief et d’éclat par contrastes à mon film, et lui éviter la froideur et la raideur continue des tableaux de David par exemple, mais cela, sans jamais changer une virgule de l’histoire. »
Eléonore Denuelle de la Plaigne : celle qui lui prouva qu’il n’était pas stérile
Dans sa fresque consacrée à Napoléon (1955, durée 3 heures) et qui bénéficie d’une distribution exceptionnelle, Sacha Guitry (encore lui) évoque l’aventure amoureuse de l’empereur avec Eléonore Denuelle de la Plaigne (interprétée par Danielle Darrieux).
Dame de service de Caroline Murat, épouse du maréchal de l’empire, dont elle deviendra la maîtresse… avant de s’intéresser de plus près à l’empereur.
En décembre 1806, elle lui donnera un fils, Charles-Léon, lui prouvant ainsi qu’il n’était pas stérile mais plutôt l’impératrice Joséphine de Beauharnais (rôle campé par Michelle Morgan). Hélas pour Eléonore, son impérial amant ne veut plus la revoir - même s’il lui octroiera par la suite une rente confortable - lorsqu’elle viendra frapper aux portes du château de Fontainebleau.
Marie Walewska : sans doute le plus grand amour de Napoléon
« Marie Walewska » (Conquest) est un film américain de 1937 de Clarence Brown qui relate la passion entre Napoléon et Marie Walewska, comtesse polonaise. Le rôle de l’empereur est interprété par Charles Boyer et celui de Marie Walewska par la sublime Greta Garbo qui devient, une fois pour toute, la « Divine ». Une épithète amplement justifiée par sa beauté et son élégance, non démenti dans ses films suivants : « Le roman de Marguerite Gautier » et « Ninotchka ».
« Je n’ai vu que vous, je n’ai admiré que vous, je ne désire que vous »
Elle est blonde, a 20 ans et les yeux bleus. Napoléon fait sa rencontre en janvier 1807 alors que ses troupes occupent la Pologne, pays divisé en trois : Autriche, Prusse et Russie. Certains historiens invoquent le fait « qu’elle s’est sacrifiée pour sauver la Pologne » avec la création du Duché de Varsovie. Quoi qu’il en soit, ils sont très épris l’un de l’autre, même si elle semble réticente au début. Bien que mariée, elle devient sa maîtresse et l’empereur va s’organiser de façon à lui consacrer du temps.
Elle lui donne un fils
Marie deviendra son « épouse polonaise » et leur amour donnera naissance en mai 1810 à un fils, Alexandre.
Napoléon apprend sa naissance alors qu’il est en Belgique avec l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, qu’il choisira pourtant pour devenir la seconde impératrice (choix stratégique et c'était aussi, à l'époque, la plus grande princesse d'Europe).
Marie Walewska reçoit une dotation très confortable de l’empereur et s’installe pendant deux ans dans une maison à Boulogne-sur-Seine (au 7 rue de Montmorency, toujours visible) avec ses deux fils, dont le leur. Marie Walewska et son fils lui rendront même visite début septembre 1814 alors qu’il est en exil sur l’île d’Elbe.
Elle mourra en 1817, à l'âge de 31 ans, pendant un accouchement.
Le destin fabuleux de Désirée Clary, film de Sacha Guitry (1942).
La vie de Napoléon Bonaparte est une source d’inspiration intarissable dans laquelle romanciers et auteurs ont puisé allégrement. Sacha Guitry (1885-1957) a réalisé ce film en 1942 alors que la France était occupée. Il en a fait la mise en scène, mais aussi le scénario et les dialogues. Qui d’autre que lui, d’ailleurs, pouvait traiter un sujet historique de façon aussi romantique et raffinée, instructive et divertissante avec, toujours, ce brin d’humour piquant qui reste sa marque de fabrique tout au long de son œuvre (125 comédies et 35 films).
Le destin de Désirée Clary est en effet fabuleux. Née à Marseille en 1777, elle mourut en 1860 à Stockholm en tant que reine de Suède. Entre-temps, elle aura été la première fiancée de Napoléon Bonaparte.
En 1794, Bonaparte, alors jeune général de la République en garnison à Marseille, fait sa connaissance et en tombe amoureux.
Ils se fiancent avant de partir en Vendée pour prendre, sous Hoche, le commandement de l’artillerie. Bonaparte promet à la jeune fille de l’épouser dès que la guerre le permettra. Finalement, il refuse d’aller mater la répression en Vendée et rejoint Paris où il erre dans l’attente d’une autre affectation.
Il y rencontre Joséphine de Beauharnais, dont il tombe éperdument amoureux (elle, ambitieuse, y voit le moyen de reconquérir ses titres de noblesse) et l’épouse avant de partir pour la campagne d’Italie. Désirée Clary jure de se venger. Ce qu’elle fait en épousant Bernadotte, qu’elle connaissait à peine mais qu’elle a choisi parce que « il était homme à tenir tête à Napoléon ».
Devenu empereur, Napoléon se méfie de Bernadotte, mais pour réparer ses torts envers Désirée, il le nomme maréchal d’empire. En 1810, Bernadotte propose sa candidature à la succession de Charles XIII de Suède. Espérant avoir un solide allié dans le nord de l'Europe, Napoléon donne son accord, et c’est ainsi que Désirée Clary devint princesse héritière de Suède. La période qui va suivre nous révélera le rôle de Bernadotte dans la chute de l’empereur et le film se termine en 1840, avec le rapatriement de ses cendres en France sur ordre de Louis-Philippe.
Nota : C’est Sacha Guitry lui-même qui joue le rôle de Napoléon 1er et Jean-Louis Barrault celui du général Bonaparte. Gaby Morlay incarne Désirée Clary. Un remake américain sera tourné en 1954 (Désirée), avec Marlon Brando et Jean Simmons.
S. Moroy
► Critique du journal L’illustration du 5 septembre 1942 :
« Après une période de production assez terne, Le destin fabuleux de Désirée Clary ouvre brillamment la nouvelle saison
cinématographique française. »
► Réflexion de Napoléon sur les femmes et la polygamie (Juin 1816) :
« Si l’homme fait une infidélité à sa femme, qu’il lui en fasse l’aveu, s’en repente, il n’en demeure plus de traces ; la femme se fâche, pardonne, ou se raccommode, et encore y gagne-t-elle parfois. Il ne saurait en être ainsi de l’infidélité de la femme : elle aurait beau l’avouer, s’en repentir ; qui garantit qu’il n’en demeurera rien ?
Le mal est irréparable ; aussi ne doit-elle, ne peut-elle jamais en convenir. Il n’y a donc, mesdames, et vous devez l’avouer, que le manque de jugement, les idées communes et le défaut d’éducation qui puissent porter une femme à se croire en tout l’égale du mari : du reste, rien de déshonorant dans la différence ; chacun a ses propriétés et ses obligations : vos propriétés, mesdames, sont la beauté, les grâces, la séduction ; vos obligations, la dépendance et la soumission, etc. »
Extrait du « Mémorial de Sainte-Hélène » du Comte de Las Cases (édition 1895) - Tome II, page 682 – dont je possède un exemplaire. S Moroy
Pour le bicentenaire de sa mort, l’empereur des Français sort de nos manuels d’histoire. L’occasion mémorielle pour lever un coin du voile sur un véritable mythe.
Car adulé ou détesté, le personnage continue de fasciner, faisant chaque jour l’objet d’un article ou d’un livre dans le monde. On lui doit, entre autres, le Code civil (qui inspirera de nombreux pays), le code pénal, la création des lycées et universités, l’Arc de Triomphe, la Bourse de Paris, la Cour des comptes, la Légion d’honneur, l’église de la Madeleine, la numérotation pair-impair des rues de la capitale, le canal de l’Ourcq…
Avec le concours de la bibliothèque de la Roseraie, l’association Loisirs Jeunes de Villevaudé lui consacre une exposition originale sous forme de dix panneaux, dont quatre consacrés au baron de Percy, père de la chirurgie militaire et qui a résidé dans notre commune à la fin de sa vie.
Pierre-François Percy (1754-1825) créé une antenne de chirurgie mobile en 1792, sous la Révolution. Il a l’idée d’un corps de santé indépendant et neutre, concept qui inspirera Henri Dunant, fondateur de la Croix-Rouge en 1863. Percy est aussi l’auteur de nombreux ouvrages qui font autorité. Chirurgien en chef de la Grande Armée, il participe à presque toutes les campagnes de l’empereur. Distingué, décoré, récompensé, son nom figurera sur une colonne de l’Arc de Triomphe érigé par Napoléon, dont la construction débute en 1806 pour s’achever en 1836 sous Louis-Philippe. En 1815, la monarchie restaurée, Percy est mis à la retraite et se livre alors à des activités agricoles dans sa propriété au hameau de Bordeaux, à Villevaudé. L’hôpital d’instruction des armées à Clamart (92) porte son nom et affiche, gravée dans le marbre, la profession de foi du médecin militaire.
L’exposition évoque également le sacre de Napoléon (par lui-même), le 2 décembre 1804 à la cathédrale Notre-Dame de Paris, illustrant les principaux participants : Joséphine de Beauharnais, bien sûr, mais aussi sa mère, ses trois sœurs et quatre frères. On apprend que deux de ses frères, Lucien et Jérôme, ainsi que leur mère, Letizia, n’assistaient pas en fait à cette cérémonie. Sur ordre impérial, le célèbre tableau de David a donc fait quelques concessions avec la réalité, unité du bloc familial oblige.
D’autres tableaux représentent l’aigle dans son intimité : son mariage avec Marie-Louise, des scènes de famille avec le roi de Rome, son fils légitime. Car Napoléon a eu d’autres enfants… puisqu’il a connu d’autres femmes.
Et une autre originalité de cette exposition est justement de les évoquer au travers du cinéma, c’est-à-dire devant la caméra d’Abel Gance, Sacha Guitry, Christian-Jaque, Clarence Brown, Roger Richebé…
Daniele Darieux
Ainsi Eléonore Denuelle de la Plaigne lui donnera son premier fils, lui prouvant la stérilité de son épouse Joséphine de Beauharnais. Marie Walewska, comtesse polonaise, peut-être l’une de ses plus grandes passions, lui en donnera un second.
L’exposition se termine avec un panneau sur les monuments funéraires de la famille Bonaparte, dont le Dôme des Invalides (construit sous Louis XIV) et où reposent les dépouilles de Napoléon 1er et du roi de Rome, et un autre sur une sélection de livres dédiés à l’empereur et à quelques uns de ses contemporains, parfois tombés dans l’oubli :
Emilie Pellapra, fille naturelle de l’empereur, (photo ci-contre) Régula Engel, surnommée l’Amazone de l’empereur ou encore le comte de Las Cases, qui recueillera ses mémoires pendant son exil à Sainte-Hélène.
L’exposition est gratuite. Visible jusqu’à fin décembre 2021 à la bibliothèque de la Roseraie, à l’entrée du parc municipal, 16 rue Charles de Gaulle (face à la mairie).
Du lundi au samedi de 10 heures à 12 h 30 et le mercredi de 14 heures à 18 heures.
Lucette de Grenier de la Tour est décédée jeudi 16 septembre à l’ âge de 90 ans.
Ancienne directrice de l’école du Pin, résidant dans la commune depuis 1960, férue d’histoire, membre de la SHCE (Société d’histoire de Claye et environs) et de la SAHC (Société archéologique et historique de Chelles), elle avait fondé en septembre 1988 l’association Loisirs et Culture, dont elle était la présidente.
Elle nous faisait aimer l’Histoire
Grâce à son association, elle avait pu rédiger et publier un ouvrage sur l’histoire de son petit village, "Le Pin d'Antan"
Son livre avait connu un vif succès lors de sa parution en mars 2012.Il s’appuyait sur des cartes postales de la fin du 19e siècle, des documents officiels, ainsi que des témoignages d’habitants qu’elle avait patiemment recueillis depuis 1985. Jean Paul Pasco Labarre, alors maire du Pin, avait déclaré, admiratif : «Un travail exceptionnel qui va permettre aux Pinois de voir sous un angle différent ce que fut notre village. Pour le premier magistrat d’une commune comme Le Pin, ces renseignements sont indispensables».
Mais ses activités ne s’arrêtaient pas là. Loin s’en faut.
Les visiteurs, qui ont participé à ses visites guidées du village, se souviennent encore de son érudition impressionnante.
«Le Pin n’a pas su au cours des années passées conserver son patrimoine. Souhaitons que les générations futures en prennent conscience et ne renouvellent pas les erreurs antérieures. Cependant, les rares pierres qui nous restent parlent à ceux qui savent les entendre» avait elle déclaré le 18 septembre 2010 à l’issue d’une visite. Des loisirs pour tous Lucette de Grenier était également à l’origine depuis 2013 d’un tournoi de scrabble et, toujours la même année, d’un atelier cuisine ouvert à tous, petits et grands, dont le but était de préparer les fêtes de fin d’année... sans prise de tête.
Son rallye touristique, qui a vu le jour en même temps que son association, était à lui seul un événement très prisé, prétexte idéal pour s’instruire tout en visitant de pittoresques villages franciliens dans un rayon de100 à 150 km alentour. «Depuis que nous organisons les rallyes, un seul a été annulé à cause d’un manque de participants... le 13e» avait reconnu en souriant Lucette de Grenier, pourtant non superstitieuse.
Les enfants n’étaient pas oubliés puisqu’elle avait mis en place une bourse aux jouets avant Noël, ainsi qu’une petite troupe de théâtre amateur qui se produisait chaque fin d’année scolaire sur la grande scène de la salle polyvalente Nicole Paris.
Son association avait aussi à cœur de participer au concours cantonal de poésie. Créé en 1989, il s’adressait à tous les habitants d’Annet Sur Marne, Claye Souilly, Courtry, Le Pin, Villeparisis et Villevaudé; mais aussi aux écoles, centres de loisirs et maisons de retraite. Loisirs et Culture avait également organisé ou soutenu de nombreuses expositions thématiques très intéressantes : la Première Guerre mondiale dans nos villages, le camp de concentration de Mathausen, photos d’élèves à l’ école du Pin au fil du temps, etc.
Photo: Résultats du concours de poésie à Villeparisis en 2013. Lucette Degrenier, Michèle Pélabère, Nicole Vibert, Jean Paul Pasco-Labarre, Gilles Loubignac
HOMMAGE
Un dernier hommage à cette grande dame, qui restera dans la mémoire de tous ceux qui ont eu la chance de la connaître, sera rendu mardi 21 septembre à 16 h 30 au crématorium de Montfermeil (Seine Saint Denis). L’inhumation de l’urne funéraire aura lieu quant à elle jeudi 23 septembre, à 11 heures, au cimetière de Le Pin (Seine-etMarne).
Jean-Paul Belmondo a été la plus grande star du cinéma français, c’était l'un de nos derniers monstres sacrés et ses films font toujours les belles heures de la télévision. Les acteurs de la nouvelle génération, Jean Dujardin en tête, n’ont cessé de clamer haut et fort leur dette envers ce comédien qui ne s’est jamais pris au sérieux… au risque de ne pas être pris au sérieux, à commencer par l’intelligentsia cinéphile.
Mais c’est peut-être aussi pour cette raison qu’il était (justement) la coqueluche des Français. Avec « A bout de souffle », il a renouvelé la manière de jouer et les canons de la beauté masculine, soufflant même la vedette à son partenaire et ami Alain Delon. Insouciant et turbulent, rebelle et franchouillard, on l’aimait bien notre Bébel national. Avec son formidable culot, sa verve incisive et sa gueule de lion, il était le héros blagueur et intrépide dans des films où il n'hésitait pas à exécuter lui-même les cascades. Comment s’est forgé le mythe Belmondo ? Peut-être parce qu'il n’a jamais joué un rôle de salaud dans ses 80 films ; au contraire il les combattait. Que cachait donc ses facéties, sa gouaille, sa gentillesse, sa pudeur ? Parce qu'il était lui-même profondément sincère et authentique. Comment cet homme surdoué pour la vie, sportif accompli (boxeur professionnel à ses débuts : 9 combats-5 victoires-1 nul), a-t-il surmonté les épreuves de la vie et notamment la maladie qui l’avait happé en 2002 ? Bébel le magnifique, l’acteur sublime, le justicier, le séducteur, l'amant, le pote... Aujourd’hui, lundi 6 septembre, le cinéma français est en deuil.
S. Moroy
"Belmondo était le cinéma français à lui tout seul" ( "Le soir" du 6 sept 2021)
Un hommage national lui sera rendu le 9 septembre aux Invalides
Signé David Foenkinos, voici un roman très prenant qui célèbre la beauté de la peinture, mais qui dénonce également les violences faites aux femmes, dont le viol.
C’est l’histoire d’Antoine Duris, un éminent professeur aux Beaux-arts de Lyon qui décide de tout plaquer pour occuper un simple emploi de gardien au musée d’Orsay, à Paris.
Pourquoi ce choix très surprenant qui semble ressembler à un déclassement social volontaire pour ce spécialiste de Modigliani ? Il est dans une sorte de convalescence de la parole et son seul désir est d’être assis au milieu des tableaux, notamment devant une œuvre de Modigliani, Jeanne Hébuterne, l’une de ses plus grandes toiles et son dernier amour.
Visiblement, Antoine Duris cherche son propre chemin à la consolation. Discret, silencieux et peu enclin à lier des contacts, son comportement ne peut qu’étonner ses collègues. C’est le cas de Mathilde, la DRH du musée d’Orsay, qui l’a recruté et qui va tout entreprendre pour élucider son secret.
Au fil des pages, l’on découvrira progressivement ce qui a amené Antoine Duris au cœur du grand musée parisien dédié aux chefs-d’œuvre de la peinture du XIXe siècle.
« Ce n’est pas son esprit qui l’a poussé à se réfugier au musée d’Orsay, c’est son corps. Quand on est dans la souffrance, on est comme guidé par ce qui nous fera du bien. » / David Foenkinos (23/03/2018).
Après la publication en 2014 de son roman « Charlotte » (la vie bouleversante du peintre allemand Charlotte Salomon, exécutée à Auschwitz en 1943), David Foenkinos renoue avec un thème qui lui est cher : la résurrection de l’être par la création.
Le lecteur verra d’ailleurs un lien spirituel entre la vocation artistique de Charlotte Salomon avec Camille Perrotin, l’un des personnages clés du roman « Vers la beauté ».
Serge Moroy
Extrait :
La journée se déroula à un rythme identique à celui de la veille. Son rôle consistait essentiellement à veiller à ce que les visiteurs ne s’approchent pas trop des toiles. Il y avait eu cette histoire d’un lycéen qui avait renversé son Coca sur une œuvre dans un musée aux Etats-Unis, et cela allait coûter des millions de dollars aux assurances. Il fallait anticiper, être vigilant. La plupart des touristes ne s’adressaient pas à lui, sauf pour demander les toilettes. Des dizaines de fois, parfois même sans attendre qu’on lui pose la question, il indiquait le chemin : « Les toilettes se situent à l’entrée principale. » Une phrase qu’il prononçait souvent en anglais, et bientôt il l’apprendrait dans de nombreuses langues pour être un bon employé. C’était la préoccupation principale d’Antoine : bien faire son travail. Quiconque d’un tant soit peu dépressif connaît cet état où l’esprit se focalise d’une manière démesurée sur une tâche concrète. On peut panser une plaie physique par la répétition d’un geste mécanique, comme si le simple fait d’agir, y compris de façon dérisoire, permettait de réintégrer la sphère des humains utiles.
Charlotte a été récompensé par le prix Renaudot 2014 et le prix Goncourt des lycéens, Le Mystère Henri Pick a été adapté au cinéma avec Fabrice Lucchini . David Foenkinos a réalisé avec son frère Stéphane Foenkinos une adaptation cinématographique de son roman La délicatesse, avec Audrey Tautou et François Damiens.
Charlotte, La délicatesse, Le mystère Henri Pick sont disponibles à la bibliothèque
Au parfum de son maquis, de loin, les yeux fermés, je reconnaîtrais la Corse (Napoléon)
Vue de Novella Haute Corse
« La patrie est toujours chère, disait Napoléon. Sainte-Hélène pourrait l’être à ce prix ».
Maison natale de Napoléon Bonaparte à Ajaccio. Yves Brayer 1982
La Corse avait donc mille charmes ; il en détaillait les grands traits, la coupe hardie de sa structure physique. Il disait que les insulaires ont toujours quelque chose d’original, par leur isolement, qui les préserve des irruptions et du mélange perpétuel qu’éprouve le continent ; que les habitants des montagnes ont une énergie de caractère et une trempe d’âme qui leur est toute particulière.
Pozzine de Nino
Il s’arrêtait sur les charmes de la terre natale : tout y était meilleur, disait-il, il n’était pas jusqu’à l’odeur
du sol même : elle lui eût suffi pour le deviner les yeux fermés ; il ne l’avait retrouvée nulle part.
Il s’y voyait dans sa jeunesse, à ses premières amours ; il s’y trouvait dans sa jeunesse, au milieu des précipices, franchissant les sommets élevés, les vallées profondes, les gorges étroites, recevant les honneurs et les plaisirs de l’hospitalité ; parcourant la ligne des parents dont les querelles et les vengeances s’étendaient jusqu’au septième degré. Une fille, disait-il, voyait entrer dans la valeur de sa dot le nombre de ses cousins.
Il se rappelait avec orgueil que, n’ayant que 20 ans, il avait fait partie d’une grande excursion de Paoli à Ponte Novu. Son cortège était nombreux ; plus de 500 des siens l’accompagnaient à cheval ; Napoléon marchait à ses côtés ; Paoli lui expliquait, chemin faisant, les positions, les lieux de résistance ou de triomphe de la guerre de la liberté.
Il lui détaillait cette lutte glorieuse ; et sur les observations de son jeune compagnon, le caractère qu’il lui avait laissé apercevoir, l’opinion qu’il lui avait inspirée, il lui dit : « ô Napoléon ! Tu n’as rien de moderne ! Tu appartiens tout à fait à Plutarque ! » .
Serge Moroy
Extrait de « Le mémorial de Sainte-Hélène » - Comte de Las Cases, Tome I, page 604 - Édition Garnier Frères, Paris (1895).
Nguyen Tay, 33 ans, est un peintre vietnamien qui réside à Paris après avoir séjourné en Seine-et-Marne. Depuis janvier 2015, date de son arrivée en France, il s’est fait connaître grâce à ses aquarelles sur papier de riz, à l’encre, à l’huile et aussi sur soie. Toutes illustrent des thèmes qui lui sont chers : son pays natal et la femme.
Aquarelliste de talent, Nguyen Tay peint les femmes à merveille car il les aime et son pinceau, si agile entre ses mains, les sublime qu’elles soient belle, combattante, rêveuse, forte ou blessée ; sur fond de symboles comme il est de coutume dans la culture extrême-orientale.
La Marianne aux camélias, peinture sur huile qui orne le salon d’honneur de l’hôtel de ville de Courtry, c’est lui. Elle est songeuse et sa gravité la rend encore plus belle. L’artiste l’a peinte un an après l’attentat du Bataclan du 13 novembre 2015 et l’a offerte à la Ville en déclarant qu’il avait « tout simplement eu envie de peindre Marianne pour exprimer son amour pour la France qui l’avait accueilli »
Enfant, il aimait flâner dans le petit atelier de couture de sa mère, situé à 200 km de Saigon, l’ancienne capitale de la Cochinchine, rebaptisée Hô-Chi-Minh-Ville. Sa mère, à laquelle il voue une admiration sans borne, reste d’ailleurs sa seule muse.
Par son dévouement et son courage au travail, elle m’a permis d’aller au bout de mes études et j’ai pu finir major de ma promotion à l’université d’architecture de Saigon.
L’aquarelle sur soie, un art ancestral
Tay a exposé pour la première fois à Serris (Seine-et-Marne) pour la journée internationale des droits des femmes, avant d’enchaîner plusieurs expositions dans le département. Ses peintures à l’encre de Chine et ses aquarelles figuratives sur papier de riz, ont toujours suscité l’admiration des visiteurs et il est bien souvent reparti avec un prix sous le bras.
Mais pour l’artiste qui aime relever les défis, la peinture sur soie s’imposait tout naturellement. D’autant que cette technique ancestrale reste méconnue en France. Tay va y apporter sa proche touche, à la fois originale et moderne.
L’aquarelle est une matière qui demande beaucoup de maîtrise. Quand à la soie, la moindre erreur est fatale. Elle reste cependant ma technique préférée pour exprimer les sentiments et l’âme.
Son talent intéresse les publicitaires
En avril 2018, il est sélectionné par Heineken pour symboliser son pays natal sur la série limitée 2018 des bouteilles que la firme de bière néerlandaise va consacrer aux pays du monde. Cette commande est un nouveau défi pour lui car il lui a fallu réaliser un dessin digital, technique qu’il n’avait jamais pratiquée jusqu’alors.
En septembre 2019, c’est lui que l’on choisit pour décorer les boîtes en édition limitée de gâteaux de lune pour Paris Store, l’enseigne de produits alimentaires asiatiques.
En Février 2021, l’artiste signe avec Orange pour la publicité de son nouveau service de transfert d’argent, Orange Money. Son œuvre représente une femme vietnamienne en costume traditionnel dans une barque sur fond de baie d’Along, site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1994. Le Smartphone de la passagère indique que le Vietnam peut dorénavant bénéficier lui aussi des services monétiques de l’opérateur.
Les fleurs de lotus, souvent représentées dans mes tableaux, apportent une touche supplémentaire de sérénité à l’œuvre. Je veux que les contemplateurs se sentent bien.
Le 28 février, il y a dix ans, Annie Girardot décédait âgée de 79 ans à l’hôpital Lariboisière, à Paris. L’actrice souffrait depuis plusieurs années de la maladie d’Alzheimer, révélée au public par sa famille en 2006 et dont elle était devenue un symbole, après avoir accepté de se faire filmer pour le documentaire « Ainsi va la vie » de Nicolas Beaulieu, diffusé le 21 septembre 2008 sur TF1. Un documentaire bouleversant. Il fallait du courage pour le tourner, et encore plus pour prendre la décision de le montrer aux téléspectateurs. Ainsi, j’ai été frappé par le drame quotidien enduré par Annie que l’on voit constamment aidée et sollicitée par ses proches pour recouvrer quelques bribes de sa mémoire craquelée.
Le diagnostic de sa terrible maladie avait été établi en 200. Et elle le connaissait. Certes, Annie Girardot n’est pas n’importe qui. Actrice préférée des Français, elle fut une véritable icône cinématographique, avec 50 ans de carrière et 217 films à son actif. Et quels films ! Elle a donné la réplique à Serrault, Blier, Galabru, Gabin, Delon, Noiret, De Funès, Piccoli, Cassel, Meurice, Ventura, etc. ; sous la direction de réalisateurs talentueux : Delannoy, Grangier, De Broca, Giovani, Zidi, Decoin, Lelouch, Jessua, Molinaro, Cayatte, Audiard… Souvenez-vous : le 2 mars 1996 au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, elle remerciait le public un César qu’on lui avait décerné (meilleur second rôle féminin dans « Les misérables » de Lelouch) après une (trop) longue absence devant les caméras. Elle avait pris la parole, émue : « Je ne sais pas si j’ai manqué au cinéma français, mais à moi, le cinéma français a manqué, follement, éperdument, douloureusement. Votre témoignage, votre amour me font penser que peut-être – je dis peut-être – je ne suis pas encore tout à fait morte ».
Le malaise que l’on éprouve devant ce documentaire provient du fait que l’on ne s’attend pas à voir Annie Girardot incarner ce rôle de malade, dans ce qui semble être, hélas, sa dernière prestation devant une caméra. Car, que reste-t-il de quelqu’un qui perd tous ses repères et oublie ce qu’il est ? N’est-ce pas déjà une mort avant l’heure quand l’esprit a foutu le camp ? Imagines poignantes d’une grande actrice de 77 ans qui récite son texte à l’aide d’une oreillette dans laquelle on le lui souffle.
Non, je ne veux pas garder cette image d’elle. Je me replonge dans ses films. Drôles, joyeux, vifs et nerveux, parfois graves, avec ce sens de la répartie qui la définissait si bien. C’est de cette Annie là dont je veux me souvenir. Du moins, vais-je essayer car c’est comme cela que je l’aimais.
S. Moroy
LA MÉMOIRE DE MA MÈRE
GIULIA SALVATORI
MICHEL LAFON
- Maman, tu n'es vraiment pas gentille avec moi ! Un frisson m'a parcourue. Elle faisait des mots croisés sur la table de la cuisine et c'est à moi, sa fille, qu'elle s'adressait ainsi. Dehors resplendissait le ciel toujours bleu de Sardaigne... - Comment m'as-tu appelée ? - Maman, pourquoi ? - Mais maman... C'est toi ma maman !
Depuis cette scène, avec amour, Giulia Salvatori accompagne sa mère sur les sables mouvants et arides du désert d'Alzheimer, où affleurent pour elle les souvenirs intimes du passé d'Annie Girardot.
Dans ce livre, Annie Girardot est telle que nous ne l'avons jamais vue.
Sa fille, Giulia, raconte sa mère : ses débuts, ses rencontres, ses amours, sa tendresse et puis, dans les années 1990, les premiers symptômes de la maladie d'Alzheimer...
Au-delà du cri d'amour d'une fille à sa mère, Giulia Salvatori nous offre un témoignage sensible et émouvant ; un soutien pour tous ceux qui sont confrontés à cette maladie.
Deux de ses romans ont été publiés aux éditions du Cherche Midi en mai dernier. Sonia Dagotor, 42 ans, fait partie de ces auteurs qui ont le vent en poupe parce que ses romans sont tout simplement dans l’air du temps. Entretien avec une autrice qui a su conjuguer son rôle d’épouse, de mère et de cadre dans la grande distribution, avec sa soif de l’écriture mais, surtout, qui avait envie de se prouver quelque chose.
Sonia, vous avez commencé à écrire à l’âge de 34 ans et votre trilogie, “Épouse, mère et working girl”, publiée à compte d’auteur en 2013, a fait un tabac. Depuis, plus rien ne vous arrête. Qu’est-ce qui se passe ?
Je ne sais pas si l’on peut dire qu’elle a fait un tabac. Ce qui est certain, c’est qu’elle a révolutionné ma vie. Atteindre cet objectif saugrenu d’écrire une trilogie lorsque la seule chose qu’on écrit sont des notes professionnelles était un défi personnel dénué de bon sens, surtout lorsqu’on est déjà débordée dans sa vie de tous les jours. J’ai eu un déclic lors d’une insomnie. Huit ans plus tard, je suis si fière de pouvoir clamer haut et fort que j’ai écrit neuf romans et deux nouvelles et que mes histoires ont touché plus de 250 000 lecteurs. C’est dingue ! Et en plus, j’y prends un plaisir fou. J’adore raconter des histoires qui font du bien, qui interpellent, interrogent, rassurent, bousculent, divertissent, surtout en ces temps bouleversés.
Votre lectorat est majoritairement féminin. Est-ce à dire que les femmes se reconnaissent en vous ?
Je suppose que oui mais il y a souvent un homme derrière chaque femme ou vice versa. Il n’est pas rare que les hommes m’écrivent pour me dire qu’ils ont passé d’excellents moments avec mes personnages. Et puis, il n’y a pas que des femmes dans mes livres, heureusement ! Il y a toujours un homme auquel on peut s’identifier : un père, un papi, un frère, un mari, un ami, un collègue…
S’il est majoritairement féminin, c’est tout simplement parce que 65 % des lecteurs sont des lectrices [étude réalisée en 2015 par Statista]. Attention, je ne dis pas que les hommes ne lisent pas, je dis simplement qu’ils lisent d’autres choses. Par exemple, mon époux lit beaucoup, mais pas de romans. Quant aux miens, il a quelques titres en retard. C’est inadmissible, je trouve. Pas vous ? (Rires)
On sent parfois chez vous un humour caustique à l’égard des hommes. Adepte de la guerre des sexes ?
Vraiment, je ne vois pas de quoi vous parlez (Rires). Je ne suis adepte d’aucune guerre. C’est l’art de vivre ensemble qui me fascine et j’aime m’amuser avec certains clichés. Je les trouve intemporels, parfois drôles. Je vis avec le même homme depuis vingt-deux ans alors vous imaginez bien qu’entre lui et moi, il y aurait de quoi raconter (Rires). D’ailleurs, il a le toupet de dire qu’il est ma muse. Et puis quoi, encore ! (Rires)
Comment avez-vous vécu les deux confinements 2020 ?
J’ai vécu le premier comme un ermite, terrée chez moi avec ma tribu. Je ne suis sortie que deux fois : la première pour descendre ma poubelle – j’ai cru que j’allais mourir asphyxiée par ma propre haleine à cause du masque – et la seconde, pour une promenade en famille après 20 heures lorsque plus personne n’était dans la rue.
C’est mon mari qui faisait les courses, lavait les emballages tellement nous étions en pleine paranoïa. Mais je dois admettre qu’à part ses petits désagréments, sans oublier l’école à la maison qui m’a filé quelques cheveux blancs, je l’ai plutôt bien vécu. J’ai découvert que ma terrasse était ensoleillée malgré son exposition plein Nord et j’ai adoré appuyer sur le bouton pause. J’ai mis ma créativité au service d’autres activités : j’ai jonglé (oui, ne cherchez pas, il fut un temps où j’étais très sportive), j’ai cuisiné (j’ai même fait du pain) et j’ai chanté en karaoké pour amuser ma communauté. Malgré cela, on a eu une superbe météo, signe que je ne chante pas si faux (Rires).
Quant au deuxième confinement, quel confinement ? Pardon, mais dans mon esprit, c’est comme s’il n’avait pas eu lieu. Contrairement au premier, je suis sortie quotidiennement pour m’aérer l’esprit et me remettre de l’écriture intensive de mon roman… rédigé en quelques semaines. Et puis, les enfants étaient à l’école alors, il ne pouvait pas ressembler au premier.
Malheureusement avec la Covid, mes deux livres publiés fin mai aux éditions du Cherche Midi n’ont pas reçu l’accueil que j’espérais en librairie. Tout le circuit a été perturbé. La bonne nouvelle pour moi, comme pour les autres auteurs, c’est que la lecture numérique a explosé grâce au premier confinement et l’un de mes deux romans, “Sortez-moi de là”, est arrivé deuxième meilleure vente sur Kobo, après Joël Dicker, et donc avant tous les autres auteurs best-sellers. Absolument incroyable, n’est-ce pas ! Comment pourrais-je oublier 2020 et l’ascenseur émotionnel qu’il m’a procuré ?
Votre prochain roman “Le bonheur se cache parfois derrière les nuages” sera publié le 6 mai chez Robert Laffont. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’est l’histoire de Michel et Francine, un couple installé qui fête ses trente-neuf ans de mariage. A cette occasion, Francine organise une soirée en amoureux. Le couple se rend au théâtre puis dîne au restaurant. Alors que la pièce est hilarante, Francine en ressort bouleversée et passe tout le repas à repenser aux différentes étapes qui l’ont menée face à cet homme qui ne la regarde plus. A soixante-deux ans, Francine n’est pas heureuse. Quand l’amour a-t-il commencé à s’effriter ? Et si Francine se révoltait contre le temps qui passe ? Et s’il n’était pas trop tard pour choisir le bonheur ?
Ce roman est très différent de tous ceux que j’ai pu écrire jusque-là. Moins drôle, mais plus profond. Ma plume évolue… en bien, j’espère ! Les lecteurs sauront me le dire. J’ai hâte et j’ai un peu peur aussi. On verra bien.
Vous avez des liens très forts avec vos lecteurs : ils vous suivent sur les réseaux sociaux, se déplacent pour vous rencontrer sur les salons. Ces échanges vous inspirent ?
Ils ne m’inspirent pas, ils me galvanisent. Créer du lien avec mes lecteurs est pour moi indispensable. Leurs retours, quels qu’ils soient, c’est mon carburant. Je réponds toujours aux messages qu’on m’envoie. C’est une sorte de récompense, de reconnaissance, de respect aussi. Et s’ils apprécient mon univers, je les invite à activer le bouche-à-oreille. Il s’agit de « la dagotorisation » : terme inventé par l’une de mes lectrices. Il s’agit de toutes les actions contribuant à promouvoir mon univers. Il existe aussi le verbe « dagotoriser », l’adjectif « dagotorisé(e) », le nom commun dagotoraddict(e) et j’en passe…
On s’amuse bien et c’est ce qui compte. Comme dans mes livres, je veux que ma propre histoire inspire les autres, qu’elle les pousse à accomplir de grandes (et petites) choses, pourvu qu’elles leur fassent du bien. Quant aux salons, ça commence vraiment à me manquer. Ces rendez-vous me permettent de conquérir de nouveaux lecteurs. Pour l’instant, très peu se déplacent pour moi mais, ça viendra un jour, ça viendra ! Si bien qu’avec les mesures sanitaires, il faudra privatiser tout un stade de foot… C’est beau de rêver ! (Rires).
Précisons à nos lecteurs que “Ceux qui s’aiment finissent toujours par se retrouver”, votre roman actuellement en librairie, sortira le 5 mai au Livre de Poche. De plus, il concourra pour le Prix des lecteurs 2021. Alors, bonne chance Sonia ! Serge Moroy
Georges MÉLIÈS est mort le 21 janvier 1938 à Paris, à 77 ans. Il a été l’une des figures les plus marquantes du cinéma naissant. Son œuvre (plus de 500 films), détruite ou dispersée, tombe rapidement dans l’oubli. A la fin de sa vie, pour survivre, il tenait un petit magasin de jouets dans le hall de la gare Paris-Montparnasse. Il reste presque totalement inconnu du grand public. Découvrez son histoire
Georges Méliès (1861-1938) tourna 520 films entre 1896 et 1913. C’est une œuvre considérable et sans pareille pour l’époque. Mais, dans un moment de détresse, il les détruisit en 1923. Alors, comment peut-on les voir encore aujourd’hui ?
Heureusement, des copies avaient été effectuées et aujourd’hui, aux États-Unis mais aussi dans le monde, on a parfois le bonheur d’exhumer un de ses petits chefs-d’œuvre, à l’instar du Voyage dans la lune, fantaisie qui connut un vif succès en 1902. Il convient alors de les restaurer très vite car la pellicule, inflammable, se décompose dans le temps.
Le mystère Méliès, documentaire exceptionnel de Serge Bromberg et Eric Lange, sera diffusé samedi 9 janvier à 00 h 30 sur ARTE, mais on pourra le regarder en avant-première grâce au lien ci-dessous.
C’est 59 minutes de pur bonheur retraçant l’histoire de ce magicien, alors directeur du théâtre Robert-Oudin et qui va se lancer dans la réalisation et la production de films noir et blanc puis coloriés. Il nous sera expliqué par quel heureux hasard il est encore possible de voir ses œuvres aujourd’hui.
« Notre film explore le monde enchanté du premier magicien du cinéma à travers des images extraordinaires et révèle le secret de cette réapparition, qui est peut-être son plus beau tour de magie. »
Serge Bromberg
Avec les témoignages de Costa-Gavras, président de la Cinémathèque de Paris, Laurent Mannoni, historien du cinéma, Michel Gondry, réalisateur, Béatrice de Pastre, directrice des collections au CNC, ainsi que des enregistrements de la propre voix de Georges Méliès.
Serge Bromberg, 59 ans, a fondé sa société Lobster Films en 1985 pour gérer et valoriser son importante collection de films anciens, notamment des burlesques et des films d’animation. Il poursuit sa recherche de vieux films disparus, qu’il entreprend de restaurer (Méliès, Keaton, Chaplin et Dziga Vertov) et œuvre pour diffusion des grands classiques du cinéma auprès du plus grand nombre.
L’actrice Louise SYLVIE, décédait il y a 51 ans, à 87 ans.
Elle a tourné avec les plus grands (Duvivier, L’Herbier, Bresson, Grémillon, Allégret, Cayatte, Verneuil, Vadim, Allio).
Elle interprétait souvent des rôles de second plan, personnage a priori insignifiant mais cependant capital. Si elle parlait peu, son regard, clair mais grave, vous transperçait l'âme avec éloquence.
Je me souviendrai toujours du film, « Le corbeau », chef-d’œuvre de Clouzot tourné en 1943, dans lequel elle fait une brève apparition finale. Son calme, sa froideur et sa détermination farouche et implacable m’avaient alors glacé le sang. Quel talent !
A la libération, « Le corbeau » avait valu des ennuis à Clouzot.
Son film, qui aborde le thème des lettres anonymes, alors fréquentes sous l’occupation où la délation était encouragée, pour ne pas dire en vogue, est mal compris puis interdit. Clouzot se voit mis à l’index de sa profession. Heureusement, sa disgrâce ne durera pas. Je ne peux que vous conseiller de voir (revoir) ce chef-d'œuvre, à l’atmosphère oppressante et au suspense quasi insoutenable… jusqu’à la fin.
En cette fin d’année 1895, c’était sans doute le plus beau cadeau jamais offert au monde. Samedi 28 décembre, à Paris, Louis et Auguste Lumière organisaient au Grand Café, boulevard des Capucines, la première séance publique de films avec un appareil de leur invention. A cet emplacement se dresse aujourd’hui l’hôtel Scribe.
Spécialisés dans la fabrication de plaques photographiques, les deux industriels lyonnais avaient perfectionné leur appareil, baptisé Cinématographe Lumière, lors de projections privées sept mois auparavant. Celui-ci s’inspirait de la machine à coudre de leur mère, avec un entraînement du film assuré par une griffe qui s’engageait dans les perforations qui y avaient été effectuées. Avec la persistance rétinienne, l’illusion du mouvement était ainsi parfaite.
« C’est une mécanique légère, robuste, manœuvrée par une simple manivelle, aussi transportable qu’une valise et qui a cette propriété remarquable de pouvoir servir à trois usages : prise de vues, projection, tirage des positifs. Un opérateur muni d’un Cinématographe Lumière possédait donc une sorte de valise magique tenant lieu à la fois de studio, d’usine de tirage, de cabine de projection, et qui pouvait fonctionner en tout lieu, d’un bout à l’autre du monde. »
Georges Sadoul – L’invention du cinéma (1946)
Quant au nom de « Cinématographe », c’est Léon Bouly, un Français, qui le breveta en 1893 pour dénommer son chronophotographe à pellicule inspiré de celui de Marey, l’inventeur du fusil photographique en 1882. Le prototype de Bouly est conservé au musée des Arts et Métiers, à Paris.
La projection sur écran enfin possible
Grâce aux travaux des Lumière, le cinéma devient accessible à tous. Dix films très courts, réalisés en plan fixe, figuraient au programme de cette première séance publique et payante du 28 décembre 1895, qui rassembla 33 spectateurs au Grand Café, près de l’Opéra. Ils ont été tournés à Lyon durant l’été par Louis Lumière, ainsi que dans la propriété familiale de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) :
La sortie de l’usine Lumière à Lyon
La voltige
La pêche aux poissons rouges
Le débarquement du congrès de photographie à Lyon
Les forgerons
Le jardinier (ou l’arroseur arrosé)
Le repas de bébé
Le saut à la couverture
La place des Cordeliers à Lyon
Baignade en mer.
La sortie de l’usine Lumière, premier film sur pellicule argentique tourné le 19 mars 1895, montre les portes de l’établissement situé dans le quartier Monplaisir, à Lyon, s’ouvrir pour laisser s’échapper une foule de travailleurs. D’abord les femmes, très élégantes avec leurs grands chapeaux, puis les hommes. La séquence s’achevait sur la fermeture des mêmes portes.
Le premier film comique
Avec son amorce de scénario, l’arroseur arrosé, dont le titre d’origine était « Le jardinier et le petit espiègle », est le premier film comique de ce qui n’était pas encore le 7e art. Le gag, pourtant léger, déclenche l’hilarité dans la salle et convainc les Lumière à le reprendre pour l’affiche publicitaire de leurs prochaines séances. Le jardinier n’est autre que celui de la famille lumière, à Lyon, et le chenapan, un apprenti de leur usine.
« A la fin du spectacle, nous restâmes tous bouche bée, frappés de stupeur, surpris au-delà de toute expression. C’était du délire et chacun se demandait comment on avait pu obtenir pareil résultat. »
Georges Méliès, directeur du théâtre Robert-Houdin
Succès immédiat
La salle, ravie et comme hallucinée, s’était forgée une opinion : le cinéma est magique. Il est partout et rien ne lui échappe ou ne saurait lui échapper. Devant l’afflux incessant des curieux, les frères Lumière devront jouer les prolongations.
La presse, sceptique au début, s’enthousiasme et ne tarit pas d’éloges, employant le terme de « photographie animée ».
Malgré ce triomphe, Louis et Auguste Lumière, tout comme Thomas Edison, inventeur américain du Kinétoscope en 1894 (appareil de visionnement individuel d’images animées), ne croient pas en l’avenir du cinéma de divertissement.
Trois ans plus tard, ils abandonnent la production de films. Le flambeau sera vite repris par Georges Méliès, Charles Pathé et Louis Gaumont, qui bâtiront une énorme industrie tout en perfectionnant le langage de l’image pour donner au cinéma balbutiant ses lettres de noblesse. Serge Moroy
Hervé Guibert est décédé le 27 décembre 1991, victime du sida à l’âge de 36 ans.
Il a été un écrivain prolixe, mais aussi un journaliste et photographe renommé. Il apprend sa séropositivité en 1988 et va l’annoncer dans un roman autobiographique publié en 1990 chez Gallimard, et qui sera son œuvre la plus connue du public : « A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie ».
Dans celui-ci, il révèle de façon frappante le combat qu’il mène au quotidien contre la maladie, ainsi que le cruel espoir qu’il nourrit d’être guéri grâce à un traitement miraculeux élaboré aux Etats-Unis.
« De même que je n'avais avoué à personne, sauf aux amis qui se comptent sur les doigts d'une main, que j'étais condamné, je n'avouai à personne, sauf à ces quelques amis, que j'allais m'en tirer, que je serais, par ce hasard extraordinaire, un des premiers survivants au monde de cette maladie inexorable. »
Mais hélas le remède miracle n'existe pas.
Au-delà d'un témoignage poignant et dramatique sur le sida, l'amitié et la mort, ce roman frappe par la force et la beauté crue de son écriture et où se dressent à chaque page une rage de vivre et une violence à peine contenue.
Quand j'ai découvert son roman, en 1991, je l'ai lu d'une traite car la grande force d’Hervé Guibert est peut-être, finalement, de nous faire réagir.
S. Moroy
A L'AMI QUI NE M'A PAS SAUVÉ LAVIE
HERVÉ GUILBERT
GALLIMARD
Premier tome d'une trilogie autobiographique consacrée au sida.
J'ai eu le sida pendant trois mois.
Plus exactement, j'ai cru pendant trois mois que j'étais condamné par cette maladie mortelle qu'on appelle le sida.
Or je ne me faisais pas d'idées, j'étais réellement atteint, le test qui s'était avéré positif en témoignait, ainsi que des analyses qui avaient démontré que mon sang amorçait un processus de faillite.
Mais, au bout de trois mois, un hasard extraordinaire me fit croire, et me donna quasiment l'assurance que je pourrais échapper à cette maladie que tout le monde donnait encore pour incurable.
De même que je n'avais avoué à personne, sauf aux amis qui se comptent sur les doigts d'une main, que j'étais condamné, je n'avouai à personne, sauf à ces quelques amis, que j'allais m'en tirer, que je serais, par ce hasard extraordinaire, un des premiers survivants au monde de cette maladie inexorable".
Ça y est, le compte à rebours est déclenché. C’est en effet à la date du 31 décembre à minuit, que l’Angleterre quittera officiellement l’Europe.Et si d’autres pays lui emboîtaient le pas ?
Le Brexit a été plébiscité à près de 52 % par les Britanniques lors du référendum organisé le 23 juin 2016. Même si la sortie du Royaune-Uni de l’Union européenne a été plusieurs fois repoussée, elle sera pourtant effective au 1er janvier 2021.
L’espace économique européen (EEE) couvre les 27 états de l’Union européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovanie, Slovaquie, Suède et Tchéquie ; ainsi que le Royaume-Uni, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
Or, le Royaume-Uni (Angleterre, Ecosse, Pays de Galle et Irlande du Nord) s’est déjà retiré de l’UE à la date du 1er février 2020. Pendant la période nécessaire aux transactions nécessaires à ce retrait, le droit de l’Union continue d’être applicable au Royaume-Uni.
Car l’accord de retrait prévoit une période de transition, qui se terminera le 31 décembre. Jusqu’à cette date, le droit de l’UE reste applicable dans son intégralité au Royaume-Uni. Des négociations pour faire le point sur la situation sont d’ailleurs en cours en ce moment entre le premier ministre anglais, Boris Johnson, et la présidente de la commission européenne à Bruxelles, Ursula von der Leyren.
Une idée pour d’autres pays ?
Par ailleurs, la crise économique qui frappe la zone euro depuis son entrée en vigueur est loin d’arranger les choses, et ce même si l’Angleterre avait le privilège d’avoir conservé sa monnaie. Au niveau politique, la gestion controversée voire inefficace des migrants, entre autres dossiers sensibles, pourrait bien conforter la position britannique sur l’échec d’un projet européen concerté et son souhait de voler de ses propres ailes.
Enfin, l’épisode du Brexit pourrait aussi servir de test à d’autres pays qui y songeaient mais hésitaient cependant à franchir le pas. Avec le risque subséquent de fragiliser l’union européenne : Messieurs les Anglais, tirez les premiers !Serge Moroy
EN 1945, GENEVIÈVE BOSSU RAPATRIAIT LES PRISONNIERS DE GUERRE PAR AVION
Geneviève Bossu réside à Villevaudé (Seine-et-Marne). Elle a eu 101 ans le 24 novembre et se souvient encore parfaitement des déportés qu’elle a rapatriés d’Allemagne… il y a 75 ans.
Pendant l’été 1945, près de 16 000 prisonniers français ont été ramenés par avion. Ce rapatriement a été le premier et le plus important de l’Histoire et sa réussite est dû au dévouement des équipages : diplomates, médecins et infirmières, en particulier les IPSA (Infirmières pilotes secouristes de l’air).
Pour son frère
Geneviève a 20 ans quand la guerre éclate. Son frère, Roger Albinet (futur maire de Villevaudé, de 1947 à 1971) est prisonnier en Allemagne. Avec un simple diplôme d’infirmière, elle rejoint les IPSA, une section aérienne de la Croix-Rouge française créée en 1934, afin d’aller le chercher.
C’est la raison pour laquelle je voulais récupérer les prisonniers, même si je savais que je ne le retrouverais pas forcément.
Première mission sanitaire
Son départ a lieu en avril 1945. Elle doit ramener les prisonniers du camp de concentration de Buchenwald, rassemblés au Luxembourg.
On les a installés dans le train, sur des brancards. Ils avaient tous une étiquette autour du cou car certains ne parlaient pas. Il y avait beaucoup de Français et j’ai même retrouvé un cousin !
Avec la première armée française Rhin et Danube
Le 8 mai 1945, jour où Berlin capitule, elle accompagne à Mengen la première armée française Rhin et Danube. Celle-ci est commandée par le général de Lattre de Tassigny et elle fait partie du convoi d’ambulances qui la suit. Les ponts sur le Rhin sont détruits et le ravitaillement en essence pour l’armée s’effectue par avion, de Strasbourg à la base de Mengen. Les avions repartant à vide, elle et ses cinq collègues les remplissent à raison de trois rotations par jour. Ce sont ainsi 1935 soldats, dont 560 couchés, qui seront convoyés par une centaine d’avions Junker ou Dakota.
J'ai vu tellement de souffrances qu’aujourd'hui encore, je m'interdis de me plaindre.
Les rescapées de Ravensbrück
En août 1945, elle s’envole pour Malmoë (Suède) afin de rapatrier une centaine de femmes que le comte Bernadotte, diplomate suédois, a réussi à extirper du camp de Ravensbrück, deux mois avant la reddition allemande. Un terrible spectacle s’offre alors à sa vue.
Elles n’étaient plus que squelettes. Notre crainte était que les parents les fassent manger trop. On les a soignées sur place pendant deux mois avant de les ramener en avion.
La jeune convoyeuse se voit ensuite détachée au ministère des colonies pour évacuer des familles et des malades bloqués par les guerres à Madagascar, en Afrique, Inde et Indochine. Peu rapides et volant assez bas, il fallait six jours aller-retour aux avions pour faire Paris-Dakar.
Une vie au service des autres
Fin 1946, elle tombe malade et sa convalescence se déroule dans la demeure familiale, à Villevaudé.
En 1950, elle obtient son diplôme d’infirmière d’État et sera monitrice IPSA, puis hôtesse à Air Maroc. En 1956, elle épouse Henry Bossu, directeur des essais chez Panhard, et devient, jusqu’en 1967, infirmière pour l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord).
En 1968, elle travaille dans un laboratoire puis, jusqu’à sa retraite en mai 1981, comme infirmière à la Compagnie générale d’électricité. Après la mort de son époux, en 1995, elle décide de rester à Villevaudé.
Ce que j'ai fait, tout le monde l’aurait fait.
Nommée chevalier de l’ordre national du Mérite par décret du 14 novembre 2003, Geneviève Bossu aura le privilège d’être décorée le 11 mars 2004 par Geneviève de Galard, l’héroïque convoyeuse de l’air de Diên Biên Phu (Indochine), elle-même Grand-croix de la Légion d’honneur.
Robert Marchand, doyen des champions cyclistes, fête ses 109 ans ce 26 novembre. Pendant le premier confinement, il s’entraînait tous les jours sur son vélo d’appartement, mais sa nièce, le trouvant affaibli, l’a placé dans la maison de retraite située dans son quartier, à Mitry-Mory (Seine-et-Marne).
Mais quel est donc le secret de « ce malicieux diable d’homme qui semble défier le temps » comme l’a si bien surnommé le champion Bernard Thévenet, vainqueur du tour de France 1975 et 1977 ?
Je bois très peu de champagne et je n’aime pas les gâteaux, trop de sucre. Ma devise ? C’est user de tout, n’abuser de rien. Et aussi pratiquer la culture physique, si possible tous les jours.
Robert Marchand
Plus vieux recordman du monde cycliste
Car parmi son impressionnant palmarès, le Mitryen, un mètre 50 pour quelque 50 kilos, détient le record du monde de l’heure, soit 22,55 km accomplis en une heure.
Il a réalisé son exploit en 2017, au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines) et dans la catégorie masters, une catégorie spécialement créée pour lui. Jamais dans l’histoire, un centenaire n’avait réalisé un tel exploit.
J’aurais pu faire mieux car je m'économisais, pensant que j’avais encore des tours à faire.
Robert Marchand
Indestructible
Mitry-Mory est une petite ville d’à peine 20 000 habitants, mais il y a plus de 3000 licenciés à USJM (Union sportive de la jeunesse de Mitry-Mory) et il y a bien sûr notre ami Robert, qui est un élément fédérateur du club, mais aussi stimulant : comment voulez-vous qu’un cycliste moins âgé que lui vienne se plaindre ? C’est aussi une relation interactive extrêmement positive : il nous apporte et le groupe lui apporte aussi. Robert a une volonté de fer. Il aime relever les défis et, quand il a un objectif en tête, il est redoutable, indestructible.
Alain Gautheron, président du club des Cyclos-Mitryens (9 décembre 2018)
La Robert Marchand : une course en son honneur
En guise d’hommage, son club organise depuis juin 2018, une randonnée de 647 km avec 4946 mètres de dénivelé positif entre le quartier Cusino où Robert réside à Mitry-Mory, jusqu’au col qui, depuis 2011, porte son nom à Lalouvesc, un village de l’Ardèche. Pour le symbole, le col fait 911 mètres et Robert est né en 1911.
Le bonhomme, petit par la taille mais grand par le talent, est donc un véritable phénomène. Médaille d’or de la jeunesse et des sports, détenteur de l’Ordre national du mérite, reçu à l’Elysée par François Hollande, alors président de la République, c’est le plus vieux sportif de la planète et il est plus connu que le dernier vainqueur du tour de France.
Pour la première fois de sa vie, Robert fêtera son anniversaire pratiquement seul et en maison de retraite. A cette occasion, ses amis proposent de lui témoigner leur affection en lui envoyant une carte de vœux ou bien en participant à un cadeau via une collecte en ligne lancée sur Facebook.
Né le 26 novembre 1911 à Amiens (Somme), Robert est un contemporain de Lénine et de Jean Jaurès. Il a 7 ans lorsque l’armistice de la fin de Première Guerre mondiale est signé. Les études n’étaient pas son fort et il a successivement exercé les métiers d’imprimeur, de fabricant de sacs puis de chaussures avant de rejoindre les pompier de Paris.
En 1939, il est mobilisé. Marié la même année, il est devenu veuf en 1943 et n’a pas eu d’enfant. Robert est parti au Venezuela pour être conducteur de poids lourds puis au Canada pour y devenir bûcheron. De retour en France, il a exercé le métier de maraîcher et ensuite de négociant en vins. Certains se rappellent encore quand il circulait à bord de son fourgon H Citroën pour effectuer ses tournées.
Comme loisirs, Robert a pratiqué la boxe à 13 ans, la gymnastique (champion de France par équipes à la pyramide en 1925), l’haltérophilie et, enfin, le cyclisme de 1925 à 1930 puis de 1978 à aujourd’hui.
Outre ses participations aux épreuves nationales, Robert a établi en Suisse, le 17 février 2012, le record de l’heure de cyclisme sur piste pour la catégorie masters des plus proches de cent ans, catégorie créée spécialement pour lui par l’UCI (Union cycliste internationale), soit 24,251 km.
Le 28 septembre 2012, il a établi à Lyon le record du centenaire le plus rapide sur cent kilomètres à vélo avec 4 heures 17 minutes et 27 secondes, soit une moyenne de 23 km/h.
Le 31 janvier 2014, sur le vélodrome national de St-Quentin-en-Yvelines, Robert a battu son propre record de l’heure de cyclisme sur piste, soit 26,927 km.
Enfin, le 4 janvier 2017, toujours sur le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, il a décroché le record de l’heure de cyclisme sur piste chez les masters de plus de 105 ans, soit 22,547 km.
Incontestablement, il fut un personnage emblématique qui a marqué l’histoire de la France. A tel point, qu’aujourd’hui encore, nombreux sont les partis qui revendiquent son « héritage politique » ou n’hésitent pas à y faire référence.
Disparu à la veille de ses 80 ans, Charles de Gaulle appartient désormais aux historiens. Sa mort a mis un point final à une période de l’histoire de France longue de 30 ans pendant lesquels, l’homme qui se faisait « une certaine idée de la France » aura eu le principal souci de restaurer l’image de son pays et d’assurer son prestige à travers le monde.
Les historiens s’arrêteront sans doute à la date du 27 avril 1969, date à laquelle il quitta définitivement l’Elysée après l’échec du référendum, mais ce serait bien réducteur pour résumer l’œuvre d’un tel personnage. Essayons d’y voir plus clair.
► La légende en marche
« La France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre ! ». Par cet appel lancé le 18 juin 1940 au micro de la BBC, le général De Gaulle exhorte les Français à continuer le combat contre l’occupant allemand. La légende est en marche.
Né le 22 novembre 1890 à Lille, au sein d’une famille monarchiste et catholique, diplômé de Saint-Cyr, Charles De Gaulle se retrouve, à sa sortie, sous les ordres du colonel Pétain. Il s’illustre lors de la Première Guerre mondiale et participe à la bataille de Verdun où il est blessé pour la 3e fois. Capturé par les Allemands devant Douaumont en mars 1916, il tente plusieurs fois de s’évader.
Après la guerre, il entre à l’école militaire comme professeur d’histoire militaire. En 1925, De Gaulle participe au cabinet du maréchal Pétain, alors vice-président du conseil supérieur de la guerre. N’obtenant pas le poste désiré à l’école de guerre, il part au Liban de 1929 à 1931.
A son retour, il obtient un poste au secrétariat général de la Défense nationale On est alors en pleine construction de la ligne Maginot qui, sur 400 km, doit défendre le pays le long de ses frontières avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse et l’Italie.
► Un visionnaire sur le rôle des blindés
La conviction profonde de De Gaulle est que les véhicules blindés sont indispensables en cas de conflit et qu’ils doivent être groupés dans des unités autonomes au sein d’une armée moderne et efficace. Sa conception l’oppose aux principaux responsables de l’armée française (Pétain, Gamelin, Weygand et Giraud) qui sont partisans de la défense statique derrière la ligne Maginot.
L’offensive allemande de mai 1940 est pour De Gaulle, alors colonel d’une unité blindée, de mettre ses théories en application. Il mène avec ses chars deux contre-attaques victorieuses contre la Wehrmacht à Montcornet et à Abbeville.
De Gaulle, devenu général de brigade, est appelé par Paul Reynaud, alors président du conseil, pour devenir sous-secrétaire d’Etat à la Défense en juin 1940. Il s’oppose aux partisans de l’armistice avec les Allemands et quitte la France pour Londres, le 17 juin 1940.
► L'appel à la résistance
Le 18 juin de la même année, il lance sur les ondes de la BBC son célèbre appel à la résistance. Il conteste la légitimité du gouvernement de Pétain et organise, à Londres, le comité de la France libre. Il obtient le soutien et la reconnaissance officielle de Churchill. De Gaulle devient alors le chef de la France libre et il est condamné à mort par Pétain. De Gaulle parvient à rallier progressivement les colonies françaises à sa cause. Il installe un conseil de défense de l’empire en octobre 1940. Parallèlement, il organise et fédère les divers mouvements de résistance qui agissent en France occupée.
Mais De Gaulle, qui n’inspire pas la confiance des Alliés, est tenu à l’écart des grandes décisions (conférences de Téhéran et de Yalta). En novembre 1942, le débarquement américain en Afrique du Nord se fait sans lui et Roosevelt préfère s’appuyer à Alger sur l’amiral Darlan, ex-chef du gouvernement du maréchal Pétain, puis sur le général pétainiste Giraud.
De Gaulle est informé seulement la veille du débarquement du 6 juin 1944 sur les côtes normandes. De retour en France, à Bayeux, première grande ville libérée, De Gaulle reçoit un fervent accueil, ce qui finit par légitimer sa position aux yeux des Alliés.
Dans le contexte tragique de l’épuration, le 3 septembre 1944, il prend la tête du gouvernement provisoire qui prépare l’instauration de la IVe République. Mais son opposition avec la majorité de l’Assemblée sur le projet de constitution le décide à quitter brusquement son poste. Il démissionne de ses fonctions le 20 janvier 1946. Son discours à Bayeux, en juin 1946, fixe clairement sa conception d’un pouvoir exécutif. Il fondera en avril 1947 l’éphémère RPF (Rassemblement du peuple français). Après ses premiers succès, le RPF recueille peu de voix aux élections de 1951 et finalement disparaîtra en 1953.
De Gaulle se met en retrait de la vie politique. A Colombey-les-deux-églises (Haute-Marne), il rédige ses mémoires de guerre.
► La Ve République et l'Algérie
Face aux graves émeutes qui secouent l’Algérie française, Le président René Coty vient chercher De Gaulle comme suprême recours. Nommé chef du gouvernement le 1er juin 1958, De Gaulle fonde la Ve République. Une nouvelle constitution est adoptée par référendum qui renforce considérablement le pouvoir exécutif. De Gaulle devient le 1er président de la Ve République en novembre 1958 pour prendre ses fonctions officielles en janvier 1959.
Engagé dans la guerre civile en Algérie, De Gaulle privilégie finalement l’autodétermination des Algériens. Ce revirement politique provoque une forte réaction qui mène à la tentative du putsch des généraux d’Alger, partisans du maintien de l’Algérie dans la France, le 22 avril 1961.
De Gaulle rétablit l’ordre autoritairement et signe, le 19 mars 1962, avec le FLN les accords d’Evian qui reconnaissent l’indépendance de l’Algérie, tandis qu’une organisation clandestine, l’OAS, perpètre des attentats en signe de protestations.
De Gaulle dote la France de l’arme nucléaire (sous-marin Le Redoutable, essai de la bombe H au Sahara). Il annonce en mars 1966 le départ de l’OTAN afin de marquer l’indépendance de la France vis-à-vis des Etats-Unis, en même temps qu’il renoue des relations diplomatiques avec l’URSS et la Chine. En 1963, il signe avec le chancelier Konral Adenauer un traité de coopération franco-allemande, le premier depuis la fin du conflit en 1945, qui a pour but d’éviter toute nouvelle guerre entre les deux pays.
► Le désaveu politique
La France des années 60 connaît une forte prospérité économique (les trente glorieuses). De Gaulle est réélu face à François Mitterrand, candidat de la gauche unie. Mais la situation sociale est tendue. La grève générale des syndicats et la révolte des étudiants éclatent en mai 1968. La contestation de sa politique est consacrée lors d’un référendum en avril 1969 portant sur un projet de régionalisation.
De Gaulle prend ce résultat pour un désaveu personnel. Il démissionne le 27 avril et se retire à Colombey-les-deux-églises, où il achève ses mémoires et y mourra le 9 novembre 1970.
Pour célébrer le centenaire du soldat inconnu, l’armée de terre porte la flamme du souvenir, de Verdun à Paris, soit un parcours de 360 km. L’opération se déroule du 6 au 10 novembre et chaque journée correspond à une étape pour cette flamme du souvenir qui est aussi symbole de paix.
Vendredi 6 novembre, la flamme du souvenir a déjà été récupérée à Verdun par le comité de la Voie sacrée. Le lendemain, après avoir quitté Revigny-sur-Ornain, toujours portée par des soldats, elle est arrivée à Châlons-en-Champagne. Dimanche, elle sera à Dormans et lundi, à Meaux. Enfin, mardi 10 novembre, son parcours s’achèvera sur la tombe du soldat inconnu qui repose, depuis le 11 novembre 1920, sous l’Arc de Triomphe, place de l’Etoile à Paris. Une flamme éternelle brûle sur sa tombe depuis 1923. Un symbole fort puisque le soldat anonyme représente tous les soldats tombés pour la France au cours de la Première Guerre mondiale.
« Qui a fait Verdun a fait la guerre »
Du 21 février au 19 décembre 1916, soit près de 10 mois, ce fut l’une des batailles les plus terribles du 20e siècle. L’affrontement a marqué un tournant décisif de la guerre sur le front français et constitue aujourd’hui l’un de ses principaux symboles : « Qui a fait Verdun a fait la guerre ».
Car les premiers affrontements vont être très rudes et augurent déjà de l’âpreté des combats. Côté français : 130 000 hommes, 632 canons. Côté allemand : 250 000 hommes, 1852 canons. Mais Verdun, c’est aussi un lourd sacrifice inutile. Une boucherie qui fit 500 000 victimes : 250 000 dans chaque camp.
Avant même la fin de la guerre, Verdun devient un lieu de recueillement et de mémoire nationale et, en 1920, on érige son mémorial et son ossuaire (inaugurés en 1932). Son nom sera maintes fois cité à des fins pacifistes, avant d’être récupéré par les nazis qui ont compris la nécessité de rallier à leur cause les anciens combattants allemands, tandis que Pétain, âgé de 84 ans en 1940, s’appuie sur les anciens combattants français pour sa « France nouvelle ».
Un souvenir gravé dans la pierre
Le souvenir de Verdun dans la conscience collective est immense. Il donne un éclairage intéressant sur son rôle dans les prémices du second conflit jusqu’à la réconciliation franco-allemande du 22 septembre 1984, immortalisée par cette image inoubliable de François Mitterrand et d’Helmut Kohl, main dans la main et recueillis devant le mémorial de Verdun.
Voici le texte intégral de la lettre que Jean Jaurès a écrite en 1888.
Aux instituteurs et institutrices
Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse. Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort.
Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage.
J’entends dire, il est vrai : À quoi bon exiger tant de l’école ? Est-ce que la vie elle-même n’est pas une grande institutrice ? Est-ce que, par exemple, au contact d’une démocratie ardente, l’enfant devenu adulte ne comprendra point de lui-même les idées de travail, d’égalité, de justice, de dignité humaine qui sont la démocratie elle-même ? Je le veux bien, quoiqu’il y ait encore dans notre société, qu’on dit agitée, bien des épaisseurs dormantes où croupissent les esprits. Mais autre chose est de faire, tout d’abord, amitié avec la démocratie par l’intelligence ou par la passion. La vie peut mêler, dans l’âme de l’homme, à l’idée de justice tardivement éveillée, une saveur amère d’orgueil blessé ou de misère subie, un ressentiment et une souffrance. Pourquoi ne pas offrir la justice à des cœurs tout neufs ? Il faut que toutes nos idées soient comme imprégnées d’enfance, c’est-à-dire de générosité pure et de sérénité.
Comment donnerez-vous à l’école primaire l’éducation si haute que j’ai indiquée ? Il y a deux moyens. Il faut d’abord que vous appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu’ils ne puissent plus l’oublier de la vie et que, dans n’importe quel livre, leur œil ne s’arrête à aucun obstacle. Savoir lire vraiment sans hésitation, comme nous lisons vous et moi, c’est la clef de tout. Est-ce savoir lire que de déchiffrer péniblement un article de journal, comme les érudits déchiffrent un grimoire ?
J’ai vu, l’autre jour, un directeur très intelligent d’une école de Belleville, qui me disait : « Ce n’est pas seulement à la campagne qu’on ne sait lire qu’à peu près, c’est-à-dire point du tout ; à Paris même, j’en ai qui quittent l’école sans que je puisse affirmer qu’ils savent lire. » Vous ne devez pas lâcher vos écoliers, vous ne devez pas, si je puis dire, les appliquer à autre chose tant qu’ils ne seront point par la lecture aisée en relation familière avec la pensée humaine. Qu’importent vraiment à côté de cela quelques fautes d’orthographe de plus ou de moins, ou quelques erreurs de système métrique ? Ce sont des vétilles dont vos programmes, qui manquent absolument de proportion, font l’essentiel.
J’en veux mortellement à ce certificat d’études primaires qui exagère encore ce vice secret des programmes. Quel système déplorable nous avons en France avec ces examens à tous les degrés qui suppriment l’initiative du maître et aussi la bonne foi de l’enseignement, en sacrifiant la réalité à l’apparence ! Mon inspection serait bientôt faite dans une école. Je ferais lire les écoliers, et c’est là-dessus seulement que je jugerais le maître.
Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine !
Seulement, pour cela, il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu’il enseigne. Il ne faut pas qu’il récite le soir ce qu’il a appris le matin ; il faut, par exemple, qu’il se soit fait en silence une idée claire du ciel, du mouvement des astres ; il faut qu’il se soit émerveillé tout bas de l’esprit humain, qui, trompé par les yeux, a pris tout d’abord le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné l’infini de l’espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes et des soleils ; alors, et alors seulement, lorsque, par la lecture solitaire et la méditation, il sera tout plein d’une grande idée et tout éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, à la première occasion, la lumière et l’émotion de son esprit. Ah ! sans doute, avec la fatigue écrasante de l’école, il vous est malaisé de vous ressaisir ; mais il suffit d’une demi-heure par jour pour maintenir la pensée à sa hauteur et pour ne pas verser dans l’ornière du métier. Vous serez plus que payés de votre peine, car vous sentirez la vie de l’intelligence s’éveiller autour de vous. Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l’enseignement aux enfants que de le rapetisser.
Les enfants ont une curiosité illimitée, et vous pouvez tout doucement les mener au bout du monde. Il y a un fait que les philosophes expliquent différemment suivant les systèmes, mais qui est indéniable : « Les enfants ont en eux des germes, des commencements d’idées. » Voyez avec quelle facilité ils distinguent le bien du mal, touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle des trésors à fleur de terre : il suffit de gratter un peu pour les mettre à jour. Il ne faut donc pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur.
Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs.
Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront.
Jean Jaurès, journal La Dépêche, Dimanche 15 janvier 1888
Le 20 octobre 1994 décédait Burt Lancaster, à l’âge de 81 ans.
L’acteur américain était venu à Vaires-sur-Marne (77) en octobre 1963 pour tourner un film de guerre à gros budget, « Le train », réalisé par John Frankenheimer avec notamment Paul Scofield, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Michel Simon [inoubliable Papa Boule !], Albert Rémy, Jacques Marin...
Il se trouve que j’habite à Villevaudé, village qui se situe non loin de l’endroit où fut tourné ce film et qu’il tire parti d’événements historiques qui s’y produisirent 19 ans plus tôt en 1944.
Vaires-sur-Marne, en Seine-et-Marne, est une charmante bourgade des bords de Marne, à 25 km à l’est de la capitale. Elle dispose d’une gare de chemin de fer digne de ce nom depuis 1926 assurant la liaison entre Paris et Meaux. Vaires a surtout la particularité de posséder l’un des plus grands triages du réseau ferroviaire français. Ce dernier organise la formation des convois de marchandises vers toute la France et l’Europe. La ville comptait 5120 habitants en 1936 et on estime que près de la moitié de la population était constituée par les cheminots et leurs familles.
Les Allemands arrivent à Vaires le 13 juin 1940. La gare et son triage, aussitôt réquisitionnés, jouent alors un rôle logistique primordial pour les communications outre-Rhin. Les cheminots manifestent très vite leur opposition à la présence de l’occupant. Tout est bon pour gêner ou ralentir le trafic des trains servant l’effort de guerre allemand. Les erreurs d’aiguillage ne se comptent plus et provoquent le va-et-vient incessant des convois. Quelquefois, il y a de véritables actes de sabotage qui mettent hors d’usage le matériel roulant, provoquent des déraillements et nécessitent des réparations qui sont effectuées le plus mollement possible. Bien sûr, les employés des chemins de fer allemands qui surveillent leurs homologues français ne sont pas dupes. Mais, ces hommes de la Reichbahn sont âgés et le plus souvent des réservistes de la Wehrmacht. Bien qu’armés d’un pistolet, ils n’ont pas l’esprit guerrier et consentent bien souvent à fermer les yeux. De toute façon, ils savent que le triage de Vaires est un important foyer de résistance, qu’elle soit active ou passive, et que le sens de l’histoire est en train de tourner, surtout depuis la première défaite de l’armée allemande à El-Alamein (3 novembre 1942).
En 1944, la ville paiera un lourd tribut à la Libération en étant particulièrement éprouvée par les bombardements alliés. Le triage subira en effet six attaques aériennes en l’espace de cinq mois. Le premier se produira le 29 mars 1944. Ce jour-là, plusieurs trains militaires se trouvent assemblés au triage de Vaires. L’un d’eux transporte de l’essence, deux autres du matériel, un quatrième des munitions et le cinquième des troupes de soldats SS. Avertis par la Résistance, les autorités anglaises déclenchent l’offensive un peu plus de 12 heures seulement après avoir reçu l’information. « Les haricots verts sont cuits » annonce alors laconiquement Radio-Londres pour prévenir du bombardement imminent. Effectivement, à 21 h 15, les avions de la RAF surgissent et, quand ils s’éloignent à 21 h 40, le triage est en feu : le train de munitions a explosé, creusant une tranchée longue de 200 m, large de 20 m et profonde de 6 m ; le train transportant l’essence brûle ; les wagons contenant le matériel sont détruits et, pour celui transportant les troupes, plusieurs centaines de soldats ont péri. Les bombardements ont également causé une douzaine de morts dans la population civile. Au total, les chiffres des victimes, selon les estimations des témoins, oscillent entre 1200 et 2735. Quoi qu’il en soit, il semblerait qu’il n’y ait eu que 400 rescapés. Les cinq autres bombardements (28 juin, 8 - 12 - 18 et 27 juillet) surviendront après le débarquement en Normandie. Ils varieront par leur intensité et viseront surtout à désorganiser le trafic ferroviaire sur l’arrière de l’ennemi, tandis que les alliés progressent. A la Libération, la ville de Vaires apparaît comme l’une des plus sinistrées du département de Seine-et-Marne, ce qui lui vaudra de recevoir la Croix de guerre en 1948 pour le courage de sa population civile lors de ces tragiques événements (médaille figurant depuis au bas du blason de la ville).
En octobre 1963, les Vairois sont donc quelque peu surpris de voir débarquer 19 ans plus tard l’équipe d’un grand réalisateur américain pour tourner un film de guerre à gros budget au triage SNCF. Car, pour les besoins de ce tournage énorme en décors naturels, ce sera un pari de tous les instants : en fin de journée, il faut préparer une locomotive qui devra dérailler le lendemain ; il faut ajouter des feuilles aux arbres (l’action se déroule en effet en été et l’on est en automne !). Un poste d’aiguillage de l’époque est entièrement reconstitué, un dépôt désaffecté est sacrifié pour les besoins d’une scène d’explosion. John Frankenheimer était un cinéaste très exigeant et pourtant c’était Arthur Penn qui était prévu au départ pour la réalisation de cette superproduction franco-italo-américaine. En fait, le réalisateur de « Little Big Man » abondonna le tournage au bout de quinze jours à cause d’un désaccord avec Burt Lancaster, l’acteur principal du film.
L’histoire du film est basée sur des faits réels. Au moment de la retraite des Allemands en août 1944, le colonel von Waldheim (interprété par l’acteur Paul Scofield) réquisitionne un train pour transporter vers l’Allemagne des œuvres d’art entreposées au musée du Jeu de paume. Paul Labiche (Burt Lancaster), ingénieur responsable du réseau ferroviaire de l’Est et chef d’un réseau de la Résistance, est chargé d’empêcher à tout prix le train de parvenir à destination. Labiche organise une habile mystification à l’échelon du réseau ferroviaire national puis, finalement, le déraillement du convoi. Les Allemands ripostent par des exécutions d’otages et mettront tout en œuvre pour faire repartir le train mais, au terme d’un combat sans merci, la Résistance aura finalement le dernier mot (*).
Sur le tournage au triage ferroviaire de Vaires, Burt Lancaster faisait preuve d’une grande courtoisie. Dans cette note (document S. Moroy), il invitait les techniciens à prendre un pot avec la production le 23 décembre 1963. En post-scriptum de ce même document, il décline poliment l’invitation de l’un d’entre eux l’invitant pour Noël. On remarquera au passage l’humour de l’acteur américain lorsqu’il évoque ses 5 enfants !
Un grand acteur et, à l’évidence, un très grand Monsieur ! Le temps d’un tournage, le film a donc rapproché une petite ville française avec la grande et mirifique Hollywood. « Le train » fait ainsi partie de ces rares films avec « Ceux du rail » (1943) et « La bataille du rail » (1945), tous deux de René Clément, qui rendent hommage à l’héroïsme des cheminots français dont beaucoup d’entre eux ont payé de leur vie leur combat contre l’occupant.
Serge Moroy
Sources : archives municipales de Vaires-sur-Marne
(*)La réalité historique : sur ordre de Goering, 148 caisses comportant notamment des œuvres d'art moderne (peintures et objets précieux), quittent le Jeu de paume à Paris. Elles seront chargées dans cinq wagons du train n° 40 044, en attente de partir pour Nikolsburg. Renseigné in extremis par la résistante Rose Valland (conservateur au musée du Jeu de paume) et les cheminots, c’est un détachement de l'armée de Leclerc qui arrêtera le 27 août 1944 à Aulnay ce train contenant le dernier convoi d’œuvres d'art pour l'Allemagne.
Cantonnés à Monthyon, les Allemands tiraient le premier coup de canon à midi en voyant les Français arriver sur leurs flancs. La 8e édition d’histoire vivante du Musée de la Grande Guerre de Meaux a célébré, samedi 5 et dimanche 6 septembre, le 106e anniversaire de l’illustre, mais tragique bataille de la Marne. Près de 5000 personnes y ont assisté.
La guerre a éclaté depuis déjà un mois et les troupes allemandes sont à 40 km de Paris. C’est le début de la bataille de la Marne qui durera jusqu’au 12 septembre 1914. L’alliance franco-britannique réussit à stopper l’envahisseur sauvant ainsi Paris. On parle alors du « miracle de la Marne », même si 105 000 Français sont tués, dont l’écrivain Charles Péguy. Affecté au 276e régiment d’infanterie basé à Coulommiers, il tombera le 5 septembre à la tête de ses hommes dans un champ de Villeroy, près duquel il repose aujourd’hui.
L’esplanade du musée connaissait, ce week-end, l’effervescence d’un camp militaire où les uniformes révélaient une grande diversité colorée. Le public, venu nombreux, a pu rencontrer près de 300 reconstituteurs de toutes nationalités, dont pour la première fois d’Italie, membres de 22 associations. Pour la première édition, en 2013, ils n’étaient que 80. L’engouement pour les reconstitutions historiques provient des pays anglo-saxons, avant qu’il ne gagne la France dans les années 1980.
Notre but est de faire connaître la Première Guerre mondiale de façon vivante et ce type de manifestation, au musée de Meaux, est pour nous une occasion idéale
Un soldat du 33e régiment d’artillerie s’affaire avec ses camarades autour d’un canon de 75 mm. Il fait partie de l’association Les poilus d’Île-de-France, dont le siège est à Cormeilles-en-Parisis (95). Créée en janvier 2017, elle s’emploie à transmettre l’histoire de façon vivante et à perpétuer la mémoire des soldats.
Correction apportée dans le commentaire ci-après:
Bonjour je me permets de venir corriger une erreur la photo que vous utilisez avec le canon de 75mm, ce n'est pas l'association du
poilu d'ile de France, mais l'association mémoire de poilu basé a Avignon merci
Le rôle essentiel du cheval
Dans le parc du musée, outre les défilés des armées belligérantes, des démonstrations ont mis en avant le rôle prépondérant du cheval pendant le conflit grâce à l’association Fer de lance basée à Asnières-sur-Seine (92). Son utilisation est privilégiée car on se méfie des véhicules à moteur et, dès le début, les chevaux sont massivement réquisitionnés dans les campagnes. Ils seront ainsi 900 000 à être mobilisés, dont 100 000 dédiés à la cavalerie ; les autres à la traction du matériel d’artillerie. Ils servaient aussi de nourriture si besoin car la guerre va vite s’enliser dans les tranchées.
L’épisode des taxis de la Marne
Le danger est aux portes de Paris et le général Gallieni décide de mobiliser un millier de taxis parisiens, dont la marque Renault détient alors le marché, pour transporter quelque 4000 soldats sur le front. Rassemblés sur l’esplanade des Invalides, ils sont partis à vide pour charger des hommes de troupe à Gagny (93) et les acheminer à Nanteuil-le-Haudoin. Ils roulaient la nuit pour ne pas se faire repérer par l’aviation ennemie.
Équipés de petits moteurs bi-cylindre comme celui-ci, mais réputés fiables, ils ont été mobilisés le 6 septembre
Brice (Scènes & Marne 14) propriétaire d’un taxi Renault 1909
Auprès des blessés
Surnommées « les anges blancs », les infirmières ont également été mises à l’honneur, pendant que l’organisation des services de santé militaire et des postes de secours était expliquée aux visiteurs. Ces derniers ont pu découvrir le rôle éminent de Nicole Girard-Mangin (1878-1919), seule femme médecin française à porter l’uniforme sur le front.
A la fin de la guerre, on dénombrait plus d’un million d’invalides permanents, dont 15 000 « gueules cassées » en France. Suzanne Noël (1878-1954), spécialisée en chirurgie esthétique et réparatrice, a été une pionnière dans ce domaine.
Marie Curie (1867-1934), double prix Nobel (physique en 1903, chimie en 1911), conçoit la première unité mobile d’ambulances radiologiques. Elles pouvaient se rendre près des champs de bataille, limitant ainsi le déplacement des blessés. La scientifique a aussi participé à la création d’une centaine de postes fixes de radiologie dans des hôpitaux militaires.
Gratuit tous les premiers dimanches du mois, et ce depuis 2017, le musée, riche de ses 3000 collections, a connu lui aussi la curiosité du public. S Moroy
Les festivals du parc floral aux portes de Paris, se déroulent en plein air du samedi 15 août au mercredi 23 septembre. Rafraîchissants, riches et colorés, ils sont gratuits et se déclinent en trois volets afin de mieux séduire tous les publics.
Pestacles
Il s’agit d’un festival destiné au jeune public réunissant une programmation particulièrement exigeante, qu’elle soit musicale ou interdisciplinaire (percussions corporelles, théâtre musical, contes des temps modernes…). “Pestacles” entend ainsi faire découvrir joyeusement aux enfants l’univers foisonnant des sonorités, mais aussi celui, tout aussi florissant, des esthétiques ; suscitant leur curiosité et favorisant leur participation.
Du mercredi 19 août au mercredi 23 septembre.
Festival de jazz
L’édition 2020 de “Paris Jazz Festival” poursuit son exploration des approches multiformes du jazz actuel. Elle mettra en avant le dynamisme d’une nouvelle génération émergente de musiciens, sans sacrifier pour autant la tradition ni oublier l’influence des résonances africaines. A ce propos, elle soulignera les bienfaits du métissage, qui contribue à faire évoluer cette musique à nulle autre pareille. Ray Lema clôturera le festival avec son hommage à Franco Luambo, le père de la rumba congolaise décédé en 1989.
Du dimanche 16 août au dimanche 20 septembre. S Moroy
Haut-relief en bronze de Léopold Morice, Monument à la République, Place de la République Paris 1883.
De Gambetta à De Gaulle
4 septembre 1870. Léon Gambetta proclamait la République à l’hôtel de ville de Paris. C'était il y a 150 ans.
4 septembre 1958. C’est le jour anniversaire de la IIIe République qui a été choisi par le gouvernement du général de Gaulle pour date de naissance de la Ve République.
C’est place de la République, où 100 travailleurs recevaient la Légion d’honneur, que le général de Gaulle a ainsi proposé aux Français la nouvelle constitution dans un discours :
« C’est dans la légalité que moi-même et mon gouvernement avons assumé le mandat exceptionnel d’établir un projet de constitution nouvelle et de le soumettre à la décision du peuple. La Nation, qui seule est juge, approuvera ou repoussera notre œuvre. Mais c’est en toute conscience que nous la lui proposons ».
Et le général de Gaulle de poursuivre en exposant que les principes de la nouvelle constitution déterminent « qu’il existe, au-dessus des querelles politiques un arbitre national, élu par les citoyens qui ont un mandat public, qui soit chargé d’assurer le fonctionnement régulier des institutions ; qu’il existe un gouvernement qui soit fait pour gouverner, à qui on laisse le temps et la possibilité ; qu’il existe un parlement destiné à représenter la volonté politique de la Nation, à voter des lois, à contrôler l’exécutif, mais sans sortir de son rôle. Voilà, Françaises, Français, de quoi s’inspire, en quoi consiste la constitution qui, le 28 septembre, sera soumise à vos suffrages. Au nom de la France, je vous demande de répondre OUI. Vive la République, vive la France ! ».
La Ve République est entrée en vigueur le 5 octobre 1958. C’est toujours cette constitution qui aujourd'hui nous régit.
43 ANS APRÈS SA MORT, LE CHARME D'ELVIS OPÈRE ENCORE
En plein été 1977, le 16 août exactement, on apprenait avec stupéfaction le décès d’Elvis Presley, victime d’une crise cardiaque à l’âge de 42 ans. Aujourd’hui, avec plus d’un milliard de disques vendus dans le monde, l’icône est intacte et, comme chaque année, un pèlerinage se déroulera sur les lieux où a vécu le King.
Rocker charismatique à la voix exceptionnelle, mais piètre acteur (31 films mièvres, à l’exception peut-être de King Créole de M. Curtiz en 1958 et du Rock du Bagne de R. Thorpe en 1957), Elvis a su incarner l’Amérique, avec sa soif inassouvie de liberté, ses innombrables excès et son cortège tout aussi interminable de contradictions.
Avant Elvis, il n’y avait rien. Sans lui, les Beatles n’auraient jamais existé ! John Lennon
Pourquoi des millions de personnes se sont-elles entichées dès 1956 de cet ex-conducteur de camion ? Pourquoi son impact a-t-il dépassé, en dimension comme en émotion, celui de tous les autres chanteurs de la planète ? Pourquoi la quasi-totalité de ses chansons, des titres qu’il a créés pour la plupart, ont-elle toujours autant de succès, tout comme ses films qui font l’objet d’un véritable culte malgré les chansons, souvent sirupeuses, qu’il y interprète ?
Il est le symbole de la jeunesse. Il nous a tout apporté. Dick Rivers (1966)
Lors de son grand retour sur scène, à Las Vegas en 1969, le présentateur de télévision Steve Allen commente : « Il est l’attraction la plus sensuelle de Las Vegas. Et quand on sait que les plus grandes stars y travaillent, ce n’est pas un petit compliment. Elvis peut remplir une salle et vider celle d’à côté, même s’il y a Sammy Davis, Frank Sinatra ou Dean Martin à l’affiche ».
Pour Denis Sanders, réalisateur du documentaire qui lui fut consacré en 1970 (Elvis, That’s the way it is) : « C’est un artiste tel qu’il est, c’est-à-dire dans et hors de son contexte de phénomène mondial de la musique actuelle populaire ».
Pèlerinage annuel
Aujourd’hui, alors que ses fans vont se recueillir un peu partout dans le monde pour commémorer les 43 ans de sa disparition, le mythe reste immarcescible et son étoile n’a pas perdu un pixel de son éclat. Pour eux, c’est sûr, leur idole n’est pas morte !
Un biopic sur Elvis, du réalisateur australien Baz Luhrmann (Gatsby le magnifique, Moulin rouge, Australia), devait sortir sur les écrans en fin d’année, mais le coronavirus est survenu et a chamboulé le planning du tournage.
Les inconditionnels du King pourront cependant se rendre au traditionnel pèlerinage du souvenir, organisé tous les ans à Memphis (Tennessee) et qui comprend la visite de son manoir, devenu musée, à Graceland. S.Moroy
Laurent de Brunhoff, aquarelle originale pour Babar et ce coquin d’Arthur, p. 4-5, 1946
A Chessy (Seine-et-Marne), un soir d’été 1930, Cécile de Brunhoff raconte à ses deux enfants, Laurent et Mathieu, l’histoire d’un éléphanteau qui s’enfuit de la jungle après qu’un chasseur a tué sa maman. Il se réfugie en ville où il s’habille comme un homme, avant de revenir plus tard en voiture dans la jungle pour y apporter les enseignements de la civilisation humaine. Il sera alors couronné roi des éléphants.
Naissance d’un mythe
Cette histoire aurait pu rester anonyme, mais les enfants la racontent à leur tour à leur père, Jean de Brunhoff. Comme ce dernier est peintre en aquarelle, la suite s’enchaîne logiquement et « Histoire de Babar » paraît en 1931 aux éditions du Jardin des modes.
Succès immédiat. Aujourd’hui, avec 13 millions d’exemplaires vendus, Babar est traduit en 27 langues et s’exhibe sur de multiples supports, notamment dans l’univers du jouet où il représente l’une des licences françaises les plus importantes.
Grâce à Laurent de Brunhoff, 95 ans, les aventures de l’éléphanteau se poursuivent encore de nos jours, pour la plus grande joie des enfants. Peintre lui aussi, Laurent a repris les personnages inventés par son père, décédé en 1937. Il en a intégré de nouveaux et en a profité pour agrandir la famille.
« En 1945, je me suis installé à Montparnasse. J'étais fasciné par la peinture abstraite. Mais il y avait Babar. J'étais persuadé qu'il devait continuer à vivre. J'ai alors dessiné l'album, Babar et ce coquin d'Arthur. Ma mère était très heureuse, l'éditeur était ravi. Mes deux frères avaient leur vie. Je ne me suis jamais demandé pourquoi moi. Je l'ai fait très naturellement » explique-t-il en décembre 2011, dans une interview consacrée au Figaro.
Un ami de 90 ans
Babar, ami fidèle des enfants, ne les a jamais trahis en quoi que ce soit. Il porte toujours son éternel costume de couleur verte et promène sa placide bonhomie souveraine. Ce héros anthropomorphe de notre plus tendre enfance méritait à juste titre son inscription dans notre patrimoine culturel. Outre ses albums d’aventures, des jouets à son image et des dessins animés ont été créés.
L’illustre et alerte pachyderme, qui a traversé le temps sans une ride ni un rhumatisme, est devenu entre-temps grand-père d’un petit Badou dans la série 3D intitulée « Babar, les aventures de Badou ». Bon sang ne saurait mentir.
S. Moroy
Photo: « Mariage et couronnement du roi Babar et de la reine Céleste », aquarelle extraite d'Histoire de Babar, le petit éléphant (1931).
C’est sur une exposition consacrée à l’acteur comique préféré des Français que le temple de la cinéphilie a rouvert ses portes, mercredi 15 juillet, après la période de confinement national. Louis de Funès, victime d’un infarctus en 1983, y sera la vedette jusqu’au lundi 31 mai 2021, soit une durée exceptionnelle de 11 mois. On pourra même y voir une sélection de 35 de ses films.
La Cinémathèque française organise pour la première fois une exposition d’ampleur dédiée à un acteur. Un choix judicieux puisqu’il s’agit de Louis de Funès et qu’elle rend hommage à son génie comique, au théâtre comme au 7e art pendant près de trente ans.
Des débuts difficiles
Né le 31 juillet 1914 à Courbevoie, Louis de Funès n’est pas un élève brillant. A 18 ans, il entre à l’École Technique de Photographie et de Cinéma (ETPC), dont il est d’ailleurs renvoyé. De nombreux petits boulots, un mariage éphémère puis un job comme pianiste de bar. Il y passera des milliers d’heures car c’est la période des vaches maigres.
A 28 ans, il s’inscrit aux cours Simon et rencontre, en 1943, Jeanne-Augustine Barthélemy, la femme de sa vie. Il rencontre aussi Daniel Gélin, qui le fait débuter au cinéma.
En 1952, il rejoint la troupe des Branquignols, créée par Robert Dhéry et Colette Brosset, réalisant avec eux des petits chefs-d’œuvre d’humour : Le petit baigneur, Ah ! Les belles bacchantes, La belle Américaine…
Le succès à son 100e film
Mais sa carrière au cinéma ne décolle vraiment qu’après Ni vu, ni connu. En 1956, dans La traversée de Paris, le public est subjugué par son rôle de l’épicier Jambier, lâche avec Jean Gabin et méprisant envers Bourvil.
Les années 60 et 70 seront deux décennies de succès ininterrompus, façonnant un personnage unique en son genre, dont le talent est d’être « Odieux sans être antipathique » selon Gérard Oury.
C’est d’ailleurs ce dernier qui l’érigera en star du box-office français avec La grande vadrouille. Tourné en 1966, le film sera vu par 17,27 millions de spectateurs ; record seulement battu en France par Titanic, après 30 ans de suprématie.
Un tyran sympathique
Louis de Funès avait un sens prodigieux du rythme et de la musique. Son comique de mouvement était d’ailleurs réglé telle une partition musicale. Il faut le voir diriger l’orchestre qui joue La damnation de Faust dans La grande vadrouille ou encore dans Le corniaud, quand, dans un garage napolitain, il répare la Cadillac sur l’air de la Danza de Rossini.
Les années 60 et 70 seront deux décennies de succès ininterrompus, façonnant un personnage unique en son genre, dont le talent est d’être « Odieux sans être antipathique » selon Gérard Oury.
C’est d’ailleurs ce dernier qui l’érigera en star du box-office français avec La grande vadrouille. Tourné en 1966, le film sera vu par 17,27 millions de spectateurs ; record seulement battu en France par Titanic, après 30 ans de suprématie.
Ses deux autres atouts reposaient sur l’art de la grimace, auquel son visage se prêtait d’ailleurs admirablement, et celui du déguisement (Fantômas, Rabbi Jacob, Les grandes vacances, Oscar, etc.).
En plus d’être en osmose avec ses partenaires, c’était un véritable homme-orchestre du comique. Car en mêlant rythme corporel, grimaces excentriques et déguisements multiples, Louis a créé son propre style.
Il incarne à l’écran un personnage autoritaire et fantasque que le public aime détester tant il sait ridiculiser les travers du genre humain, comme l’orgueil, l’hypocrisie ou avec la lâcheté que nous réprouvons tous.
Le César d’honneur, qu’il reçoit en février 1980 des mains de Jerry Lewis pour l’ensemble de sa carrière, est une reconnaissance méritée de la profession à son immense talent.
Onze mois pour mieux faire connaissance
Au fil de cette exposition, les visiteurs en sauront un peu plus sur cet homme attachant et exigeant avec lui-même. «Mon château aux 365 fenêtres, une par jour à nettoyer » plaisantait-il à propos de son château de Clermont, au Cellier (Loire-Atlantique), qui appartenait à la famille Maupassant, ancêtres de son épouse.
Ils pourront admirer plusieurs de ses costumes et accessoires, comme la DS de Fantômas et la 2CV préparée par Robert Giordani, chef décorateur, pour la fameuse séquence de l’accident du Corniaud.
Serge Moroy
Exposition jusqu’au 31 mai 2021 - Cinémathèque française – 51, rue de Bercy 75012 Paris – Métro Bercy, lignes n° 14 et n° 6.
L’église d’Annet-sur-Marne s’auréolait d’un nouveau tympan fin 2010.
Absent depuis plus d’un siècle, un nouveau tympan a pris place sur la façade de l’église Saint-Germain. L’installation du monument a eu lieu en décembre 2010 et son inauguration a été célébrée le 25 juin 2011.
Reconstruite au XVIIe siècle, restaurée en 1819 puis au début du XXe siècle, l’église a de nouveau connu une réhabilitation complète, intérieur et extérieur, à partir de 1993 grâce au concours du Département et de la Région. Ces derniers travaux, récompensés d’un 2e prix au palmarès Qualité ville d’EDF en 2001, portaient notamment sur la démolition puis la reconstruction de la façade et du clocher.
Afin de parachever cette réhabilitation, il restait toutefois à décorer le tympan du porche principal et installer une statue dans la niche vide surplombant le portail. Après avis de la CDAS de Meaux (Commission diocésaine d’art sacré) pour la conception iconographique, la municipalité a confié la réalisation du projet à deux jeunes sculpteurs renommés dont l’atelier est à Montreuil : Natacha Mondon, diplômée de l’école supérieure des Beaux-arts de Paris et lauréate du prix de la vocation décerné par la fondation Marcel Bleustein-Blanchet, et Eric Pierre, diplômé de l’école nationale supérieure Louis-Lumière et de l’école Boulle à Paris.
Une œuvre originale
Réalisé en terre cuite vernissée, inspiré des bas-reliefs de la Renaissance florentine, le tympan mesure 2,15 m de large sur 1,45 m de haut. L’œuvre, très originale avec ses couleurs basiques (blanc, vert, bleu) et ses formes épurées, met admirablement bien en valeur la sobriété de la façade de l’église. Plutôt inhabituel dans la représentation (classique) des scènes catholiques, le thème choisi évoque le Christ ressuscité confiant à ses 11 apôtres la mission d’évangéliser les nations.
Les deux artistes ont également réalisé une statue de 1 mètre de hauteur représentant Saint-Germain-d’Auxerre, patron de la paroisse, ainsi qu’une petite croix blanche sur fond bleu azur au dessus de la porte d’entrée latérale. Ces deux éléments, également en terre à gré blanc ingélif, ont été modelés et cuits en deux pièces, mais sans passer par un moule.
Quasi unique en Europe
« Comme ses dimensions ne permettaient pas de réaliser le tympan d’une seule pièce, l’ensemble a été d’abord modelé en entier puis, après avoir été découpé en 13 éléments, chacun de ceux-ci moulé en plâtre, moules dans lesquelles les pièces définitives ont ensuite été estampées en terre. Après un séchage naturel de deux mois, une première cuisson à 950° fut réalisée. Puis les émaux ont délicatement été posés au pinceau et l’ensemble de nouveau cuit à 1170° » a détaillé Natacha Mondon. Et Eric Pierre de préciser que « cet ensemble est à notre connaissance quasi unique en Europe du Nord, tant par son matériau que par son thème, « la mission universelle » selon l’évangile de Saint-Matthieu ».
Cette réalisation s’est vue récompenser par le Geste d’argent 2013, décerné par le jury du Geste d’or, ainsi que par le prix départemental des métiers d’art du Loiret 2013.
S. Moroy
En architecture, le tympan est une pièce de remplissage d’une voûte, en plein cintre ou en arc brisé, très souvent utilisé pour présenter un haut-relief dans les églises romanes ou gothiques. Cet art très caractéristique apparaît dans la première décennie du XIIe siècle. Généralement le tympan illustre une scène du jugement dernier tirée de la Bible.
Cécile Desprairies est historienne et essayiste, spécialisée notamment dans la période de la France occupée (22 juin 1940 - 25 août 1944).
Son dernier ouvrage « L’Héritage de Vichy » préfacé par Emmanuel Le Roy Ladurie (lui-même historien au Collège de France) liste pas moins de 100 mesures – y compris sociales – promulguées sous le règne du Maréchal Pétain qui court du 10 juillet 1940 au 20 août 1944 pendant l’occupation allemande, et dont le siège sera à Vichy, c’est-à-dire en zone libre jusqu’en novembre 1942.
Ces mesures, aussi surprenant soit-il, sont toujours en vigueur de nos jours, sans que nos contemporains en aient forcément conscience. Par leur côté étonnamment moderne, novateur, pour ne pas dire visionnaire (osons l’audace), on pourrait même croire que certaines découlent des réformes consécutives à l’avènement du Front populaire de 1936. Il n’en est rien.
Français, si vous saviez…
Parmi quelques unes de ces lois, disciplines et institutions qui nous régissent dans tous les domaines sans exception, la création de l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques), des comités sociaux d’entreprise, de la police nationale, des régions et du préfet de Région, la fondation de l’hôpital public, des carnets de santé, de vaccination, du certificat prénuptial, du salaire minimum (ancêtre du SMIC), du périphérique, de l’ordre des architectes et de celui des experts-comptables, de la médecine d’inspection du travail, du délit de non-assistance à personne en danger, de la carte d’identité, de la licence IV pour l’alcool dans les cafés, de la fête du travail du 1er mai qui devient jour férié, la visite médicale obligatoire à l’école, l’extension des allocations familiales, la protection de l’enfance délinquante, la restauration collective et les tickets-repas, le rugby à XV (qui se substitue au rugby à XIII jugé trop anglais), la pratique du handball (sport allemand), le sport au bac, la retraite à 60 ans (appelée à l’époque « retraite des vieux »), la création de l’ESF (école du ski français)...
De même, la plupart d’entre nous ignorent qu’en septembre 1941 fut promulguée par Pétain la loi dite « accouchement sous X ». Cette appellation pour le moins énigmatique désigne une loi qui entendait sauver la vie de centaines de milliers d’enfants nés d’union franco-allemandes en préservant l’anonymat de celles qui leur donnaient la vie… tout en promouvant une politique nataliste chère au régime.
Vichy gérerait-il encore notre quotidien ?
Ainsi, alors que l’on a coutume de ne retenir de Vichy que la célébration de la fête des mères ou encore les chantiers de la jeunesse française (souvent appelés chantiers de jeunesse), ce livre dresse un inventaire édifiant de ces dispositions qui s’appliquent encore 70 ans plus tard, même si elles ont subi des aménagements ou modifications nécessaires, telle par exemple la suppression de l’éviction ethnique (antisémitisme) imposé par l’occupant nazi. « Si nous devions retenir un terme pour qualifier cette période, nous lui donnerions celui de complexité. Vichy a été un régime autoritaire et répressif mais au sein de son œuvre législative, nous devons lui reconnaître la part d’héritage qu’on lui doit. Certaines lois et pratiques traitées ici ont été constructives, même si pour beaucoup d’entre elles leur application a dû attendre la IVe République pour être efficace » reconnaît l’auteur dans son introduction.
La quasi-totalité des textes pris en matière d’assurances sociales seront purement et simplement validés à la Libération.
Vichy n’aurait donc été qu’une brève mais indélébile parenthèse au sein de notre histoire républicaine ? Et l’on n’aurait gardé de ce régime que ce qui concernait la gestion du quotidien ? Troublant.
Chacun se forgera sa propre opinion à la lecture de cet ouvrage passionnant, fruit d’un travail remarquablement audacieux ; et objectif puisqu’il va jusqu’à mesurer, pour chaque mesure abordée, ce qui fut et ce qui perdure encore aujourd'hui.
Cette année, le Covid-19 aura raison des célébrations commémoratives du 76e anniversaire du débarquement des Alliés sur les côtes de Normandie, mardi 6 juin 1944.
Il fut la plus grande opération amphibie et aéroportée de toute l’Histoire. C’était le meilleur moyen trouvé par les occidentaux pour s’attaquer directement aux forces allemandes et espérer vaincre ainsi définitivement les forces du 3e Reich.
A titre d'hommage à tous ces héros du 6 juin, j’ai trouvé intéressant de vous livrer ici le commentaire intégral d’un documentaire exceptionnel et rare sur les forces expéditionnaires alliées réalisé par les sections cinématographiques militaires des gouvernements de Grande-Bretagne et des Etats-Unis.
D’une durée de 20 minutes, il retrace les importants et vastes préparatifs de cet événement qui allait changer la face du monde. Son titre : Veille d’attaque.
S. Moroy
►Le commentaire
Voici l’Europe. Voici le mur de l’Atlantique. Des hommes venus de New York, Londres, Manchester, Toronto, Montréal, Marseille, Varsovie, Prague et de milliers d’autres villes alliées, ont accompli ce qu’Hitler n’avait pas osé tenté : la traversée de la Manche et l’attaque de la côte fortifiée sur l’autre rive.
Leur but était d’anéantir l’armée allemande et supprimer ses dirigeants. Ce but est aujourd’hui atteint. En décembre 1943, à Yalta, les 3 grands chefs alliés avaient établi les plans de cette offensive. En Angleterre, les soldats expatriés se préparaient à rentrer chez eux : des Français, des Hollandais, des Polonais, des Tchèques, des Norvégiens qui se souvenaient du printemps de 1940.
Du nouveau monde, vinrent les Américains. Sur leur propre sol, les Anglais, qui, 4 ans auparavant s’étaient préparés à faire face à une autre invasion, étaient prêts, ainsi que les Canadiens, héros de Dieppe. Tous attendaient le signal des chefs qui avaient vaincu les Allemands en Afrique, en Sicile, en Italie et dont le but était maintenant d’anéantir la puissance allemande à l’Ouest.
Une invasion où tous les cargos, comme tous les paquebots de luxe et toutes les coques capables de flotter devaient être utilisés. Une invasion où la marine, les garde-côtes et les avions qui traquaient sans cesse les sous-marins ennemis étaient mobilisés sur mer et dans les airs.
Une invasion s’appuyant sur une marine qui gagnait la guerre des mers et sur une flotte marchande qui amenait à bon port les richesses en acier de l’Amérique et de l’empire britannique. Les docks contre lesquels les Allemands s’étaient vainement acharnés et où l’élite de la Luftwaffe avait trouvé la mort, débordés d’armes et d’équipements anglais et américains.
Les Sammies et les Tommies manœuvraient les grues et les treuils côte à côte avec les dockers. S’entassaient toutes les richesses du nouveau monde sur le sol anglais : le cuivre du Montana, le blé australien, l’acier de Pennsylvanie, le bétail du Texas, des avions ; tout était là. Ces milliers de caisses entassées représentaient la décision des nations unies d’en finir avec la guerre.
Le travail continuait sans trêve. A la tombée du jour, d’autres hommes se préparaient à rendre visite Führer. Les escadrilles de bombardiers anglais, canadiens, australiens, zélandais s’envolaient vers le Reich. Des aviateurs de l’Afrique du Sud, de Rhodésie et des colonies, des hommes sortant des écoles d’aviation britanniques ou appartenant aux forces aériennes alliées s’élançaient vers le continent.
Ces hommes, vengeurs de Varsovie, de Rotterdam, de Coventry Londres, survolaient l’Europe nuit après nuit par tous les temps pour écraser les usines et les points fortifiés de l’empire hitlérien. Les usines d’aviation, les munitions, les ateliers de montage, les centrale électriques à Munich, à Hambourg, à Nuremberg, à Cologne, à Francfort, à Brunswick, à Essen, à Hanovre, à Berlin.
Sur les routes bombardées d’Angleterre, l’étoile, insigne américain, devint l’insigne des alliés. On la peignit sur tous les véhicules, elle devint familière à tous. Le matériel de guerre roulant sur du caoutchouc et de l’acier fut acheminé vers les centres de répartition disséminés dans le pays pour y attendre le grand jour. On consacra des efforts surhumains, des heures de travail sans nombre et une organisation impeccable au ravitaillement en matériels de la plus grande invasion du monde.
Et même le potentiel de l’industrie américaine vint s’ajouter à la production britannique qui constituait elle-même un record grâce à l’effort des travailleurs dont la majorité était des femmes. Nuit et jour, on rassembla tout ce matériel pour préparer l’attaque à venir et des locomotives et des wagons pour le transporter lorsqu’il serait débarqué en Europe.
En attendant, on entassait dans le Devon et la Cornouaille, à Londres et à Liverpool. Il s’étendait à perte de vue en files interminables de chars, de canons et de véhicules à travers la campagne anglaise. Il représentait pour l’ennemi une menace grandissante et pour les alliés il était le résultat d’années d’endurance et de travail.
Pour protéger ce matériel considérable, des hommes et des femmes demeuraient à leurs postes près des canons. Dans les eaux européennes, on avait construit une véritable muraille navale. Nulle part, même dans les eaux allemandes, l’ennemi ne pouvait se déplacer impunément. Des mines, des avions, des patrouilleurs, des navires de guerre alliés répondaient à toutes les attaques sur mer. Des dragueurs de mines traçaient des chenaux pour permettre à la marine alliée et aux péniches de débarquement de passer. Les vedettes, les croiseurs, les torpilleurs, les cuirassés, les avions attaquaient la marine allemande. Mutilée et saignante, la flotte hitlérienne n’osait plus sortir de ses ports.
Chaque jour était le jour J pour l’armée de l’air. Le ronronnement des avions emplissait l’air 24 heures par jour. Après une longue période consacrée à l’élaboration de plans stratégiques, l’Angleterre - transformée en un énorme porte-avion - lançait sur l’ennemi une immense flotte aérienne pour démolir ses voies ferrées, faire sauter ses dépôts de munitions, écraser ses usines, chasser du ciel ses avions, anéantir sa puissance en tous lieux. Aucune ville de l’Europe occupée n’était à l’abri de l’assaut des forces aériennes alliées. De longues files de chasseurs anglais et américains, de forteresses et de libérateurs de la 8e armée de l’air américaine balayaient nuit et jour le ciel jusqu’à Berlin.
Les routes allemandes étaient couvertes de canons de DCA et les meilleurs pilotes de la Luftwaffe affrontaient le feu des forteresses volantes. Mais les bombes tombaient sur les raffineries de pétrole, les usines d’aviation, de roulement à bille à Brême, à Wilhelmshaven (sur la mer du Nord), à Kiel, et sur les centres de production allemande en pays occupés. Elles écrasaient l’industrie de guerre allemande par des bombardements systématiques et impitoyables.
Mais l’aviation ne suffisait pas elle seule à battre à l’ennemi. Il fallait des fantassins, comme au temps de César, avançant pied à pied en Europe pour anéantir les armées allemandes. L’infanterie de l’air manœuvrant dans le ciel pluvieux d’Angleterre se préparait à attaquer à l’arrière des défenses ennemies. Les troupes aéroportées constituaient une menace contre laquelle on ne pouvait dresser aucun mur de béton et d’acier.
A mesure que le moment approchait, l’armée de l’air multipliait ses attaques. Son objectif était la côte de débarquement et la région qui s’étendait au-delà de celle-ci. L’armée de l’air alliée, obscurcissant le ciel au dessus de la Manche pour vaincre l’armée allemande, bombardait de nuit ou mitraillait les aérodromes ennemis. Des hommes, des appareils et des armes proclamaient l’énorme avantage de la supériorité aérienne sur l’ennemi.
Dans les anses et les ports d’Angleterre, on rassemblait les bateaux qui devaient transporter l’armée en Europe : les péniches de débarquement pour les hommes, les tanks, les canons, les munitions, le ravitaillement, les jeeps, les câbles, les médicaments, tous les bâtiments nécessaires pour mener à bien l’invasion.
L’heure du dernier assaut avait sonné. Les hommes, qui dévalaient sur les grèves du continent, avaient expérimenté et répété minutieusement les procédés et les mouvements qu’ils utiliseraient contre l’ennemi. Ces hommes qui venaient de tant de pays, qui parlaient tant de langues, s’étaient rassemblés en Angleterre, soutenus par un même espoir. Ils s’étaient entraînés aux côtés de leurs camarades anglais depuis les collines et les bois de Devon, jusqu’aux hautes terres d’Ecosse. Ces hommes, qui, peu de temps auparavant, avaient appris à nettoyer un fusil, étaient aptes désormais à faire la guerre moderne : les attaques à travers les champs de mines, les assauts contre les barbelés, les combats de tanks compliqués, n’avaient plus de secret pour eux. Certains s’étaient battus contre les Allemands en Afriques, d’autres avaient laissé leurs amis dans les cimetières de Bir-Hakeim, d’El-Alamein, de Bizerte… Le jour venu, ces hommes ont lutté sur les grèves de Normandie.
Le destin du monde était entre leurs mains. C’est grâce à leur force et à leur héroïsme que l’Europe est aujourd’hui délivrée du joug hitlérien.
Le bois du Moulin des marais, à Mitry-Mory, est remarquable et méconnu. Il possède une faune et une flore abondantes et recèle encore bien des secrets. Voici l’étrange histoire des sœurs Sazie qui résidaient jadis dans le bois.
Isabelle, Jeanne et Eva Sazie ont habité dans le bois durant vingt-cinq ans, de 1921 jusqu’à fin 1946. Leur maison a finalement été rasée par l’AEV (Agence des espaces verts) qui gère le site pour le compte de la Région Ile-de-France, car ses ruines constituaient un danger pour le public.
Le mystère des sœurs Sazie
L’histoire a débuté en septembre 1946 lorsque les occupantes de la Maison blanche n’ont plus donné signe de vie. Alertée, la police est intervenue avec un médecin, découvrant deux femmes octogénaires, Isabelle et Eva, quasiment grabataires. Mais qu’était donc devenue Jeanne, leur troisième sœur ? Serait-elle partie en Algérie, comme l’aurait tout d’abord affirmé Eva ? Hospitalisée à Lagny-sur-Marne, Eva a livré une autre version selon laquelle Jeanne serait décédée et aurait été enterrée dans le parc, dans un abri aménagé durant les bombardements. Une Mitryennne se souvient : « Ma grand-mère allait leur apporter à manger et elle était toujours reçue à la grille. Les sœurs vivaient à l'écart du monde extérieur, recluses dans leur maison ».
La vie des trois sœurs demeure donc aussi mystérieuse que leur fin et le lieu est assurément chargé de mystères. Josiane, 69 ans, née à Mitry-Mory, se souvient : « Mes deux filles venaient jouer dans ce bois dans les années quatre-vingt. Pour elles, la maison des deux sœurs qui faisait partie du corps de ferme était étrange ; elles parlaient même de fantômes ».
Un bien étrange menhir
Érigé près du chemin de la Bougie, se dresse une sorte de menhir. Haut d’environ 5 mètres, il se confond presque avec les arbres. Selon la municipalité, on ignore ce que c’est. Jusqu’en 1976, il y avait un corps de ferme dont l’allée menait directement à cette pierre. Certains pensent à un cadran solaire, d’autre à un portail. Certains pensent aussi que Jeanne Sazie serait enterrée dessous.
Anne Bloch, directrice de la médiathèque, a fait des recherches à partir des actes de naissance des sœurs, nées à Oran, et des coupures de la presse de l’époque relatant le fait divers : « Elles faisaient assurément partie de la grande bourgeoisie oranaise. Elles avaient une quatrième sœur, qui s’est mariée et est repartie à Oran. Elles avaient aussi un frère, Léon Sazie, auteur de romans policiers, surtout connu pour le personnage de Zigomar, le roi du crime à la cagoule rouge ».
Un moulin au IXe siècle
Bien d’autres mystères peuplent les lieux : des meurtres, un repaire de brigands, des lieux de rendez-vous près des marécages pour les amants voire même les époux volages…
Le bois comprend plusieurs parcelles aux noms évocateurs : la fontaine Gravier, la fontaine Bonne-eau, les Abîmes. Le site est en effet sillonné par le ru des Cerceaux, qui rejoint, au niveau de Gressy, la Reneuse, un affluent de la Beuvronne. Des plans attestant de l’existence d’un moulin au IXe siècle [Ndlr : époque des Carolingiens] ont été retrouvés. On pense qu’il s’agissait d’un moulin à eau.
Avant la Grande Guerre, deux familles se partageaient le bois : la famille Brunet, pour la partie forestière, et la famille Delac, qui possédait un manoir et exploitait une eau de source d’une grande qualité qui jaillissait au milieu d’un des marécages.
Avant la tempête de décembre 1999, le manoir, abandonné et pillé, était devenu dangereux et il a été démoli. De son faste d’antan, il ne reste plus que quatre médaillons représentant probablement une allégorie aux quatre saisons. Ils ornaient jadis la façade du manoir et sont aujourd’hui conservés par la ville.
Fantômes, menhir et mystères au Bois du moulin des Marais.S. Moroy (texte et photos)
Titre original : Las Hurdes, tierra sin pan Court-métrage franco-espagnol de Luis Buñuel (1932) D’après une étude de géographie humaine : Las Jurdes Directeur de la photographie : Eli Lotar Collaborateurs : Pierre Unik et Sanchez Ventura Voix du narrateur : Abel Jacquin Distributeur : Les films du Jeudi (Paris) Musique : J. Brahms (IVe symphonie)
Préambule Cet essai cinématographique de géographie humaine a été tourné en 1932, peu de temps après l’avènement de la République espagnole. De l’avis des géographes et des voyageurs, la contrée que vous allez visiter, appelée « Les Hurdes », est une région stérile et inhospitalière où l’homme est obligé de lutter, heure par heure, pour sa subsistance.
Jusqu’en 1922, année où la première route y fut tracée, « Les Hurdes » était presque inconnue du reste du monde et même des habitants de l’Espagne.
Résumé Le pays des Hurdes, en plein milieu de la presqu’île ibérique, s’étale sur l’écran avec sa désolation, ses villages infects, ses habitants tous malades et tarés (consanguinité), ses paludéens. Une telle désolation est inconcevable en plein XXe siècle et au sein de l’Europe.
Commentaire Seul film documentaire de Buñuel tourné en un mois (avril à mai 1932) à La Aberca (Salamanque, Castille-Léon) et Las Hurdes (Extremadure). D’une durée d’à peine 30 minutes, il est sorti en France en 1937. C’est d’ailleurs cette année-là qu’il fut sonorisé puis à nouveau en 1965 lorsque Buñuel décida, avec son producteur Pierre Braunberger, de diffuser une version non censurée du film.
Ce documentaire, d’une âpreté extraordinaire, décrit avec un douloureux lyrisme la détresse profonde d’une région reculée d’Espagne et de ses habitants, particulièrement déshérités par la nature. Un réquisitoire impitoyable de Luis Buñuel, auquel collaborèrent Eli Lotar et Pierre Unik.
Film remarquable par son sujet peu traité à l’époque (la misère en milieu rural), par son montage (fait par Buñuel lui-même) et par l’usage de ses gros plans, il continue, aujourd’hui encore, à surprendre le spectateur. Cela vient du fait que Buñuel a reconstitué certaines scènes du film en les mettant en scène afin de créer une plus forte impression sur le spectateur. Ainsi, une chèvre et un âne ont-ils été notamment tués pour les besoins du film.
« Il n’y a rien de mieux qui tienne en éveil que de penser toujours à la mort » déclame une vieille femme qui parcourt le village, la nuit, en psalmodiant des prières. Certaines scènes particulièrement rudes sur la vie quotidienne des Hurdanos pourront heurter la sensibilité de certains spectateurs : le nourrisson mort dans son petit lit, la fillette malade qui s’est isolée depuis 3 jours et qui va mourir deux jours plus tard faute de soins, les jeunes femmes avec leurs goitres qui ressemblent déjà à de vieilles femmes...
En 1976, Tomas Perez Turrent interroge Luis Buñuel à propos de son documentaire :
- « Avez-vous utilisé un scénario ? ».
- « Non. J’ai visité la région 10 jours avant en emportant un carnet de notes. Je notais : chèvres, fillette malade du paludisme, moustiques anophèles, il n’y a pas de chansons, pas de pain. Et ensuite j’ai filmé en accord avec ces notes. J’ai monté le film sans Moviola, sur une table de cuisine, avec une loupe, et comme je m’y connaissais encore très peu en cinéma, j’ai éliminé de très bonnes images de Lotar parce que les photogrammes étaient flous. Je ne savais pas que le mouvement pouvait d’une certaine manière reconstruire l’image. C’est comme cela que, parce que je n’avais pas de Moviola, j’ai gâché de bonnes prises. […] Dans ce film, rien n’est gratuit. C’est peut-être le film le moins « gratuit » que j’aie fait » (Source : Conversations avec Luis Buñuel, « Il est dangereux de se pencher au-dedans », Cahiers du cinéma, Septembre 1993).
Django Reinhardt, le célèbre guitariste manouche, décédait le 15 mai 1953 à Samois-sur-Seine (77)
L’occasion de rendre hommage à ce guitariste exceptionnel, le plus célèbre du monde. Un hommage que comprendront ses admirateurs et les fervents aficionados d’un jazz étonnamment bien balancé que seul Django savait si bien jouer… pour ne pas dire littéralement improviser !
► Ni Dieu ni maître
Jean-Baptiste Reinhardt, dit Django, est né le 23 janvier 1910 près de Charleroi (Belgique).
Virtuose de la guitare de jazz, il est l’un des musiciens les plus complets que cette musique ait produits car il présente cette particularité de n’être le disciple de personne (comme beaucoup d’autres musiciens de jazz, il ne connaissait pas une note de musique) et de ne posséder lui-même… aucun disciple.
► 1928 : le drame
Peu de temps après son mariage, il échappe de justesse à un incendie accidentel dans sa roulotte le 2 novembre 1928. Sa main gauche est gravement brûlée et son avenir de guitariste immédiatement obscurci. Sa passion de la musique est tellement forte, qu’à force de ténacité, il réussit à rééduquer sa main. Il part avec son frère tenter sa chance sur la côte d’Azur où il s’exerce déjà avec talent dans les cabarets, notamment à Cannes.
Sa découverte des deux grands du Jazz, Louis Armstrong et Duke Ellington, chez un ami à Toulon (Var), sera déterminante au niveau de son influence musicale. Sa particularité esthétique, qui reflète un tempérament fantasque, est aussi la conséquence du mariage de deux cultures très fortes : la culture tzigane (il était Manouche) et la culture négro-américaine.
► 1930 : la consécration
En 1930, il triomphe dans les cabarets parisiens et surtout au Balajo où il fait chaque soir un véritable tabac. En 1934, il forme avec le violoniste Stéphane Grappelli, deux guitaristes d’accompagnement et un bassiste, le célèbre quintette du Hot Club de France, dont l’instrumentation était alors totalement inhabituelle à l’époque.
Cette formation écrira quelques-unes des plus glorieuses pages de l’histoire du jazz qui aura enfin grâce à lui sa musique de chambre. L’amitié de Grappelli et de Reinhardt reposait sur une incompatibilité d’humeur totale, mais une entente musicale… totale.
► 1940 : célèbre aux USA
En 1940, il modifia la formule du quintette, le clarinettiste Hubert Rostaing remplaçant Grappelli. Il ouvre son propre cabaret à Paris « La Roulotte », où il y a plus de musiciens… que de spectateurs. Son prestige est toutefois immense au Etats-Unis. Lors d’une période de chômage, il découvre la peinture qui constitue pour lui un nouveau jeu (inspiration Douanier Rousseau).
Après une tentative de carrière américaine en 1946 (où il rencontre le boxeur Marcel Cerdan), il choisit de prendre une semi-retraite à Samois-sur-Seine, près de Fontainebleau (Seine-et-Marne), où il appréciait tout particulièrement le cadre verdoyant, la proximité de la Seine (symbolisant en quelque sorte pour lui l’immobilité de sa fuite) et la quiétude. Il occupe alors ses loisirs à la pêche et à la peinture.
► 1953 : mort à 43 ans
De temps à autre, il participe à des concerts à Paris (rue Benoît, 6ème arrondissement) où il embrase littéralement les soirées des amateurs de Jazz, avec sa musique envoûtante et étonnamment alerte.
Le 15 mai 1953, il meurt d’une congestion cérébrale assis le banc, juste devant sa maison. Il avait 43 ans et était au faîte de sa gloire. Il sera enterré dans le petit cimetière de Samois devant lequel il aimait tant méditer.
► 1983 : création d’un festival annuel en son honneur
En 1983 était créé le festival Django Reinhardt, un rassemblement annuel de jazz manouche qui se déroule le premier week-end de juillet dans le parc du château de Fontainebleau. Jusqu’en 2015, il avait lieu à Samois-sur-Seine, dans la ville même de Django.
S. Moroy
Consacré à un épisode peu connu de la vie du musicien, son exil forcé près de la frontière suisse pour fuir les persécutions nazies durant la Seconde guerre mondiale un film est réalisé en 2017par Etienne Comar
L'ALLEMAGNE NAZIE A CAPITULÉ LE 7 MAI 1945 (ET NON LE 8)
Le 7 mai 1945, à 02 h 41, la reddition de l'armée allemande est signée à Reims, dans une salle du Collège technique et moderne (actuel lycée Roosevelt), abritant le « Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force », par le maréchal allemand Alfred Jodl.
Outre les forces américaines, la reddition est notamment accueillie par le général soviétique Sousloparov. L'événement provoque la fureur de Staline, qui veut que la reddition soit faite à Berlin, par l'Armée rouge.
Les journalistes occidentaux répandent rapidement la nouvelle de la capitulation, précipitant ainsi les célébrations. Mais les combats se poursuivent cependant sur le front de l'Est…
Pour calmer la colère de Staline, une nouvelle signature a donc lieu le 8 mai dans une villa de Karlshorst, dans la banlieue Est de Berlin.
Les représentants de l'URSS, de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis arrivent peu avant minuit. Après que le maréchal Georgi Joukov eut ouvert la cérémonie, les représentants du haut commandement allemand, emmenés par le maréchal Wilhelm Keitel, sont invités à signer l'acte de capitulation entrant en vigueur à 23 h 01, heure locale (heure d'Europe centrale), soit le 9 mai à 01 h 01 (heure de Moscou).
L’histoire retiendra cependant la date du 8 mai 1945 pour la célébration de cette victoire.
En effet, le mardi 8 mai 1945, à 15 heures, toutes les cloches des églises de France carillonnent à toute volée pour célébrer la fin de la guerre pendant que le général de Gaulle en fait l’annonce à la radio. C’est la fin de 6 années de cauchemars en Europe.
S. Moroy
(Synthèse réalisée à partir des archives de la cinémathèque de Milan « Le monde en flammes »).
En Corse, à L'Ile Rousse des témoignages de la fête de la victoire:
L’orgue de l’église Saint-Etienne a été construit vers 1750 et entièrement restauré en 2007 par Yves Fossaert, facteur d’orgue à Mondreville (Yvelines). Ses 1200 tuyaux et 17 jeux répartis sur 3 claviers-pédaliers en imposent sous les grandes voûtes de l'édifice, qui offre au demeurant une acoustique remarquable.
« Il ne faut pas concevoir l’orgue tout seul, mais toujours dans une relation de dialogue avec les chants. Cet orgue a été admirablement reconstruit dans l’esprit de l’époque » a expliqué, lors des journées du patrimoine de septembre 2010, Jean-Jacques Donze, président d’ACOR (Association Clayoise pour l’Orgue Reconstruit) en lien avec la paroisse et la municipalité.
Parmi les chefs-d’œuvre de l’art religieux, les visiteurs ont pu admirer le tableau central au-dessus du retable, œuvre classée monument historique.
Il s’agit d’une copie de « La grande sainte famille de François 1er », tableau du 16e siècle signé Raphaël et exposé au musée du Louvre.
La chaire de l’église (fin 17e - début 18e siècle) est également classée avec les initiales entrelacées des donateurs et celle du curé de l’époque. Le retable et la chaire ont été restaurés après l’incendie de l’église survenu il y a dix ans.
La cloche est classée, ainsi que trois pierres tombales situées dans l’entrée de l’église et qui se trouvaient au cimetière et à l’église de Souilly. Celle-ci, dédiée à Saint-Thomas de Cantorbéry, fut démolie en 1929.
Jean-Jacques Donze a également montré aux visiteurs quelques fragments de vitraux de l’église Saint-Etienne édifiée au 16e siècle et qui a en fait succédé à une première église se trouvant devant.
La construction du clocher a pu être datée en 1736 grâce à une plaque de fondation retrouvée lors de la réfection de la tour du clocher. « Cette date est intéressante car elle permet de situer la présence de l’orgue dans l’église à partir de 1760 car il ne pouvait pas y être avant la construction du clocher » a commenté le guide.
Film d’animation de René Laloux (1973) D’après le roman de Stefan Wul, « Oms en série » Adaptation, scénario et dialogues : René Laloux et Roland Topor Dessins originaux : Roland Topor Graphisme des personnages : Josef Kabrt Graphisme des décors : Josef Vanä Production : Les films Armorial - Paris / Service de la recherche ORTF – Paris / Ceskoslovensky Filmexport - Prague Musique : Alain Goraguer Studio d’enregistrement : Davout Marignan
Synopsis
Sur la planète Ygam vivent les Draags, géants de 12 mètres de haut, à la civilisation très avancée. D'une exploration spatiale, ils ont ramené les Oms qu'ils ont découverts sur une planète dévastée, et qu'ils ont adoptés comme minuscules animaux domestiques…
Tiwa, une enfant Draag, adopte un petit Om dont la mère a été tuée par des jeunes Draags qui jouaient avec elle. Baptisé Terr, il grandit en profitant des leçons que sa jeune maîtresse reçoit à l’aide d’écouteurs. Devenu adolescent, Terr réussit à s'enfuir en emportant un précieux casque d'enseignement. Il rejoint le groupe d'Oms sauvages contre lesquels les Draags lancent régulièrement des opérations de "désomisation".
S'instruisant peu à peu, les Oms sauvages réussissent à tuer un Draag ; ce qui déclencle la guerre. Terr retrouve le cimetière de fusées des Draags et réussit à gagner la planète sauvage, où il découvre le secret de la méditation de ces derniers – nécessaire à leur survie – parvenant ainsi à jeter le désarroi au sein de leurs rites sacrés.
Les Draags frappés au plus profond d’eux-même et convaincus de l'intelligence des Oms, leur accordent enfin leur estime tout en souhaitant leur collaboration. Dès lors, Terr et son peuple vivront en paix sur la Planète Sauvage, respectés des androïdes géants qui deviendront leurs amis.
Commentaire
Film d’aventure fantastique, mêlant science-fiction et philosophie optimiste de la condition humaine, La planète sauvage de René Laloux met fin au cinéma d’animation réservé à des initiés privilégiés en trouvant une bonne programmation commerciale.
Le film résulte de la collaboration de René Laloux (Les dents du singe, Les temps morts, Les escargots) et de Roland Topor (dessinateur, écrivain, Grand prix de l'humour noir).
En 1966, René Laloux conçut avec Topor un scénario adapté du roman de Stefan Wul (Oms en série). Ainsi voit le jour La planète sauvage, long-métrage d’animation réalisé en coproduction franco-tchèque, signée en 1967. Le film comporte 1073 plans et réunit toutes les exigences d’un spectacle attrayant. Sa qualité artistique démontre que la production et la distribution de films d’animation, en France, peuvent rivaliser avec le cinéma en prise de vues réelles. La réalisation mobilisa une équipe de vingt-cinq personnes durant trois ans et demie aux célèbres studios Jiri Trnka, à Prague.
L’animation emploie la technique du papier découpé et tous les décors du film ont été réalisés à l’encre. René Laloux, dans un entretien accordé à la revue Cinéma Pratique (n° 128 - Janvier 1974), déclarait que « le dessin animé sur cellulo possède de merveilleuses possibilités quant au mouvement, mais il est limité sur le plan graphique. Avec ma technique du papier découpé phase par phase, j’obtiens la même souplesse d’animation tout en bénéficiant d’une qualité graphique bien supérieure puisqu’elle restitue la beauté et le raffinement du trait et des couleurs du dessin original ! ».
Récompenses
Les dessins sont réellement superbes et l’atmosphère de ce chef-d’œuvre d’animation est tout simplement fascinante. Il fut présenté au Festival de Cannes 1973, où il obtint le Prix Spécial du Jury. Il fut ensuite couronné au Festival de Science-Fiction de Trieste puis ensuite au Festival d'Atlanta.
BOULEVERSANT TÉMOIGNAGE D’UN RESCAPÉ DU CAMP DE MAUTHAUSEN
José Tomas Espejo est né en 1914, dans la province de Cordoue, en Espagne. Il a été déporté au camp de concentration de Mauthausen et portait le matricule 4452. Avant de décéder en 1996, il a livré son témoignage à Manu, son fils, et Martine, sa belle-fille.
En 1936, José a 22 ans lorsque la République espagnole est portée au pouvoir par des élections démocratiques. Il est simple ouvrier agricole et analphabète. En effet, pour accéder à l’école – qui n’était pas publique – il y avait à cette époque deux conditions obligatoires et indissociables : fréquenter l’église et avoir de l’argent. Or, sa famille n’était pas fortunée.
La victoire du Front populaire a provoqué le mécontentement de la droite, essentiellement composée de monarchistes, fascistes et conservateurs de l’ancien régime. Ces opposants tentent de renverser le pouvoir par un putsch les 17 et 18 juillet 1936. Bien que raté, ce coup d’état déclenchera une guerre fratricide et sanglante, qui durera trois ans. Les opposants sont soutenus par Hitler et Mussolini.
GUERNICA
Le sol espagnol servira de terrain expérimental pour les armées de l’Allemagne nazie. Le terrible bombardement de Guernica, au Pays basque en avril 1937, en témoigne : 44 avions de la légion Condor et 13 avions de la légion italienne fasciste frappent.
La tragédie sera immortalisée par le célèbre tableau de Picasso.
Dans sa ville d’Andalousie, José se porte volontaire pour lutter contre l’injustice qui règne alors sur le peuple. Il est rejoint par son frère et bien d’autres encore. Ainsi, avec quelques autres compagnons, il tuera des taureaux de combat afin de distribuer de la viande aux gens affamés. De même, lui et ses compagnons sont chargés de surveiller l’arrivée des soldats franquistes, qui remontaient du Maroc espagnol pour se diriger vers Madrid. On le voit alors en faction avec une mitraillette tout en haut du clocher de l’église de Palma del Rio.
Avec son frère, il s’engage ensuite dans l’armée républicaine. Au front, sur Madrid, José est blessé à plusieurs reprises : au fessier, à la cuisse et au front ; ce qui lui vaudra une cécité provisoire. Il poursuivra néanmoins le combat et se retrouvera en Catalogne. Mais la victoire des franquistes à Barcelone, de nouveau aidée par la Luftwaffe, mettra fin à l’espoir des Républicains. S’en suit alors l’épisode de la « retirada » (retraite), qui jettera sur les routes de l’exil près d’un demi-million d’hommes, femmes et enfants de tous âges.
ARRÊTÉ EN FRANCE
José arrive en France en février 1939. Il est emprisonné dans un camp installé sur la plage de Saint-Cyprien (Pyrénées orientales). Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, convaincu du bien-fondé de ses convictions républicaines et antifascistes, il s’engage dans l’armée française et se trouve mobilisé sur le front, dans le Nord-est de la France, avec la 27e compagnie de travailleurs étrangers. C’est dans la région d’Epinal (Vosges) qu’il est arrêté le 19 juin 1940 par la Gestapo, sur dénonciation d’un Espagnol franquiste. Il sera incarcéré à Chaumont (Haute-Marne) avant d’être transféré au stalag 6-F, à Bocholt, près de la frontière hollandaise, puis en Allemagne : au stalag 6-C, à Bathorn, et au stalag 12-D, à Trèves.
MAUTHAUSEN : MATRICULE 4452
Le 31 mars 1941, il est transféré au camp de Mauthausen, en Autriche, où il arrive le 3 avril. C’est ici qu’il va découvrir et vivre l’horreur absolue.
Dans ce camp, classé niveau III, c’est-à-dire très dur au niveau des conditions de détention concentrationnaire national-socialiste puisque consacré à l’extermination par le travail, José devient alors le matricule 4452.
Il y a vécu des moments à la limite du soutenable, assistant même à des scènes dépassant l’entendement humain qu’il répugne à relater.
Ainsi, avec ses compagnons d’infortune, il dut participer à des séances de présence obligatoire, alignés par block, sur la place d’appel du camp. Ils restaient nus, des heures durant et sous des températures en dessous de zéro. Ceux qui ne résistaient pas et qui s’écroulaient étaient envoyés à la chambre à gaz puis transportés au four crématoire du camp. Ceux qui mouraient sur place allaient directement au four crématoire. Lui et ses camarades connurent la peur… qui les faisait s’uriner sur eux-mêmes.
L'ESCALIER DE LA MORT
Le camp avait été construit par les nazis en mars 1938, à proximité d’une carrière de granit. Dans celle-ci, le matricule 4452 a accompli des travaux surhumains. Avec ses camarades, il devait ramener des blocs de granit à même le dos. Par centaine, ils empruntaient un escalier de 186 marches, surnommé « l’escalier de la mort ».
Selon l’un des accusés au procès de Mauthausen (Dachau, 1946), « cette construction monumentale avait pour principale fonction d’épuiser les détenus ». Les SS lâchaient parfois leurs chiens sur les déportés qui arrivaient, chargés, en haut des marches. Sans aucune possibilité d’échapper à ces jeux effroyables, les détenus s’écroulaient alors dans un bain de sang ou dévalaient la pente en sens inverse sur la colonne qui les suivait, entraînant ainsi une grande majorité d’entre eux dans une mort inéluctable. Ceux qui avaient le malheur de tenter de résister étaient frappés à coups de bâtons sur le dos ; ce fut notamment le cas du matricule 4452.
RÉSISTER, GARDER ESPOIR
La nourriture était bien sûr insuffisante. Les maladies proliféraient, les vêtements et les chaussures n’étaient pas à la hauteur des températures à supporter. La médecine était quasi inexistante. Ceux qui étaient considérés comme médicalement irrécupérables, allaient tout droit à la chambre à gaz et leurs corps étaient transportés au four crématoire.
Les camps annexes, qui dépendaient du camp central de Mauthausen, se sont développés afin de répondre aux besoins de l’industrie de guerre allemande. Le matricule 4452 s’est ainsi retrouvé dans un commando, au camp annexe de Steyr, à fabriquer des roulements à bille. Tout comme d’autres détenus, il réussit à ramener, au nez et à la barde des gardiens, des petites pièces qu’il avait fabriquées et cachées dans ses vêtements. Sur la photo José est gauche avec au centre Eduardo, cité dans l'hommage.
Dans le block où il dormait, ces pièces étaient ensuite huilées, placées dans des morceaux de chiffon, eux-mêmes huilés. Après avoir démonté des lattes du parquet, ils cachaient ce petit pactole qui leur servirait plus tard à la libération du camp.
Mais en attendant cette heure, que tous espéraient ardemment, il fallait résister, ce qui nécessitait aussi de la solidarité. Cette valeur humaine joua un grand rôle à Mauthausen. Celui qui était malade pouvait compter sur ses compagnons : chacun lui donnant une infime partie de sa maigre pitance. Mais ce simple geste alimentait le malade tout en lui permettant de continuer à espérer. Quelques uns chantaient ou déclamaient des poèmes…
UN EXEMPLE D'ENTRAIDE
Un jour qu’il travaillait en forêt, le matricule 4452 a été amené à protéger l’un de ses camarades. Eduardo, le plus jeune capitaine de l’armée républicaine durant la guerre d’Espagne, était épuisé. Il n’avait plus la force d’abattre les arbres, tâche à laquelle on les avait assignés. Assis contre un arbre, caché par les vestes de ses compagnons, Eduardo se reposait à l’insu des gardiens SS pendant que ses camarades prenaient son quota de travail à leur charge.
Les gardiens utilisaient bien sûr les compétences et savoir-faire des détenus. Un tailleur fut affecté à l’atelier de couture du camp pour les tenues des déportés et celles des SS. Il réussit à sortir des pièces de tissus et le matricule 4452 put ainsi se confectionner un fanion symbolique aux couleurs du drapeau républicain espagnol (mauve, rouge et jaune).
LIBÉRATION DU CAMP : DES COMPTES A RÉGLER
Le camp est libéré le 5 mai 1945 par les Américains. José y a passé 4 ans, 1 mois et 2 jours.
Les libérateurs demandèrent aux prisonniers de ne pas régler leurs comptes, des procès devant avoir lieu. Mais José et d’autres réunirent les pièces qu’ils avaient cachées, montèrent des armes afin d’exécuter tous les SS encore sur place ou qui tentaient de se dissimuler.
Le 30 mai 1945, comme bon nombre de déportés, José fut rapatrié à l’hôtel Lutetia, boulevard Raspail à Paris, hôtel réquisitionné comme centre administratif et de désinfection pour les survivants des camps de concentration. Il ne pesait plus que… 38 kg.
Mais, après avoir traversé toutes ces épreuves, José était un apatride et ne pouvait pas rentrer en Espagne. C’est à Rosny-sous-Bois (93) qu’il a pu, avec une vingtaine de ses congénères, reprendre progressivement une vie normale. En effet, cette commune, comme tant d’autres en France, avait décidé d’accueillir quelques dizaines de déportés et de les aider à se reconstruire.
PARDONNER LUI EST IMPOSSIBLE
C’est en juillet 1962, soit 26 ans après avoir quitté le sol natal, qu’il a pu enfin y retourner, revoir sa famille, sa mère. Mais pour cela, il a dû opter pour la nationalité française.
José et sa femme Marguerite
José a fait partie d’une association pour la mémoire de la déportation et le pardon. La mémoire, il l’a entretenue toute sa vie durant, mais il a toujours refusé de pardonner : il avait vécu trop de choses impardonnables.
EN SON HOMMAGE
Ce témoignage a heureusement été consigné par son fils et sa belle-fille avant qu’il ne rende son dernier soupir en 1996.
LA CONCLUSION DE MARTINE
« Je tiens à dire que ce simple ouvrier agricole, matricule 4452 au camp de Mauthausen, apatride pour son pays natal à la sortie de ce camp, se prénommait José. C’était le père de Manu, mon époux, le grand-père de nos fils, Sébastien et Vincent, de Michel, notre neveu, l’arrière-grand-père de nos petits-enfants Darrel et Ethan, de Paco notre petit-neveu. Merci à vous tous d’avoir pris connaissance de son tragique parcours ». Martine, membre de l'association Loisirs et culture, qui a accueilli au Pin l'expo photos consacrée à ce camp de concentration autrichien, avait apporté le vêtement de déporté que son beau-père avait conservé.
Elle nous invite à écouter la chanson « Nuit et brouillard » que Jean Ferrat a écrite en hommage à ses parents, morts en déportation, ainsi qu’à tous les autres déportés, victimes ou rescapés des camps de concentration nazis. S. Moroy
L’Amicale de Mauthausen, déportés, familles et amis (Paris) a été invitée par l’association Loisirs et cultures (Le Pin) pour exposer des photos du camp autrichien de Mauthausen, l’un des camps de travail les plus grands et plus durs d’Europe.
Vous avez jusqu’au mercredi 11 mars pour les découvrir sur 30 panneaux dressés salle polyvalente Nicole-Paris, au Pin.
Camp de Mauthausen : 122 767 morts enregistrés et des dizaines de milliers d’autres non immatriculés.
DES PHOTOS VOLÉES AUX SS
Jusqu’à sa libération par les Américains, le 5 août 1945, les photos étaient exclusivement prises par les SS, qui cherchèrent ensuite à les détruire.
Mais un prisonnier espagnol, Francisco Boix, matricule 5185, réussit avec l’aide de ses camarades à dérober plusieurs clichés réalisés entre 1940 et 1945. Ces derniers permettront de témoigner de l’enfer et des crimes perpétrés à Mauthausen, considéré par les nazis comme l’un des camps les « plus rentables ».
Il a été construit en 1938 et son emplacement choisi à cause de la carrière de granit de Wienergraben, qui fut exploitée jusqu’en 1942. Cinquante camps annexes situés en Autriche et dans le sud de l’Allemagne dépendaient du camp de Mauthausen-Gusen et utilisaient des prisonniers comme main-d’œuvre, soit 85 000 au total.
C’était un camp de niveau III, c’est-à-dire parmi les plus durs destinés aux ennemis politiques du Reich, plus particulièrement conçu pour l’élimination par le travail. Les premiers prisonniers furent des Espagnols de l’armée républicaine (donc contre Franco). Des prisonniers russes y afflueront après l’invasion de la Russie par les Allemands, en juin 1941.
DES FEMMES DANS LE CAMP, UNE RÉALITÉ MÉCONNUE
A l’origine, le camp de Mauthausen était destiné uniquement aux hommes. Mais les photos prises par les Américains à sa libération ont révélé la présence de femmes, un camp à leur intention y ayant été ouvert en septembre 1944 avec des détenues d’Auschwitz. Jusqu’à la fin de la guerre, on y dénombrait ainsi 4000 femmes de différentes nationalités. Une minorité d’entre elles étaient des prostituées, issues du camp de Ravensbrück et exploitées à partir de 1942 dans les bordels de Mauthausen et de Gusen.
Les femmes atteintes de maladies vénériennes ou enceintes étaient renvoyées à Ravensbrück ou assassinées car « inaptes au travail ». Un cas de décès avéré concernait une femme sur laquelle on pratiqua un avortement forcé au 5e mois de sa grossesse. Plusieurs d’entre elles étaient soumises au travail forcé dans divers camps annexes, comme la fabrique de munitions de Hirtenberg ou de laine cellulosique de Lenzig. Un grand nombre de détenues, évacuées des camps de toute l’Europe, arrivèrent à Mauthausen en février 1945. Beaucoup de Hongroises ayant survécu aux marches de la mort se comptaient parmi elles.
S. Moroy
Exposition salle Nicole-Paris, Le Pin – Du dimanche 8 mars au mercredi 11 mars : 9 h 30 à 12 h et 13 h 30 à 17 h 30 – Entrée gratuite.
Un très grand du cinéma hollywoodien nous a quittés mercredi 5 février. Il avait eu 103 ans le 9 décembre.
L’acteur américain rayonnait incontestablement dans l’univers du western aux côtés de John Wayne, Gary Cooper et James Stewart, mais j’avoue que je l’ai toujours – et de loin - préféré aux trois autres, si bons fussent-ils.
Kirk Douglas a tourné avec les plus grands réalisateurs : Howard Hawks (La captive aux yeux clairs), Anthony Mann (Les héros de Télémark), René Clément (Paris brûle-t-il ?), John Sturges (Le dernier train de Gun-Hill), Stanley Kubrick (Spartacus), Brian de Palma (Furie), Richard Fleischer (Les vikings), etc. Tous ont su mettre en valeur son immense talent, livrant à des générations entières de cinéphiles de véritables pépites cinématographiques qui restent inoubliables. En France, la voix de Kirk était doublée par Roger Rudelle, une belle voix grave et pénétrante.
Outre sa célèbre fossette et ses yeux bleus, Kirk, c’était surtout une présence, une prestance, un regard ; bref une personnalité qui crevait littéralement l’écran, sublimée par une jovialité (quand le rôle s'y prêtait) et une énergie inébranlable. Vous avez bel et bien enchanté toute ma jeunesse de cinéphile et c'est grâce à vous que j'ai fini par aimer le genre western. Très grand respect Monsieur Kirk.
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