Le Théâtre Amazonas, de sept cents places, est le monument symbolique de l'apogée de Manaus.
ll fut inauguré le 31 décembre 1896.
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Il fut construit durant la Belle Époque au temps des immenses fortunes construites grâce au négoce du caoutchouc. Le projet fut porté initialement par Antonio José Fernandes Júnior, député, en 1881. En 1882, le président de la province, José Lustosa Paranaguá, approuva un plus large budget, abondé par de nombreuses souscriptions des "barons du caoutchouc" qui en échange bénéficiaient de l'usage exclusif d'une loge, leur vie durant. Il mit en compétition les différents plans proposés et ce fut le prjet "Renaissance" de l'architecte italien Celestial Sacardim qui fut retenu.
Quelques vues de Manaus à la Belle Epoque
Toute la ville était desservie par un réseau de "bundes" (tramways). L'énergie était fournie par une centrale électrique alimentée au charbon de bois.
C'est eux qui créaient cette richesse...
Inscrit par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'Humanité
Entre 1885 et 1892, la construction du théâtre fut rythmée par des arrêts et retardèrent son inauguration bien que très tôt, dans le "chantier", des représentations furent données. D'Alsace viennent les tuiles de la toiture, de Paris le mobilier et les tissus (style Louis XV) d'Italie le marbre des escaliers, les statues et les colonnes et, d'Angleterre, l'acier pour les murs. On compta 198 lustres dont 32 de verre de Murano. Les rideaux, dépeignant initialement une copie du "Ponto de Aguas", représentent la jonction entre le Rio Negro et le Solimões, qui forment l'Amazone.
À l'extérieur, 36.000 tuiles vernissées aux couleurs du drapeau brésilien forment une coupole. Il fallut encore dix-sept années de travaux pour que la décoration du théâtre s'achève, après un départ fulgurant. Quelques compagnons européens eurent la bonne idée d'émigrer à Manaus et se constituèrent une petite fortune en vendant leur savoir faire sur ce chantier et pour édifier les "palacetes" des barons.
Les tuiles de la coupole symbolisent les couleurs du drapeau brésilien
Les plus importantes compagnies d'opéras, de théâtres et d'orchestres symphoniques se sont produites dans le théâtre de Manaus inauguré par Caruso en 1896 et de nouveau en activité après avoir été quasiment abandonné pendant plus de trente ans.
En revanche et malgré une légende tenace qui perdure depuis plus d'un siècle, Sarah Bernhardt ne s'est jamais rendue en Amazonie - même si elle fut pressentie à maintes reprises, avec une offre de cachets somptueux.
Au cours des années quarante, des familles vivaient dans les loges "impériales", des poules picoraient sur la scène, mais étonnament, très peu de déprédations volontaires furent commises. La remise en état demanda des années de travail et l'aide de l'UNESCO qui a classé l'édifice, pour remettre en place les éléments de la décoration démontés avant la fermeture. (l'organisme a pris en charge une bonne partie du budget et le transfert de restaurateurs venus du monde entier).
Le théâtre fait de nouveau salle comble deux à trois fois par semaine, et son festival attire les plus grands noms de l'opéra.
Gravure de l'époque. Chaque "baron" du caoutchouc qui avait souscrit disposait d'une loge ad vitam aeternam.
loges somptueuses.
Une vaisselle somptueuse... Des portos ou des cognacs hors d'âge étaient dégustés pendant les entractes à la buvette du "Vestibular", ou dans les loges.
Avant chaque "première", on tente de recréer l'ambiance belle époque: pas de stationnement de véhicules anachroniques aux alentours
A l'origne, le pavimento était fait de blocs de caoutchouc mêlé de sable, pour étouffer le bruit des calèches tirés par de beaux chevaux européens dont l'espérance de vie était très limitée en raison du climat exigeant.
Détail de la façade avec bien entendu la mise en valeur de Carlos Gomes
Une autre biographie (lien)
Antônio Carlos Gomes est un compositeur brésilien dont l'essentiel de la carrière s'est déroulée en Europe - mais qui est mort à Belém - est surtout connu au Brésil pour son opéra ballet Il Guarany (Le Guarani) en quatre actes. Le livret, en italien, est d'Antonio Scalvini d'après le roman en portugais O Guarani de José de Alencar. La première eut lieu à la Scala de Milan, le 19 mars 1870 et ce fut un succès magistral..
Il Guarany est l'œuvre la plus populaire de Carlos Gomes, idole nationale, et elle rencontra un immense succès.
Elle demeure le seul opéra latino-américain encore joué sur les scènes de prestige. Malgré des difficultés financières et le pont d'or qui lui était offert, Carlos Gomes refusa de composer un nouvel hymne national pour la jeune république brésilienne, par fidélité à l'Empereur déchu, son bienfaiteur. Toutefois il tint à revenir au soir de sa vie pour mourir dans sa patrie. Il décéda tout près de l'autre magnifique théâtre amazonien: le Téatro da Paz de Belém, qui ne le cède que de très peu en munificence à son rival de Manaus.
Il Guarany est l'histoire de l'amour impossible d'un Indien Guarani et d'une Blanche et dans la société du Brésil Impérial du XIXe siècle, pays alors toujours esclavagiste, dominé par une aristocratie seigneuriale. Elle soulève une des principales questions identitaires du Brésil et elle évoque la destruction de l'héritage culturel autochtone par les colonisateurs. La vision rousseauiste du passé, le mythe du "bon sauvage" affaiblit selon moi la portée des oeuvres de José de Alencar et de Carlos Gomes. Et si le couple Cecy et Pery apparut à l'époque comme les ancêtres mythiques du peuple brésilien... ce qui fut une manière d'occulter la question noire!
La musique de Il Guarany est un des symboles de l'identité brésilienne, et rares sont là-bas ceux qui ne sont pas en mesure d'en fredonner certains thèmes.
Son ouverture (a protofonia) est en quelques sorte le second hymne national, dans le pays sans doute le plus patriote au Monde.
Le mythe de Il Guarany constitue le thème de la décoration du rideau de scéne du Téatro Amazonas.
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Chaque détail est une merveille...
Constante des belles bâtisses amazoniennes, l'alternance, dans la marquetterie et la parquetterie, de lamelles jaunes et sombres qui symbolisent les couleurs du Rio Negro et du Solimoes, et le faimeut "ponta de aguas" que nous évoquerons dans une autre page.
Dans les grands théâtres brésiliens, le "Vestibular" ou Salão Nobre, par où on passe pour pénétrer dans les loges revêtait une grande importance sociale: on s'y montrait, que ce soit dans la salle ou à la buvette et il n'était pas rare que des affaires se négocient à mi-mot pendant les entractes qui duraient suffisamment longtemps pour que les conciliabules aboutissent. C'est là aussi que les dames arboraient leurs dernières robes venues de France ou d'Italie et que d'impitoyables concours d'élégance et de distinction départageaient épouses légitimes et maîtresses.
Pour marcher sur cette merveille, les visiteurs sont désormais invités à enfiler des chaussons de laine sur leurs chaussures.
La porte de la loge "impériale".
Le Vestibular donne sur une terrasse. A l'époque, on avait une vue directe sur le fleuve.
Plus de 120 statues, sur la terrasse et autour du théâtre
Loge d'artiste. Il n'empêche... juste un pichet et une petite cuvette pour se rafraîchir, sous ce climat, cela devait être le minimum syndical. Il est vrai que la haute société considérait "l'excès d'hygiène" comme préjudiciable à la santé. De ce fait et malgré ses moyens, son espérance de vie était au Brésil inférieure à celle du "petit peuple" qui sautait à l'eau dès qu'il avait transpiré.
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La salle, maintenant!
Faible luminosité, flash interdit, pas de pied... les conditions de prise de vue étaient pénibles.
Le "rideau" de scéne, une merveille . En fait il s'agit d'une fresque peinte sur un immense panneau rigide qui demandait à l'origine une machine à vapeur pour être remonté. C'est la représentation de Cecy et Pery, le couple mythique de Il Guarany (C. Gomes),
Escalier annexe. Splendide objet de ferronnerie, importé d'Angleterre.
Une magistrale réalisation! Le théâtre en briques "Lego": 30.000 pièces de sept couleurs différentes. Hauteur de la maquette: 1.10m.
Nombreuses sont les échappées qui permettent d'entrevoir le théâtre... la seconde photo a été prise depuis le fleuve.
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toujours aussi beau ...
Rédigé par : Nyaël | 04 février 2013 à 15:00