Vaccination contre la tuberculose : 20 ans de combat
Vu récemment « Une tâche difficile », film réalisé par Jean Leduc en 1956 et consacré à l’histoire de la découverte du BCG (Bacille Calmette et Guérin). Ce documentaire passionnant a été réalisé pour le Ministère des affaires sociales et a bénéficié du soutien de l’Education nationale.
En août 1930, sur le bateau qui le mène à la conférence sur la tuberculose à Oslo (Norvège), Albert Calmette (1863-1933) évoque avec Camille Guérin (1872-1961) ses travaux qui, commencés en 1901, le conduiront à la première vaccination antituberculeuse le 21 mai 1921. Calmette s’éteignait en octobre 1933 après avoir vu le monde entier adopter le vaccin BCG et son vaccin disculpé dans la tragédie de Lübeck.
Débuts et essais à Lille
Remarqué par Pasteur, Albert Calmette arrive à Lille en 1897, en tant que directeur de la filiale de l’Institut Pasteur qui vient d’être créée. Lille est encore une ville très ouvrière, et la tuberculose, maladie mortelle y est répandue. Calmette commence un travail de longue haleine : la recherche d’un vaccin. Il fait alors appel à Camille Guérin, vétérinaire diplômé de l’école de Maisons-Alfort et jeune chercheur de 24 ans. Guérin pourra notamment aider Calmette pour les expériences sur les animaux.
Les bovins sont en effet touchés par une souche de tuberculose bovine, très proche de celle de l’homme et qu’on pensait à l’époque identique. En 1908, Calmette et Guérin mettent en culture, afin de l’étudier, une souche de la tuberculose bovine isolée d’une mammite de vache. Ils ne se doutent alors pas que c’est cette mise en culture, sur un milieu constitué de fragments de pomme de terre auto-clavée et de bile de bœuf, qui les mènera à la découverte du vaccin. Toutes les trois semaines, ils effectuent un repiquage des bactéries.
Le repiquage consiste à prendre une partie des bactéries cultivées pour les mettre sur un nouveau milieu, toujours avec la même composition. Leurs essais sont interrompus par la Première Guerre mondiale et l’occupation allemande dans le Nord de la France en 1915. Le laboratoire de Lille est même endommagé par une explosion. Heureusement, la culture souche est intacte.
En mai 1921, le premier essai sur un nourrisson est enfin réalisé. Calmette accepte de réaliser cet essai car, né dans un milieu tuberculeux, les chances de survie du nourrisson sont très précaires. L’enfant est sauvé grâce au vaccin et sa croissance s’effectue normalement. De 1924 à 1928, le vaccin BCG est administré à 114.000 enfants en France et 60.000 en Indochine sans aucun incident. Dès lors la vaccination dans les colonies comme à l’étranger se développe.
Le scandale de Lübeck
Mais en mai 1930 arrive une terrible nouvelle. A Lübeck (Allemagne), 71 enfants seraient morts après avoir été vaccinés par le BCG. Calmette vit là une période dramatique de sa vie : la persistance du moindre doute peut détruire 30 ans d’un labeur scrupuleux. Mais son vaccin n’était pas en cause. Le 6 février 1932, la justice déclare que les accidents de Lübeck sont dus à une erreur commise au laboratoire allemand pendant la préparation du vaccin. Pour Calmette, c’est la fin d’un profond cauchemar. Le BCG vivra, mais lui-même, marqué par cette dernière épreuve s’éteint le 29 octobre 1933. Les paroles qu’il avait un jour prononcées sur l’œuvre de Pasteur pouvaient aussi s’appliquer à lui : « Vous verrez comme tout cela grandira plus tard. »
Le BCG a servi à vacciner des millions et des millions de sujets. Du Nord au Sud, d’Occident en Orient, comme dans cette Indochine où Calmette fonda l’institut Pasteur de Saïgon. Quel chemin parcouru. Et qui mieux que Guérin, qui a vécu cette prodigieuse aventure commencée il y a maintenant plus de 55 ans, peut témoigner qu’elle a abouti parce que ceux qui l’ont engagée au début du siècle ont fait leurs les paroles de Pasteur :
« Croire que l’on a trouvé un fait scientifique important, avoir la fièvre de l’annoncer et se contraindre des journées, des semaines, parfois des années à se convaincre soi-même, à s’efforcer de ruiner ses propres expériences et ne les produire que lorsque l’on a épuisé toutes les hypothèses, est une tâche difficile. »
Qu’en est-il aujourd’hui ?
La vaccination par le BCG n’est plus obligatoire, mais reste fortement recommandée pour les enfants résidant en France et présentant des facteurs de risque, idéalement au cours du 2e mois de vie. Elle peut être effectuée dans un centre de protection maternelle et infantile (PMI).
Texte et photos (prises à l’écran) : S. Moroy
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