SCHUITEN & PEETERS
COLLECTION CITES OBSCURES
CASTERMAN
C'est avant même d'avoir terminé ses études que Roland, un brillant jeune homme, se voit attribuer un poste au Centre de Cartographie de Sodrovno-Voldachie. Il gravit très rapidement les échelons. Roland, qui comme ses confrères vit pratiquement reclus dans le Centre, fait la connaissance d'une mystérieuse jeune femme, dont le corps semble couvert de lignes étranges que notre héros apercevra à peine. Bientôt, le Centre reçoit la visite du Maréchal Radisic, le dirigeant suprême du pays, dont la politique expansionniste ne fait pas de doute : tous les moyens seront bons pour reconstituer la "grande Sodrovnie"..
" Un nouvel album des Cités Obscures est toujours un événement. A bien y regarder, les auteurs en ont produit peu au cours des vingt ans qui viennent de s'écouler depuis « Les murailles de Samaris ». Celui-ci est à la fois dans la lignée de la série et très différent. D'abord, bien sûr, parce qu'il propose une histoire en deux tomes, ce à quoi les auteurs ne nous avaient pas habitué. Mais c'est finalement le moins important. Ce qui est beaucoup plus frappant, c'est la rupture totale de cet album avec le reste du monde des Cités Obscures. Presque pas de références aux autres cités, un univers visuel particulièrement dépouillé et dont la ville est pour ainsi dire absente (sauf à considérer que le dôme où se déroule l'histoire est comme une ville en miniature), le tout complété par un désert de sable omniprésent.
Mais il y a d'autres ruptures. Sur le fond, Schuiten et Peeters choisissent de montrer comment la cartographie est exploitée à des fins politiques et évoquent à mots à peine couverts les projets de Grande Serbie de Milosevic (le dictateur de la « Frontière invisible » s'appelle Radisic et son rêve est celui d'une Grande Sodrovnie). Politique, polémique aussi, l'album explore simultanément le thème du jeunisme et celui du retour à la nature. Curieusement, on voit un chien apparaître aux côtés du héros, un jeune cartographe à peine sorti de l'adolescence qui répond au nom de Roland De Cremer et qui a les traits du fils de François Schuiten. Le chien en question est malheureusement très figé et ne parvient pas vraiment à donner le sentiment d'être vivant, mais la volonté des auteurs est là. Depuis plusieurs années, ils tentent d'humaniser un propos trop vite réduit à ses éléments architecturaux et fantastiques. Ce nouvel album est plutôt à placer sous le signe de la métaphore et d'un questionnement sur les valeurs de nos sociétés modernes. En cela, il apparaît comme plus mûr et plus contemporain que ses prédécesseurs. Peut-être tout simplement le reflet des préoccupations de deux auteurs complets qui ont grandi ensemble et que vingt ans de collaboration n'ont jamais empêché de se remettre en question "... Thierry Bellefroid.
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