LES AMES FUGITIVES
NOUVELLES FANTASTIQUES
Collection BALLE D'ARGENT
Les Editions POP FICTION
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L'INCONNUE DU TGV
Extrait
« Non, mais ça ne va pas !
— Il est cinglé, ce mec ! »
Gêné, il leur murmura quelques mots d’excuse, puis il reprit sa sauvage cavalcade à travers les vieux souterrains nimbés d’une lumière blafarde. Il dégringola plusieurs escaliers à une vitesse vertigineuse, au risque de se rompre le cou, et il accéda enfin au tapis roulant. Mais celui-ci était déjà engorgé par de nombreux voyageurs, et il dut slalomer parmi eux pour atteindre les escaliers mécaniques. Comme ils n’allaient pas assez vite pour lui, il les gravit au pas de charge. Il atterrit bientôt sur le quai de la Gare Montparnasse, essoufflé comme un phoque, mais avec quelques minutes d’avance qu’il mit à profit pour acheter un jambon-beurre ainsi que deux magazines choisis au hasard dans un kiosque à journaux.
Il rangea ses achats dans sa mallette, composta son billet à une borne automatique et remonta rapidement le quai jusqu’à son wagon. Celui-ci était bondé de monde. Il regarda le numéro de sa réservation et sourit en voyant qu’il s’agissait du soixante-quinze ; ce chiffre lui avait toujours porté bonheur. C’était d’abord son année de naissance, ensuite, les deux derniers numéros du loto qu’il avait gagné six mois auparavant et qui lui avait permis de s’offrir un magnifique appartement situé... au 75 de la rue de Rivoli à Paris ! Il s’assit et posa sa mallette sur ses genoux. Il n’avait pas de bagage, puisqu’il partait négocier un important contrat pour le laboratoire médical qui l’employait comme chef de projet, et il rentrerait dans la soirée. En effet, malgré ses gains confortables, Luc n’avait pas voulu s’arrêter de travailler. Dans quelques mois, il monterait peut-être sa propre boîte. Il fut ravi de voir que sa place ne se trouvait pas « côté couloir ». Ainsi, il pourrait profiter du paysage. Il regarda sa montre : le TGV allait partir dans une minute, et il n’y avait personne à côté de lui. Tant mieux ! Il serait tranquille jusqu’au prochain arrêt, du moins si le groupe d’écoliers qui avait envahi le wagon se calmait un peu.
C’est alors qu’il la vit ! Rayonnante dans une belle robe blanche ceinturée d’argent, la jeune fille tentait de se frayer un passage parmi les nombreux voyageurs qui rangeaient leurs valises. Luc ne pria pas le ciel pour qu’elle s’assît à côté de lui – il ne croyait pas en Dieu –, mais il croisa les doigts en espérant que son numéro fétiche lui porte à nouveau chance. Dissimulé derrière le fauteuil du passager avant, il l’observa à sa guise. Elle se déplaçait dans l’allée avec une légèreté de gazelle. C’était la plus belle créature qu’il ait vue de sa vie. Longue et gracile, elle avait de beaux cheveux blonds qui coulaient comme une cascade sur ses épaules minces, et des yeux à damner un saint. Ah ! Ces yeux ! Luc n’en avait jamais vu de pareils ! D’un bleu très pâle, presque transparent. Des yeux qui devaient assurément vous enjôler s’ils se posaient sur vous… Quand ils se posèrent sur lui, il fut ému comme un collégien qui se rend à son premier rendez-vous galant. Cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps ! Cette jeune fille était tout simplement éblouissante de charme et de naturel. Elle avait un visage de madone, avec des lèvres pulpeuses fardées d’un rouge carmin qui tranchait voluptueusement sur son teint d’une blancheur de lys. Tout en elle n’était que perfection et élégance. « Pourvu qu’elle s’assoie à côté de moi ! Je trouverai toujours un moyen de l’aborder », se dit-il. Et il fut exaucé lorsque l’inconnue s’installa au numéro 77, côté couloir. Il sentit alors son parfum, un délicieux mélange d’ambre et de citronnelle qui s’accordait bien à sa carnation de blonde. D’ordinaire, Luc avait une préférence pour les brunes, mais, assurément, cette blonde-là ressemblait aux merveilleuses déesses nordiques qui peuplaient le Walhalla ! Il toussa légèrement pour éclaircir sa voix – aussi parce qu’il était un peu nerveux –, puis il se jeta au feu :
« Vous allez à Saint-Malo, Mademoiselle ? »
C’était une question vraiment idiote, mais il n’en avait pas trouvé d’autres. Au pire, il se prendrait un râteau ; au mieux, elle lui répondrait, et il pourrait engager la conversation avec elle.
« Non, je descends à Rennes. Mais j’adore Saint-Malo… En été, il y règne une lumière sublime. »
Elle avait un accent du Midi assez prononcé. Luc se dit qu’elle était peut-être Niçoise ou Tropézienne, car les mots qui sortaient de ses lèvres charnues ressemblaient au chant joyeux des cigales. Il enchaîna :
« Le TGV est bondé ce matin. Dès qu’il y a un rayon de soleil, les gens se ruent à la mer. Vous partez en vacances ? »
Il se sentit un peu ridicule de tenir des propos aussi plats, mais, visiblement, cela ne gêna pas l’inconnue, puisqu’elle lui répondit en souriant :
« Oui, je vais passer quelques jours chez des amis ! Et vous ?
— Je suis en voyage d’affaires ! »
Il remarqua alors que la jeune fille n’avait pas de bagage, juste un grand sac à main blanc qu’elle tenait sur ses genoux. Cela lui parut étrange, puis il n’y pensa plus. Dans sa poitrine, son coeur s’emballait comme un vieux moteur. Était-ce donc ...
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Vous trouverez d'autres nouvelles de Florence Day dans la catégorie 09: Textes, contes nouvelles ( colonne de gauche de ce blog)
J'ai eu l'occasion de rencontrer Florence Day à La bibliothèque de Chelles, quelle délicatesse!!!
Où peut-on trouver ce recueil?
Rédigé par : Sarah | 01 juin 2010 à 11:16
Je viens de lire l'extrait de "L'inconnue du TGV", impossible de descendre du train, j'ai hâte de poursuivre le voyage : J'attends avec impatience de me procurer Les âmes fugitives.
Rédigé par : Stéphanie | 01 juin 2010 à 12:21
J'ai le livre ,
Que de très belles nouvelles..
et la couverture est splendide, c'est une pure merveille.
Rédigé par : sophie | 01 juin 2010 à 12:28
Cette nouvelle est très mystérieuse et donne envie d'en savoir un peu plus, on aimerait bien continuer le voyage.....
Le livre est très beau,
gabrièlle
Rédigé par : Gabrielle | 01 juin 2010 à 15:12
Ce fabuleux recueil est disponible en version papier auprès de l'éditeur (http://editionspopfiction.com) et sera disponible dans quelques jours en version numérique sur http://www.i-kiosque.fr et http://librairie.immateriel.fr .
Rédigé par : Stéphane | 01 juin 2010 à 20:10
Pour ceux et celles qui nous demandent où acheter ce recueil, Stéphane vous donne la réponse dans le précédent commentaire
Rédigé par : Bib Roseraie Villevaudé | 01 juin 2010 à 23:08