Le musée de la Poste à Paris propose jusqu’au 25 août une exposition exceptionnelle sur l’histoire du film d’animation, du premier dessin animé de 1892 aux images de synthèse 3D d’aujourd’hui.
Thaumatrope, phénakistiscope, zootrope, praxinoscope… créés sur le principe de la persistance rétinienne (illusion optique rémanente), ces premiers jouets optiques inventés au 19e siècle figurent en bonne place dans la première salle consacrée à la genèse du dessin animé. C’est Emile Reynaud qui perfectionnera le théâtre optique avec une bande de dessins peints sur des carrés de gélatine. En octobre 1892 « Les aventures de Pierrot » sont projetées au musée Grévin. On parle alors de pantomimes lumineuses et elles précèdent l’invention du cinématographe des frères Lumière qui verra le jour en décembre 1895. Il faudra néanmoins attendre 1908 pour voir apparaître le premier dessin animé sur pellicule argentique : « Fantasmagorie », soit 700 dessins sur une bande de 36 cm réalisés puis photographiés par Emile Cohl, projection d’une durée de… 2 minutes. En 1919, Félix le chat, personnage espiègle de Pat Sullivan, devient la première grande star de cartoon. Mais le chat sera finalement « mangé » par la souris Mickey née sous le crayon de Walt Disney en 1928.
Blanche-Neige immortelle
En 1937 « Blanche-Neige et les 7 nains », premier long-métrage animé sonore en Technicolor de Walt Disney, constitue une révolution dans l’histoire du dessin animé avec ses 400 000 dessins photographiés à la caméra multiplane. Cette nouvelle technique apporte un réalisme saisissant au vieux conte des frères Grimm, lui conférant profondeur et relief. Le film sera projeté le 21 décembre 1937 à Los-Angeles et recevra 8 oscars en février 1938 : un grand et sept petits… pour symboliser les personnages du film.
Un humour ravageur
Mais Disney a lui aussi des concurrents. Les premiers sont les frères Fleischer (Koko le clown, Popeye, Betty Boop). Leur premier long métrage « Les voyages de Gulliver », adapté de l’œuvre de Jonathan Swift, sort en 1939. Tex Avery, chef de file du cartoon hollywoodien, se veut quant à lui l’anti-Disney avec des réalisations à l’humour décapant. Il crée de nouveaux personnages (Porky Pig, Daffy Duck, Bugs Bunny) qui évoluent dans un univers loufoque et délirant. Issus de son équipe à la MGM, William Hanna et Joseph Barbera fondent en 1957 leur propre studio qui produira des séries pour la télévision : « Yogi l’ours », 67 épisodes de 7 minutes en 1958, et « Les Pierrafeu », 166 épisodes de 25 minutes diffusés à partir de 1960.
Le Japon, entre tradition et futur
Les années 70 voient le règne de l’animation japonaise. « Astro-Boy », première série animée nipponne de 1963, est signée Osamu Tezuka. Le grand studio Toei Animation produit des séries inspirées de mangas à succès (Goldorak, Albator, Candy) et hisse le Japon à la deuxième place derrière les Etats-Unis grâce à sa technique réduisant le nombre d’images par seconde. A l’ère informatique, Hayao Miyazaki (transfuge de chez Toei Animation) réalise de façon traditionnelle « Le voyage de Chihiro » en 2001, c’est-à-dire avec des dessins faits à la main sur des celluloïds ; l’ordinateur ne servant qu’à leur mise en couleurs.
Made in France
La production française n’est pas non plus en reste. Elle peut compter sur les talents inspirés de Jean Image - réalisateur en 1949 du premier long-métrage français en Technicolor (Jeannot l’intrépide) comprenant 160 000 dessins et 600 décors - Paul Grimault (Le roi et l’oiseau, 1980), Michel Ocelot (Kirikou, 1998), Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville, 2003)… Fin avril 1968, « Les Shadocks », de drôles d’échassiers à l’esprit absurde inventés par Jacques Rouxel, font leur apparition au petit écran. Jean Image réalise de son côté plusieurs séries pour la télévision, dont « Picolo et Picolette » et « Kiri le Clown » qui illustre les aventures de marionnettes dans le monde du cirque (130 épisodes diffusés jusqu’en 1969).
Papier et fil de fer
Car la créativité dans l’animation ne connaît pas de limite. Elle s’exprime également dans l’utilisation de matériaux divers tels le papier découpé, les marionnettes, le fil de fer, la pâte à modeler… Le théâtre de marionnettes puise sa source dans la culture populaire des pays de l’Europe de l’Est. C’est donc tout naturellement que l’animation tchèque, avec notamment Jiri Trnka, est passée maître dans cet art juste après la Seconde Guerre mondiale. « Le roman de Renard » du Polonais Ladislas Starewitch (1929) et « Wallace et Gromit » de l’Anglais Nick Park dans les années 90 sont aussi, entre autres, de brillants exemples dans le genre. Avec « L’étrange Noël de Monsieur Jack » (1993), l’Américain Tim Burton met la barre encore plus haut : 400 têtes modelées dans de l’argile renfermant une armature pour le seul personnage de Jack !
La révolution informatique
L’informatique va révolutionner les techniques de l’animation. « Toy Story » (1995), fruit d’une heureuse collaboration entre les studios Disney et Pixar Animation, sera le premier long-métrage intégralement réalisé en images de synthèse 3D. Sa confection a nécessité 25 000 dessins et mobilisé une équipe de 110 personnes !
Après cette évocation historique courant sur plus d’un siècle, l’exposition révèle dans les deux dernières salles les secrets de fabrication de deux courts-métrages, l’un en 2D (Oggy et les cafards - 2011) et l’autre en 3D (Nicolas et Guillemette - 2008). Les différentes phases sont développées, depuis le concept et dessins de recherche, la préproduction (synopsis, storyboard, développement graphique, feuille d’exposition), la production (line-test) jusqu’à la postproduction (compositing, montage, musique et bruitages). « C’est plutôt amusant de faire l’impossible ! » déclarait Walt Disney. Il est vrai que l’impossible est inconnu dans l’univers du cartoon. S. Moroy
L'expo conçue de façon interactive intéressera toutes les tranches d'âges et permettra aux enfants de se familiariser avec les jouets optiques qui ont préfiguré le dessin animé.
« Dans les coulisses du film d’animation » - Musée de la Poste (Salles 12-13-14-15 ) - 34 Boulevard de Vaugirard 75014 Paris (Tél : 01 42 79 24 24) – Métro : Montparnasse-Bienvenüe – Ouvert de 10 h à 18 h, le jeudi jusqu’à 20 h sauf dimanche et jours fériés - Tarif : 6,50 euros – Tarif réduit : 5 euros – Gratuit pour les moins de 13 ans.
Les commentaires récents