VEILLE D’ATTAQUE
Cette année, le Covid-19 aura raison des célébrations commémoratives du 76e anniversaire du débarquement des Alliés sur les côtes de Normandie, mardi 6 juin 1944.
Il fut la plus grande opération amphibie et aéroportée de toute l’Histoire. C’était le meilleur moyen trouvé par les occidentaux pour s’attaquer directement aux forces allemandes et espérer vaincre ainsi définitivement les forces du 3e Reich.
A titre d'hommage à tous ces héros du 6 juin, j’ai trouvé intéressant de vous livrer ici le commentaire intégral d’un documentaire exceptionnel et rare sur les forces expéditionnaires alliées réalisé par les sections cinématographiques militaires des gouvernements de Grande-Bretagne et des Etats-Unis.
D’une durée de 20 minutes, il retrace les importants et vastes préparatifs de cet événement qui allait changer la face du monde. Son titre : Veille d’attaque.
S. Moroy
►Le commentaire
Voici l’Europe. Voici le mur de l’Atlantique. Des hommes venus de New York, Londres, Manchester, Toronto, Montréal, Marseille, Varsovie, Prague et de milliers d’autres villes alliées, ont accompli ce qu’Hitler n’avait pas osé tenté : la traversée de la Manche et l’attaque de la côte fortifiée sur l’autre rive.
Leur but était d’anéantir l’armée allemande et supprimer ses dirigeants. Ce but est aujourd’hui atteint. En décembre 1943, à Yalta, les 3 grands chefs alliés avaient établi les plans de cette offensive. En Angleterre, les soldats expatriés se préparaient à rentrer chez eux : des Français, des Hollandais, des Polonais, des Tchèques, des Norvégiens qui se souvenaient du printemps de 1940.
Du nouveau monde, vinrent les Américains. Sur leur propre sol, les Anglais, qui, 4 ans auparavant s’étaient préparés à faire face à une autre invasion, étaient prêts, ainsi que les Canadiens, héros de Dieppe. Tous attendaient le signal des chefs qui avaient vaincu les Allemands en Afrique, en Sicile, en Italie et dont le but était maintenant d’anéantir la puissance allemande à l’Ouest.
Une invasion où tous les cargos, comme tous les paquebots de luxe et toutes les coques capables de flotter devaient être utilisés. Une invasion où la marine, les garde-côtes et les avions qui traquaient sans cesse les sous-marins ennemis étaient mobilisés sur mer et dans les airs.
Une invasion s’appuyant sur une marine qui gagnait la guerre des mers et sur une flotte marchande qui amenait à bon port les richesses en acier de l’Amérique et de l’empire britannique. Les docks contre lesquels les Allemands s’étaient vainement acharnés et où l’élite de la Luftwaffe avait trouvé la mort, débordés d’armes et d’équipements anglais et américains.
Les Sammies et les Tommies manœuvraient les grues et les treuils côte à côte avec les dockers. S’entassaient toutes les richesses du nouveau monde sur le sol anglais : le cuivre du Montana, le blé australien, l’acier de Pennsylvanie, le bétail du Texas, des avions ; tout était là. Ces milliers de caisses entassées représentaient la décision des nations unies d’en finir avec la guerre.
Le travail continuait sans trêve. A la tombée du jour, d’autres hommes se préparaient à rendre visite Führer. Les escadrilles de bombardiers anglais, canadiens, australiens, zélandais s’envolaient vers le Reich. Des aviateurs de l’Afrique du Sud, de Rhodésie et des colonies, des hommes sortant des écoles d’aviation britanniques ou appartenant aux forces aériennes alliées s’élançaient vers le continent.
Ces hommes, vengeurs de Varsovie, de Rotterdam, de Coventry Londres, survolaient l’Europe nuit après nuit par tous les temps pour écraser les usines et les points fortifiés de l’empire hitlérien. Les usines d’aviation, les munitions, les ateliers de montage, les centrale électriques à Munich, à Hambourg, à Nuremberg, à Cologne, à Francfort, à Brunswick, à Essen, à Hanovre, à Berlin.
Sur les routes bombardées d’Angleterre, l’étoile, insigne américain, devint l’insigne des alliés. On la peignit sur tous les véhicules, elle devint familière à tous. Le matériel de guerre roulant sur du caoutchouc et de l’acier fut acheminé vers les centres de répartition disséminés dans le pays pour y attendre le grand jour. On consacra des efforts surhumains, des heures de travail sans nombre et une organisation impeccable au ravitaillement en matériels de la plus grande invasion du monde.
Et même le potentiel de l’industrie américaine vint s’ajouter à la production britannique qui constituait elle-même un record grâce à l’effort des travailleurs dont la majorité était des femmes.
Nuit et jour, on rassembla tout ce matériel pour préparer l’attaque à venir et des locomotives et des wagons pour le transporter lorsqu’il serait débarqué en Europe.
En attendant, on entassait dans le Devon et la Cornouaille, à Londres et à Liverpool. Il s’étendait à perte de vue en files interminables de chars, de canons et de véhicules à travers la campagne anglaise. Il représentait pour l’ennemi une menace grandissante et pour les alliés il était le résultat d’années d’endurance et de travail.
Pour protéger ce matériel considérable, des hommes et des femmes demeuraient à leurs postes près des canons. Dans les eaux européennes, on avait construit une véritable muraille navale. Nulle part, même dans les eaux allemandes, l’ennemi ne pouvait se déplacer impunément. Des mines, des avions, des patrouilleurs, des navires de guerre alliés répondaient à toutes les attaques sur mer. Des dragueurs de mines traçaient des chenaux pour permettre à la marine alliée et aux péniches de débarquement de passer. Les vedettes, les croiseurs, les torpilleurs, les cuirassés, les avions attaquaient la marine allemande. Mutilée et saignante, la flotte hitlérienne n’osait plus sortir de ses ports.
Chaque jour était le jour J pour l’armée de l’air. Le ronronnement des avions emplissait l’air 24 heures par jour. Après une longue période consacrée à l’élaboration de plans stratégiques, l’Angleterre - transformée en un énorme porte-avion - lançait sur l’ennemi une immense flotte aérienne pour démolir ses voies ferrées, faire sauter ses dépôts de munitions, écraser ses usines, chasser du ciel ses avions, anéantir sa puissance en tous lieux. Aucune ville de l’Europe occupée n’était à l’abri de l’assaut des forces aériennes alliées. De longues files de chasseurs anglais et américains, de forteresses et de libérateurs de la 8e armée de l’air américaine balayaient nuit et jour le ciel jusqu’à Berlin.
Les routes allemandes étaient couvertes de canons de DCA et les meilleurs pilotes de la Luftwaffe affrontaient le feu des forteresses volantes. Mais les bombes tombaient sur les raffineries de pétrole, les usines d’aviation, de roulement à bille à Brême, à Wilhelmshaven (sur la mer du Nord), à Kiel, et sur les centres de production allemande en pays occupés. Elles écrasaient l’industrie de guerre allemande par des bombardements systématiques et impitoyables.
Mais l’aviation ne suffisait pas elle seule à battre à l’ennemi. Il fallait des fantassins, comme au temps de César, avançant pied à pied en Europe pour anéantir les armées allemandes. L’infanterie de l’air manœuvrant dans le ciel pluvieux d’Angleterre se préparait à attaquer à l’arrière des défenses ennemies. Les troupes aéroportées constituaient une menace contre laquelle on ne pouvait dresser aucun mur de béton et d’acier.
A mesure que le moment approchait, l’armée de l’air multipliait ses attaques. Son objectif était la côte de débarquement et la région qui s’étendait au-delà de celle-ci. L’armée de l’air alliée, obscurcissant le ciel au dessus de la Manche pour vaincre l’armée allemande, bombardait de nuit ou mitraillait les aérodromes ennemis. Des hommes, des appareils et des armes proclamaient l’énorme avantage de la supériorité aérienne sur l’ennemi.
Dans les anses et les ports d’Angleterre, on rassemblait les bateaux qui devaient transporter l’armée en Europe : les péniches de débarquement pour les hommes, les tanks, les canons, les munitions, le ravitaillement, les jeeps, les câbles, les médicaments, tous les bâtiments nécessaires pour mener à bien l’invasion.
L’heure du dernier assaut avait sonné. Les hommes, qui dévalaient sur les grèves du continent, avaient expérimenté et répété minutieusement les procédés et les mouvements qu’ils utiliseraient contre l’ennemi. Ces hommes qui venaient de tant de pays, qui parlaient tant de langues, s’étaient rassemblés en Angleterre, soutenus par un même espoir. Ils s’étaient entraînés aux côtés de leurs camarades anglais depuis les collines et les bois de Devon, jusqu’aux hautes terres d’Ecosse. Ces hommes, qui, peu de temps auparavant, avaient appris à nettoyer un fusil, étaient aptes désormais à faire la guerre moderne : les attaques à travers les champs de mines, les assauts contre les barbelés, les combats de tanks compliqués, n’avaient plus de secret pour eux. Certains s’étaient battus contre les Allemands en Afriques, d’autres avaient laissé leurs amis dans les cimetières de Bir-Hakeim, d’El-Alamein, de Bizerte… Le jour venu, ces hommes ont lutté sur les grèves de Normandie.
Le destin du monde était entre leurs mains. C’est grâce à leur force et à leur héroïsme que l’Europe est aujourd’hui délivrée du joug hitlérien.
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