Le bois du Moulin des marais, à Mitry-Mory, est remarquable et méconnu. Il possède une faune et une flore abondantes et recèle encore bien des secrets. Voici l’étrange histoire des sœurs Sazie qui résidaient jadis dans le bois.
Isabelle, Jeanne et Eva Sazie ont habité dans le bois durant vingt-cinq ans, de 1921 jusqu’à fin 1946. Leur maison a finalement été rasée par l’AEV (Agence des espaces verts) qui gère le site pour le compte de la Région Ile-de-France, car ses ruines constituaient un danger pour le public.
Le mystère des sœurs Sazie
L’histoire a débuté en septembre 1946 lorsque les occupantes de la Maison blanche n’ont plus donné signe de vie. Alertée, la police est intervenue avec un médecin, découvrant deux femmes octogénaires, Isabelle et Eva, quasiment grabataires. Mais qu’était donc devenue Jeanne, leur troisième sœur ? Serait-elle partie en Algérie, comme l’aurait tout d’abord affirmé Eva ? Hospitalisée à Lagny-sur-Marne, Eva a livré une autre version selon laquelle Jeanne serait décédée et aurait été enterrée dans le parc, dans un abri aménagé durant les bombardements. Une Mitryennne se souvient : « Ma grand-mère allait leur apporter à manger et elle était toujours reçue à la grille. Les sœurs vivaient à l'écart du monde extérieur, recluses dans leur maison ».
La vie des trois sœurs demeure donc aussi mystérieuse que leur fin et le lieu est assurément chargé de mystères. Josiane, 69 ans, née à Mitry-Mory, se souvient : « Mes deux filles venaient jouer dans ce bois dans les années quatre-vingt. Pour elles, la maison des deux sœurs qui faisait partie du corps de ferme était étrange ; elles parlaient même de fantômes ».
Un bien étrange menhir
Érigé près du chemin de la Bougie, se dresse une sorte de menhir. Haut d’environ 5 mètres, il se confond presque avec les arbres. Selon la municipalité, on ignore ce que c’est. Jusqu’en 1976, il y avait un corps de ferme dont l’allée menait directement à cette pierre. Certains pensent à un cadran solaire, d’autre à un portail. Certains pensent aussi que Jeanne Sazie serait enterrée dessous.
Anne Bloch, directrice de la médiathèque, a fait des recherches à partir des actes de naissance des sœurs, nées à Oran, et des coupures de la presse de l’époque relatant le fait divers : « Elles faisaient assurément partie de la grande bourgeoisie oranaise. Elles avaient une quatrième sœur, qui s’est mariée et est repartie à Oran. Elles avaient aussi un frère, Léon Sazie, auteur de romans policiers, surtout connu pour le personnage de Zigomar, le roi du crime à la cagoule rouge ».
Un moulin au IXe siècle
Bien d’autres mystères peuplent les lieux : des meurtres, un repaire de brigands, des lieux de rendez-vous près des marécages pour les amants voire même les époux volages…
Le bois comprend plusieurs parcelles aux noms évocateurs : la fontaine Gravier, la fontaine Bonne-eau, les Abîmes. Le site est en effet sillonné par le ru des Cerceaux, qui rejoint, au niveau de Gressy, la Reneuse, un affluent de la Beuvronne. Des plans attestant de l’existence d’un moulin au IXe siècle [Ndlr : époque des Carolingiens] ont été retrouvés. On pense qu’il s’agissait d’un moulin à eau.
Avant la Grande Guerre, deux familles se partageaient le bois : la famille Brunet, pour la partie forestière, et la famille Delac, qui possédait un manoir et exploitait une eau de source d’une grande qualité qui jaillissait au milieu d’un des marécages.
Avant la tempête de décembre 1999, le manoir, abandonné et pillé, était devenu dangereux et il a été démoli. De son faste d’antan, il ne reste plus que quatre médaillons représentant probablement une allégorie aux quatre saisons. Ils ornaient jadis la façade du manoir et sont aujourd’hui conservés par la ville.
Fantômes, menhir et mystères au Bois du moulin des Marais.S. Moroy (texte et photos)
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