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Lanterne magique et film peint, 400 ans de cinéma
Une exposition exceptionnelle se tient à la Cinémathèque française jusqu’au 28 mars. Elle révèle les richesses des deux plus belles collections mondiales de plaques de verre pour lanterne magique peintes à la main entre 1659 et les années 1920, c’est-à-dire celles de la Cinémathèque française (17 000 images) et du Musée du Cinéma de Turin (6000 images).
Ces images peintes sur verre, fixes ou mécanisées, naïves ou complexes, ont fortement influencé les pionniers du cinéma (Lumière, Méliès, Zecca, Chómon). Elles ont émerveillé les cinéastes classiques (Truffaut, Bergman, Fellini), mais ont aussi inspiré les cinéastes expérimentaux d’hier et d’aujourd’hui (Emile Reynaud, Len Lye, McLaren, Sistiaga) à peindre à même la pellicule, image par image…
La lanterne magique (appelée « lanterne de peur ») permet la projection, sur un écran blanc et à l’intérieur d’une salle obscure, d’images fixes ou animées peintes sur des plaques de verre, généralement de forme rectangulaire. Il faut une grande dextérité pour réaliser les figures, car la lanterne amplifie les vues qui peuvent atteindre une taille gigantesque. Il faut aussi une source lumineuse puissante que l’on place à l’intérieur de la lanterne et un objectif composé de plusieurs lentilles.
Au début de l’exposition figure le dessin original de la première plaque connue, réalisé en 1659 par l’astronome hollandais Christiaan Huygens pour sa « lanterne de peur ». Il représente un squelette animé, remuant les bras et jouant avec son crâne. Cette vue métaphysique, échappée de la « Danse de mort » d’Holbein, marque les débuts de la fabrication des plaques de lanterne magique. L’explosion d’images hallucinantes qui suit immédiatement, proches parfois de Jérôme Bosch, sera désignée dès le 17e siècle comme un « art trompeur », préfigurant quelque part « l’art magique » du surréaliste André Breton.
Un souvenir de Marcel Proust
Mais la lanterne magique peut aussi être paisible et poétique. Elle a été un merveilleux moyen de locomotion imaginaire, un puissant vecteur d’éducation : assis dans un fauteuil, on pouvait voyager dans le monde entier, y compris dans l’espace, grâce aux vues peintes et mécanisées. Le cinématographe reprendra également à sa naissance (décembre 1895) ce rôle d’observateur de l’univers. Les peintres de plaques ont excellé dans les vues de voyage, rivalisant dans la miniature avec les paysagistes anglais et flamands. La plupart des contes et légendes ont ainsi été adaptés. Marcel Proust en témoigne lorsqu’il évoque dans son roman « A la recherche du temps perdu », la légende de Geneviève de Brabant, qu’une lanterne projetait dans sa chambre d’enfant. La lanterne magique a été enfin, comme encore le cinéma plus tard, une formidable messagère d’informations, permettant de faire connaître les derniers événements en date, du sacre de Napoléon à la dernière épidémie de choléra.
Cette exposition est également accompagnée d’une programmation de films originaux, peints directement sur pellicule, de conférences et de nombreuses activités pour le jeune public. Des visites guidées sont organisées samedi et dimanche à 16 h
S. Moroy
Cinémathèque française - 51, rue de Bercy - 75012 Paris (Métro Bercy) - Du lundi au samedi de 12 h à 19 h. Nocturne le jeudi jusqu’à 22 h. Dimanche de 10h à 20 h - Fermeture hebdomadaire le mardi. Infos et réservation : 01 71 19 33 33 - Site : www.cinematheque.fr
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