PIERRE DE PATIENCE
ATIQ RAHIMI
PRIX GONCOURT 2008
POL
Syngué sabour [sége sabur] n.f. (du perse syngue " pierre ", et sabour " patiente "). Pierre de patience. Dans la mythologie perse, il s'agit d'une pierre magique que l'on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères... On lui confie tout ce que l'on n'ose pas révéler aux autres... Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate... Et ce jour-là on est délivré.
TIERNO MONENEMBO
PRIX RENAUDOT 2008
SEUIL
Au début des années 1880, Aimé Victor Olivier, que les Peuls
appelleront Yémé et qui deviendra le vicomte de Sanderval, fonde le
projet de conquérir à titre personnel le Fouta-Djalon et d'y faire
passer une ligne de chemin de fer. On a presque tout oublié de lui
aujourd'hui: il fut pourtant un précurseur de la colonisation de
l'Afrique de l'Ouest et ses aventures faisaient le régal des gazettes
de l'époque. Au cours de ses cinq voyages successifs, Sanderval
parvient à gagner la confiance de l'almâmi, le chef suprême de ce
royaume théocratique qu'était le pays peul, qui lui donne le plateau de
Kahel et l'autorise à battre monnaie à son effigie. De ce personnage
haut en couleur, Tierno Monénembo nous offre une foisonnante biographie
romancée. L'épopée solitaire d'un homme, Olivier de Sanderval, qui
voulut se tailler un royaume au nez et à la barbe de l'administration
française... et des Anglais.
Tiemo Monénembo, né
en Guinée, a choisi l'exil dès 1969. Il a publié de nombreux romans au
Seuil, depuis Les Crapauds-brousse, qui l'a révélé en 1979, jusqu'à
L'Aîné des orphelins (2000) et, plus récemment, Peuls (2004).
Atiq Rahimi, Le Monde du 17 septembre 2021:
Même dans les dictatures les plus épouvantables, une culture subsiste, qu’elle soit favorisée par le régime ou dissidente. Dans l’Afghanistan des talibans, c’est autre chose. L’essence même de l’art est une cible. Au-delà des musiciens bâillonnés ou martyrisés, la musique sous toutes ses formes est rayée du pays – reste le chant des oiseaux. Ecrire, écouter des mélodies, filmer, peindre, jouer au théâtre, défendre un patrimoine peut mener au pire. La première conséquence est que toutes les personnes vivant plus ou moins de la culture, ou qui désirent l’étudier, les femmes en premier, ont peur, se cachent et cachent leurs œuvres, les détruisent parfois. C’est vrai dans la musique, l’art le plus populaire avec la poésie – deux genres liés –, rythmant les temps forts de la vie comme les mariages. Des orchestres, des écoles, des boutiques sont fermés, et les instruments détruits. A écouter les artistes afghans, les talibans de 2021 sont comme ceux qui étaient au pouvoir en 1996. Ils seraient même pires, selon l’écrivain et prix Goncourt Atiq Rahimi, d’autant que les créateurs décrivent moins des fleurs que la société du pays. L’assassinat, fin juillet, de l’humoriste Khasha Zwan, dans sa région de Kandahar, puis celui, fin août, du musicien traditionnel Fawad Andarabi, dans sa vallée d’Andarab, ont montré aux artistes que la seule issue était l’exil. Le Monde 17 septembre 2021
Rédigé par : YG | 17 septembre 2021 à 10:08