.
Le grand poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire s'est éteint à l'hôpital de Fort-de-France le 17 avril 2008, à l'âge de 94 ans.
D'extraction modeste mais élève remarquable, il fut bénéficiaire d'une bourse d'études en France métropolitaine, et rejoignit l'hypokhâgne du prestigieux lycée parisien Louis le Grand où il se lie avec L.S Senghor dont il demeurera l'ami jusqu'à la mort de ce dernier. Aimé Césaire fut le cofondateur du concept de la Négritude, dont la gestation prit la forme de la création d'une revue: l'Etudiant Noir (Le Guyanais léon Gontran Damas collabora à cette revue, de même que les Sénégalais Senghor et Diop, le Guadeloupéen Tirolien.
C’est dans les pages de cette revue qu’apparaîtra pour la première fois le terme de « Négritude ».
Ce concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l’oppression
culturelle du système colonial français, vise à rejeter d’une part le
projet français d’assimilation culturelle et à promouvoir l’Afrique et
sa culture, dévalorisées par le racisme issu de l'idéologie
colonialiste. Ce concept est à l'origine bien plus culturel que politique.
Ayant réussi en 1935 le concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, Césaire passe l'été en Yougoslavie chez son ami Guberina. Il commence à y écrire le Cahier d'un retour au pays natal (achevé et publié en 1938). Il lit en 1936 la traduction de l’Histoire de la civilisation africaine
de Frobenius. Il prépare sa sortie en 1938 de l'Ecole normale
supérieure avec un mémoire, « Le Thème du Sud dans la littérature
négro-américaine des USA ». Avec sa jeune épouse, il rentre en Martinique en 1939 pour enseigner au lycée Schoelcher.
Césaire réagit contre le courant "doudouiste" qui, en pastichant le regard extérieur sur la Martinique et exaltant "l'exotisme bon enfant" ridiculisait, selon lui, la culture et les traditions créoles. Il contribua à la fondation et à la parution de la revue Tropiques malgré l'hostilité de l'amiral Robert, résident général et pétainiste fervent. Par le fait du blocus de l'île, les conditions de vie s'y dégradent terriblement; Césaire et ses compagnons, victimes de censures à répétition, interrompirent la parution de Tropiques en 1943.
Elu maire de Fort-de France en 1945 (et réélu sans interruption jusqu'en 2001) Césaire commença alors véritablement son entrée en politique, se faisant le défenseur du concept de départementalisation qu'il porta à l'assemblée (député de 1945 à 1993)
Le bilan politique de Césaire est controversé (certains lui reprochent entre autre la pléthore d'employés recrutés à la mairie de Fort-de-France pour tenter de pallier à l'exode rural de populations sans aucune formation; d'autres mettent en avant le colossal effort réalisé pour assainir la ville et scolariser tous ses enfants). Mais tous s'accordent à souligner sa très grande intégrité.
Paradoxalement, l'oeuvre de Césaire est davantage étudiée et reconnue dans la francophonie mondiale qu'en France même: ce n'est qu'en 1998 que son "discours du colonialisme" fut pour la première fois au programme du baccalauréat.
Retiré de la vie politique active en 2005, Césaire ne laissait pas passer une opportunité de se faire conduire en voiture pour accomplir le "tour de son île". Il est demeuré sollicité et influent (cf. sa virulente réaction à la loi de 2005 relatives aux "aspects positifs de la colonisation")
Tout en soutenant activement Ségolène Royal lors des présidentielles, il a finalement accepté de recevoir Nicolas Sarkozy en 2006.
Des obsèques nationales seront organisées en son honneur à Fort de France, dimanche 20 avril en la présence du Président de la République. Une pétition circule, demandant qu'il repose au Panthéon.
***************************
- Poésie
- Cahier d'un retour au pays natal, Paris, Présence africaine, (1939; 1960)
- Les armes miraculeuses (1946; Paris, Gallimard, 1970)
- Soleil cou coupé (1948; Paris, Editions K., 1948)
- Corps perdu (gravures de Picasso), Paris, Editions Fragrance, (1950)
- Ferrements, Paris, Seuil, (1960; 1991)
- Cadastre, Paris, Seuil, (1961)
- Moi, laminaire, Paris, Seuil, (1982)
- La Poésie, Paris, Seuil, (1994)
- Théâtre
- Et les chiens se taisaient, Paris, Présence Africaine, 1958; 1997
- La Tragédie du roi Christophe, Paris, Présence Africaine, (1963; 1993)
- Une saison au Congo, Paris, Seuil, (1966, 2001)
- Une tempête, d'après La tempête de Shakespeare: adaptation pour un théâtre nègre), Paris, Seuil, (1969; 1997)
- Essais
- Esclavage et colonisation, Paris, Presses Universitaires de France, 1948. Réédition : Victor Schoelcher et l'abolition de l'esclavage, Lectoure, Editions Le Capucin, 2004.
- Discoirs sur le colonialisme, Paris, éditions Réclames, 1950 ; éditions Présence africaine, 1955.
- Discours sur le négritude
- Histoire
- Toussaint Louverture, La révolution Française et le problème colonial, Paris, Présence Africaine, (1962).
- Entretiens
- Rencontre avec un nègre fondamental, Entretiens avec Patrice Louis, Paris, Arléa, 2004.
- Nègre je suis, nègre je resterai, Entretiens avec Françoise Vergès, Paris, Albin Michel, 2005.
- Enregistrement audio
- Aimé Césaire, Paris, Hatier, "Les Voix de l'écriture", 1994.
Une plaque à la mémoire d’Aimé Césaire, a été apposée au Panthéon au cours de la cérémonie du 6 avril 2011, en présence de Nicolas Sarkozy et de plusieurs personnalités,ainsi que de la famille d’Aimé Césaire et d'un millier d’invités, dont une centaine d’élèves de collèges et lycées de Martinique et de métropole, ainsi que ceux du prestigieux lycée Louis Le Grand et de l’Ecole normale supérieure, où étudia le grand poète.
Conformément à sa volonté,son corps restera en Martinique.
L’hommage de la Nation, rendu au Panthéon à Aimé Césaire, ce grand poète et homme politique martiniquais, est aussi une reconnaissance de « la vitalité des cultures d’Outre-mer », a précisé le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.
Rédigé par : bib villevaudé | 10 avril 2011 à 21:59