On célébrait le 11 octobre 2023 le 60e anniversaire de la mort de Jean Cocteau.
Visiter l'exposition dédiée aux peintres représentatifs de l'Art Abstrait proposée par la fondation Gandur était l'occasion de lui rendre hommage en évoquant l'amitié qui le liait au peintre Georges Mathieu. YG
Fourth Avenue -1957- Réalisé a New York. Expose a Art Institute- Chicago.
Jean Cocteau (1889-1963) vouait une grande admiration au peintre Georges Mathieu (1921-2012), figure de proue de l’abstraction d’après-guerre et chantre du spectacle pictural.
« Pendant 20 ans, [André] Breton s’est acharné à me perdre… Votre réponse est admirable. C’est sans doute ce qui vous a poussé vers moi et moi vers vous. De cœur, votre Jean Cocteau » débute ainsi sa première lettre à Georges Mathieu en date du 14 juin 1960.
Jean Cocteau et Georges Mathieu : une courte mais solide amitié
Après un échange d’une centaine de lettres, il lui écrira sa dernière le 27 septembre 1963, soit 15 jours avant sa mort. Preuve évidente d’une amitié, certes courtes, mais néanmoins indéfectible.
« Georges Mathieu est un grand seigneur »
Jean Cocteau voyait en lui « un grand seigneur », ajoutant que « tout ce qu’il touchait devenait féodal et noble. Tout papier, toute toile deviennent parchemin s’il y appose la vaste griffe inimitable dont il exige qu’elle soit ensemble son œuvre et le paraphe qui la signe. »
Car le touche-à-tout de génie qu’était Cocteau avait décelé dans les compositions lyriques et éclatées de son contemporain des signes palpitants. Abscons aux yeux du profane mais familiers à ceux de l’initié, ils lui révélaient ces mondes interdits qu’il n’avait de cesse d’explorer au travers de ses expériences pour « rendre visible l’invisible ». On en trouve un exemple dans son dernier film « Le testament d’Orphée » (1959) où le poète, « condamné à vivre pour crime d’innocence », erre dans son propre univers onirique, « marchant un pied dans la vie, un pied dans la mort ». Et l’on sait combien le rêve était capital chez Cocteau, qui lui a donné vie sous toutes les formes « existentiellement » possibles et imaginables : roman, poème, dessin, théâtre, cinéma, peinture, sculpture, fresque, céramique, vitraux, ballet…
« Jean Cocteau reste aujourd’hui un inconnu »
HOMMAGE A JEAN COCTEAU, 13 octobre 1963 - Fresque réalisée à la feuille d'or, Maison de la Radio, Paris
Georges Mathieu qualifiait Cocteau « d’incomparable ami » et de « génie protéiforme ». Très affligé, il assiste à ses obsèques le 16 octobre 1963 et lui dédie sa fresque de 20 mètres sur 3 réalisée à la feuille d’or pour orner le studio 105 de la Maison de la radio (inscrite au titre des Monuments historiques par arrêté du 26 mars 2018). Dans une lettre du 2 octobre 1988, soit 25 ans après la mort de son ami, il exhorte à sa reconnaissance : « En dépit de la ‘’raclée’’ d’honneurs tombée de partout sur ses épaules : Académie royale de Belgique, Académie française, allemande, américaine, Doctorat d’Oxford, il aurait préféré le destin de Nietzche sombrant dans la démence. Le culte de la malédiction ne l’aura jamais quitté. Son œuvre est l’apologie de la Beauté comme promesse de bonheur. Puisse-t-on commencer à le découvrir ! La France, hélas, ignore encore la place immense qui est la sienne en ce XXe siècle. Celle d’un Voltaire ou d’un Schiller pour le XVIIIe ! »
Georges Mathieu était surtout connu du grand public pour ses réalisations audacieuses comme la fameuse pièce de dix francs de 1974, le logotype d’Antenne 2 en 1975, ainsi que plusieurs timbres postaux.
Antenne 2 - 1975
Parmi ces derniers, celui du Général de Gaulle commémorant le double anniversaire de l’appel du 18 juin 1940 et de sa mort, le 9 novembre 1970 ; et qui fut édité en 1980.
En 1975, bien que controversé pour ses prises de position sur la technocratie culturelle, la politique d’enseignement artistique et les médias, il a été élu membre de l’Académie des beaux-arts de Paris. Depuis, il n’a jamais cessé de militer pour une politique culturelle à dimension européenne, indépendante du pouvoir et de l’économie, mais partie intégrante de l’éducation. « En art point de frontière » disait Victor Hugo.
S. Moroy
Quelques œuvres de Georges Mathieu sont exposées jusqu’au 25 novembre à l’Académie des beaux-arts, 27 quai de Conti, Paris 6e (entrée libre). Merci à Yvette Godefroy pour sa précieuse iconographie sur Georges Mathieu.
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