LE MÉMORIAL DE SAINTE HÉLÈNE
COMTE DE LAS CASES
Au parfum de son maquis, de loin, les yeux fermés, je reconnaîtrais la Corse (Napoléon)
Vue de Novella Haute Corse
« La patrie est toujours chère, disait Napoléon. Sainte-Hélène pourrait l’être à ce prix ».
Maison natale de Napoléon Bonaparte à Ajaccio. Yves Brayer 1982
La Corse avait donc mille charmes ; il en détaillait les grands traits, la coupe hardie de sa structure physique. Il disait que les insulaires ont toujours quelque chose d’original, par leur isolement, qui les préserve des irruptions et du mélange perpétuel qu’éprouve le continent ; que les habitants des montagnes ont une énergie de caractère et une trempe d’âme qui leur est toute particulière.
Pozzine de Nino
Il s’arrêtait sur les charmes de la terre natale : tout y était meilleur, disait-il, il n’était pas jusqu’à l’odeur
du sol même : elle lui eût suffi pour le deviner les yeux fermés ; il ne l’avait retrouvée nulle part.
Il s’y voyait dans sa jeunesse, à ses premières amours ; il s’y trouvait dans sa jeunesse, au milieu des précipices, franchissant les sommets élevés, les vallées profondes, les gorges étroites, recevant les honneurs et les plaisirs de l’hospitalité ; parcourant la ligne des parents dont les querelles et les vengeances s’étendaient jusqu’au septième degré. Une fille, disait-il, voyait entrer dans la valeur de sa dot le nombre de ses cousins.
Il se rappelait avec orgueil que, n’ayant que 20 ans, il avait fait partie d’une grande excursion de Paoli à Ponte Novu. Son cortège était nombreux ; plus de 500 des siens l’accompagnaient à cheval ; Napoléon marchait à ses côtés ; Paoli lui expliquait, chemin faisant, les positions, les lieux de résistance ou de triomphe de la guerre de la liberté.
Il lui détaillait cette lutte glorieuse ; et sur les observations de son jeune compagnon, le caractère qu’il lui avait laissé apercevoir, l’opinion qu’il lui avait inspirée, il lui dit : « ô Napoléon ! Tu n’as rien de moderne ! Tu appartiens tout à fait à Plutarque ! » .
Serge Moroy
Extrait de « Le mémorial de Sainte-Hélène » - Comte de Las Cases, Tome I, page 604 - Édition Garnier Frères, Paris (1895).
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