Incontestablement, il fut un personnage emblématique qui a marqué l’histoire de la France. A tel point, qu’aujourd’hui encore, nombreux sont les partis qui revendiquent son « héritage politique » ou n’hésitent pas à y faire référence.
Disparu à la veille de ses 80 ans, Charles de Gaulle appartient désormais aux historiens. Sa mort a mis un point final à une période de l’histoire de France longue de 30 ans pendant lesquels, l’homme qui se faisait « une certaine idée de la France » aura eu le principal souci de restaurer l’image de son pays et d’assurer son prestige à travers le monde.
Les historiens s’arrêteront sans doute à la date du 27 avril 1969, date à laquelle il quitta définitivement l’Elysée après l’échec du référendum, mais ce serait bien réducteur pour résumer l’œuvre d’un tel personnage. Essayons d’y voir plus clair.
« La France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre ! ». Par cet appel lancé le 18 juin 1940 au micro de la BBC, le général De Gaulle exhorte les Français à continuer le combat contre l’occupant allemand. La légende est en marche.
Né le 22 novembre 1890 à Lille, au sein d’une famille monarchiste et catholique, diplômé de Saint-Cyr, Charles De Gaulle se retrouve, à sa sortie, sous les ordres du colonel Pétain. Il s’illustre lors de la Première Guerre mondiale et participe à la bataille de Verdun où il est blessé pour la 3e fois. Capturé par les Allemands devant Douaumont en mars 1916, il tente plusieurs fois de s’évader.
Après la guerre, il entre à l’école militaire comme professeur d’histoire militaire. En 1925, De Gaulle participe au cabinet du maréchal Pétain, alors vice-président du conseil supérieur de la guerre. N’obtenant pas le poste désiré à l’école de guerre, il part au Liban de 1929 à 1931.
A son retour, il obtient un poste au secrétariat général de la Défense nationale On est alors en pleine construction de la ligne Maginot qui, sur 400 km, doit défendre le pays le long de ses frontières avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse et l’Italie.
► Un visionnaire sur le rôle des blindés
La conviction profonde de De Gaulle est que les véhicules blindés sont indispensables en cas de conflit et qu’ils doivent être groupés dans des unités autonomes au sein d’une armée moderne et efficace. Sa conception l’oppose aux principaux responsables de l’armée française (Pétain, Gamelin, Weygand et Giraud) qui sont partisans de la défense statique derrière la ligne Maginot.
L’offensive allemande de mai 1940 est pour De Gaulle, alors colonel d’une unité blindée, de mettre ses théories en application. Il mène avec ses chars deux contre-attaques victorieuses contre la Wehrmacht à Montcornet et à Abbeville.
De Gaulle, devenu général de brigade, est appelé par Paul Reynaud, alors président du conseil, pour devenir sous-secrétaire d’Etat à la Défense en juin 1940. Il s’oppose aux partisans de l’armistice avec les Allemands et quitte la France pour Londres, le 17 juin 1940.
► L'appel à la résistance
Le 18 juin de la même année, il lance sur les ondes de la BBC son célèbre appel à la résistance. Il conteste la légitimité du gouvernement de Pétain et organise, à Londres, le comité de la France libre. Il obtient le soutien et la reconnaissance officielle de Churchill. De Gaulle devient alors le chef de la France libre et il est condamné à mort par Pétain. De Gaulle parvient à rallier progressivement les colonies françaises à sa cause. Il installe un conseil de défense de l’empire en octobre 1940. Parallèlement, il organise et fédère les divers mouvements de résistance qui agissent en France occupée.
Mais De Gaulle, qui n’inspire pas la confiance des Alliés, est tenu à l’écart des grandes décisions (conférences de Téhéran et de Yalta). En novembre 1942, le débarquement américain en Afrique du Nord se fait sans lui et Roosevelt préfère s’appuyer à Alger sur l’amiral Darlan, ex-chef du gouvernement du maréchal Pétain, puis sur le général pétainiste Giraud.
De Gaulle est informé seulement la veille du débarquement du 6 juin 1944 sur les côtes normandes. De retour en France, à Bayeux, première grande ville libérée, De Gaulle reçoit un fervent accueil, ce qui finit par légitimer sa position aux yeux des Alliés.
Dans le contexte tragique de l’épuration, le 3 septembre 1944, il prend la tête du gouvernement provisoire qui prépare l’instauration de la IVe République. Mais son opposition avec la majorité de l’Assemblée sur le projet de constitution le décide à quitter brusquement son poste. Il démissionne de ses fonctions le 20 janvier 1946. Son discours à Bayeux, en juin 1946, fixe clairement sa conception d’un pouvoir exécutif. Il fondera en avril 1947 l’éphémère RPF (Rassemblement du peuple français). Après ses premiers succès, le RPF recueille peu de voix aux élections de 1951 et finalement disparaîtra en 1953.
De Gaulle se met en retrait de la vie politique. A Colombey-les-deux-églises (Haute-Marne), il rédige ses mémoires de guerre.
► La Ve République et l'Algérie
Face aux graves émeutes qui secouent l’Algérie française, Le président René Coty vient chercher De Gaulle comme suprême recours. Nommé chef du gouvernement le 1er juin 1958, De Gaulle fonde la Ve République. Une nouvelle constitution est adoptée par référendum qui renforce considérablement le pouvoir exécutif. De Gaulle devient le 1er président de la Ve République en novembre 1958 pour prendre ses fonctions officielles en janvier 1959.
Engagé dans la guerre civile en Algérie, De Gaulle privilégie finalement l’autodétermination des Algériens. Ce revirement politique provoque une forte réaction qui mène à la tentative du putsch des généraux d’Alger, partisans du maintien de l’Algérie dans la France, le 22 avril 1961.
De Gaulle rétablit l’ordre autoritairement et signe, le 19 mars 1962, avec le FLN les accords d’Evian qui reconnaissent l’indépendance de l’Algérie, tandis qu’une organisation clandestine, l’OAS, perpètre des attentats en signe de protestations.
De Gaulle dote la France de l’arme nucléaire (sous-marin Le Redoutable, essai de la bombe H au Sahara). Il annonce en mars 1966 le départ de l’OTAN afin de marquer l’indépendance de la France vis-à-vis des Etats-Unis, en même temps qu’il renoue des relations diplomatiques avec l’URSS et la Chine. En 1963, il signe avec le chancelier Konral Adenauer un traité de coopération franco-allemande, le premier depuis la fin du conflit en 1945, qui a pour but d’éviter toute nouvelle guerre entre les deux pays.
La France des années 60 connaît une forte prospérité économique (les trente glorieuses). De Gaulle est réélu face à François Mitterrand, candidat de la gauche unie. Mais la situation sociale est tendue. La grève générale des syndicats et la révolte des étudiants éclatent en mai 1968. La contestation de sa politique est consacrée lors d’un référendum en avril 1969 portant sur un projet de régionalisation.
De Gaulle prend ce résultat pour un désaveu personnel. Il démissionne le 27 avril et se retire à Colombey-les-deux-églises, où il achève ses mémoires et y mourra le 9 novembre 1970.
Synthèse : Serge Moroy
France soir du 11 novembre 1970
Commentaires