Guermantes, jeudi 9 janvier 2003, il gelait à pierre fendre et Estelle, 9 ans, disparaissait en revenant de l’école. Comme chaque année depuis 2004, Éric Mouzin, son père 64 ans, a organisé en sa mémoire une marche qui a rassemblé 80 participants, samedi 11 janvier. La mise en examen, en novembre dernier, de Michel Fourniret, relance une affaire… qui piétinait depuis 16 ans.
Les participants se sont rassemblés à 15 h 30 devant la boulangerie de la place du Temps-perdu, où la fillette a été aperçue pour la dernière fois par un témoin. Le cortège s’est ensuite rendu devant le cerisier du Japon, planté en 2004 au cœur du lotissement où résidait Estelle. « Nous ne sommes pas encore au bout de la recherche, même si la mise en examen de Michel Fourniret est une bonne nouvelle » a reconnu Eric Mouzin, avant de lancer la chanson que Charlélie Couture avait écrite pour Estelle en 2003. Francine et Antoine sont venus de Coubert pour déposer un bouquet de roses : « cette histoire nous a bouleversés. Nous sommes là tous les ans, depuis le début » confie Antoine.
Coup d’accélérateur pour le dossier
Le transfert du dossier au TGI de Paris et surtout l’intervention de la juge d’instruction Sabine Kheiris suscite un nouvel espoir pour le père d’Estelle. Celui-ci a déclaré : « Le dossier a pris un nouveau départ, avec une structure d’enquête, une organisation et des moyens renforcés puisque les services d’enquête de la police nationale sont complétés par une section de recherches de la gendarmerie nationale. L’émulation entre services ne peut qu’être profitable à l’avancée du dossier ».
Il poursuit : « Il n’y a pas que la mise en examen d’un suspect, qui est un élément important, mais il y a aussi la reprise en main de tout le dossier : des analyses qui n’avaient pas été faites, que ce soient en téléphonie ou en prélèvements d’ADN. Tout cela constitue une reprise en main du dossier et il ne peut qu’en sortir quelque chose ».
En janvier 2019, Eric Mouzin avait assigné l’Etat en justice pour son « inorganisation et son inefficacité » dans l’enquête pour retrouver sa fille. « Depuis 17 ans, on a l’impression que l’Etat fait tout pour bloquer, s’opposer, retarder l’instruction de ce dossier » a t-il rappelé samedi après-midi.
Juste avant la marche silencieuse, l’association Estelle-Mouzin a tenu son assemblée générale à l’espace Marcel-Proust, toujours à Guermantes. Ouverte à tous, son but est de faire un point sur l’avancement du dossier et la bataille juridique qu’elle mène depuis le début avec ses avocats, Didier Seban et Corinne Hermann, afin que le dossier ne tombe pas dans l’oubli.
Créée en mars 2003, l’association comptait 119 adhérents en 2019. Elle se mobilise également pour les mineurs qui disparaissent chaque année en France (10 000 selon les derniers chiffres établis contre 40 000 précédemment). « Nous ne sommes plus à l’état de l’espoir, mais dans l’attente d’une seule et unique réponse : où est Estelle ? Pour l’association, le combat pour elle et les enfants disparus ne fait que commencer » a conclu Sophie Renon, sa présidente.
Facebook : association Estelle Mouzin
J’aimerai remercier chacun des membres du bureau : Agnès, Alain, Anne, Michel, Sophie … nous sommes unis dans le combat pour la vérité et contre l’oubli. Votre présence constante et chaleureuse compte plus que vous ne pouvez l’imaginer.
Merci à nos avocats Didier et Corinne. Je l’avoue sans votre pugnacité, votre expertise, vos convictions, nous nous sentirions bien seuls face à des institutions nébuleuses et si difficiles à décrypter, face à l’immobilisme et l’insupportable.
Merci à nos adhérents. Vos messages, votre soutien sont un vrai réconfort lorsque quelques fois il nous arrive de douter, de ne plus y croire.
En tant que présidente, mais aussi et surtout, en tant qu’amie, je tiens à te remercier personnellement Eric pour ta confiance. Nous sommes liés toi et moi depuis 17 ans dans cette quête commune de comprendre ce qui s’est passé ce 9 janvier 2003. Nous avons encore cependant un rêve commun - et peut être pas si fou – que notre société arrivera à protèger tous nos enfants des prédateurs que notre société construit.
J’ai compris à tes côtés que l’on pouvait chercher la vérité sans esprit de vengeance.
L’actualité pourrait laisser penser que le combat de l’association est presque terminé.
Ce n’est pas le cas : si je devais résumer ces 17 dernières années j’utiliserai un seul mot : « manque … »
Car malgré nos tentatives pour faire entendre à qui de droit, de vrais et réels dysfonctionnements dans l’enquête pour retrouver Estelle aujourd’hui et dans celles menées pour d’autres enfants disparus :
Il manque l’écoute des institutions
Il manque l’écoute des pouvoirs publics
Il manque un accompagnement financier, psychologique, administratif des familles concernées par ces drames
Il manque une structure spécialisée, professionnelle pour prendre en charge les disparitions d’enfants
Il manque un seul et unique corps de juges spécialisés
Il manque des moyens efficaces, coordonnés
Il manque des actions réfléchies
Il manque le recul
Il manque quelques fois de silence quand certains parlent trop.
Il manque toujours Estelle…
Quand on ne veut pas entendre l’évidence, la logique : je vous assure qu’une colère sourde, profonde s’installe et ne demande qu’à éclater…
Nous avons dû nous battre pendant tant d’années pour que les dossiers soient regroupés et gérés par un seul juge …
Mais depuis quelques mois, nos espoirs d’être enfin entendus sont tournés vers la juge Sabine Khéris. Nous devons désormais lui accorder le temps nécessaire pour peut-être, un jour, connaître enfin la vérité. Nous ne sommes plus à l’étape de l’espoir, nous sommes dans l’attente d’une seule et unique réponse : où est Estelle ?
Pour l’association, sachez que notre combat pour Estelle et les enfants disparus ne fait que commencer.
Sophie Renon
Présidente
11 janvier 2020 - Assemblée Générale – Association Estelle – Guermantes (77)
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