Champs-sur-Marne, revivre l’Histoire
Les visiteurs du château de Champs ont croisé, dimanche 10 juillet, de nombreux personnages du XVIIIe siècle. Une rencontre vivante avec l’Histoire due à une initiative du Centre des monuments nationaux (CMN) qui, depuis 1974, gère le château, le restaure, tout en l'ouvrant au public.
Le parc du château se prête admirablement à la reconstitution historique. 80 films y ont d’ailleurs été tournés, dont Les liaisons dangereuses (1987), Ridicule (1995), Vatel (1999) et Marie-Antoinette, de Sofia Coppola (2005).
« Dans le cadre de son exposition de costumes sur le thème de l’élégance au XVIIIe siècle, présentée jusqu’au 2 novembre, le château de Champs accueille dans son parc une cinquantaine de membres de la Compagnie de l’Histoire et des arts. Ils reconstituent une journée d’été en 1758, sous forme de spectacle costumé et d'ateliers. Exceptionnellement, figurants et visiteurs auront la possibilité de pique-niquer sur des espaces dédiés du parc » précise Océane Derrien, chargée de communication auprès du CMN. Créée en août 2014, la Compagnie de l’Histoire et des arts, dont le siège est à Argenteuil (95), a pour but de s’associer à des événements costumés historiques de qualité. Des corsets de la Renaissance aux tenues de bain 1900 de la plage normande de Trouville, l’association illustre les multiples facettes du costume en les faisant revivre avec panache.
Loué par la Pompadour
Le château de Champs, l’un des plus beaux édifices de l’architecture classique en Ile-de-France, a tapé dans l’œil de la marquise de Pompadour (1721-1764), favorite du roi Louis XV. Elle le loue de 1757 à 1759 pour l’occuper 18 mois et y accomplir des embellissements intérieurs. Elle profite surtout du magnifique parc qui fait alors 600 hectares (contre 85 aujourd'hui) orné de bosquets et de statues, inspiré de Le Nôtre, le célèbre paysagiste de Louis XIV, ainsi que de la perspective exceptionnelle de 900 mètres donnant sur la Marne.
Deux heures pour s’habiller
Les visiteurs se précipitent au premier étage du château pour assister à l’habillage de la marquise de Pompadour, grande ambassadrice d’une mode française qui se voulait alors gracieuse et subtile.
Le laborieux habillage de la marquise de Pompadour, maîtresse des lieux en 1758.
Pour la circonstance, pas moins de onze personnes entourent la favorite de Louis XV, dont son bon ami, le cardinal de Bernis. Il doit sa réussite à la marquise et a quitté son ambassade à Venise, où il a vécu une vie de débauche avec son ami Casanova. « La marquise est actuellement dans un petit déshabillé. C’est un vêtement léger porté en intérieur. La séance d’habillage pouvait durer jusqu’à deux heures, avec la coiffure et le maquillage. La marquise pouvait se changer deux à trois fois par jour, passant ainsi la plupart de sa journée à la toilette. C’est pour cette raison qu’il y avait toujours du monde autour d’elle pour occuper le temps : ses amis, des lectrices, conteurs, musiciens » commente Fanny Wilk, présidente de la Compagnie de l’Histoire et des arts. Chemise de corps pour protéger les vêtements de la transpiration, mais aussi éviter les brûlures car les habits étaient cintrés, passage des petits paniers, jupe extérieure, corset à baleines et, enfin, la robe en soie délicatement rehaussée de fine dentelle blanche. Particularité sous le règne de Louis XV, la robe était lacée dans le dos. « Il faut savoir qu’à cette époque, certaines robes coûtaient le prix d’un petit château » poursuit Fanny.
La Compagnie de l’Histoire et des arts s’attache uniquement aux reconstitutions historiques de qualité
Face à face avec l’Histoire vivante dans les salles du château.
Une élégante se hâte. Il serait fort malvenu de manquer l’habillage de la marquise de Pompadour, favorite du roi
Des scènes du quotidien étaient également illustrées. « Alors, ça vient ce déjeuner ? » semble dire la petite Éléonore, 6 mois
Le chevalier d’Éon se promenait dimanche dans le parc, costumé en madame de Beaumont. Personnage singulier pour l'époque, il a vécu 49 ans habillé en homme et 32 en femme.
Jeux et déjeuner
Agnès est venue de Sarcelles (Val-d’Oise) avec Éric, son époux, et Romane, sa dernière fille âgée de 11 ans. Dans le parc, elle a essayé le jeu des grâces, un loisir qui se pratiquait sous l’ancien régime avec un petit cerceau et deux bâtonnets. Il serait tombé en désuétude après la Révolution. « C’est la première fois que l’on vient ici. On a vu qu’il y avait de nombreux ateliers, maquillage, botanique, jeux d’intérieur et d’extérieur, et l’on a prévu de pique-niquer dans le parc vu que l’on a l’autorisation. C’est très agréable de lier la culture, le plaisir et le beau temps. A 40 km de Paris, on se croirait vraiment en vacances » s’enthousiasme Agnès.
Dans la peau d’une vicomtesse
Dans le jardin de l’Orangerie, Barbara anime un atelier sur la botanique qui, suite aux grandes expéditions maritimes, a acquis son statut de science à part entière.
Qu’ils soient membres d’une association ou simples reconstituants, tous les figurants sont passionnés par l’Histoire. Lorrain alias Thierry, 40 ans, habite à Torcy. Il s’affaire en vue de dresser le couvert de la vicomtesse Acary-de-la-Rivière, l’une des prestigieuses invitées de la Pompadour. Le fidèle valet a choisi d'installer sa maîtresse dans un petit espace ombragé, à l'entrée du parc. « Il faut excuser Lorrain, il débute à mon service et a encore beaucoup à apprendre » justifie la vicomtesse alias Irène, 60 ans. Elle est également reconstituante indépendante et est venue de Paris pour incarner un personnage qui lui est cher. Avec beaucoup de classe et sans jamais se départir d’un sens aigu de l’humour, elle incarne magistralement une aristocrate de haut rang, tenant plus à son personnage qu’à son costume. « C’est devenu une vraie passion. A force d’effectuer des recherches, je sais beaucoup de choses sur elle. C’est réellement fascinant, au travers du moindre geste, j’ai l’impression de la faire revivre ! ». S.Moroy
Commentaires