Dès mai 1945, des milliers de prisonniers et déportés français ont été ramenés par avion. Ce rapatriement a été le premier et le plus important de l’Histoire. Sa réussite tient au dévouement de plusieurs acteurs : équipages, diplomates, médecins, infirmières, en particulier les IPSA (Infirmières pilotes secouristes de l’air). Une Villevaudéenne était l’une d’elles.
"J'ai vu tellement de souffrances, qu'aujourd'hui encore, je m'interdis de me plaindre".
Geneviève Bossu, née Albinet, aura 95 ans dans trois mois. Coquette et encore alerte, elle porte sur ses semblables un regard plein de bonté, sans jamais se départir du sens de l’humour et de son sourire. Un beau visage, doux et grave, qui aurait pu, en son temps, inspirer Renoir pour l’un de ses célèbres portraits.
Les IPSA devant un Dakota servant à rapatrier les rescapés
A cause de son frère
Quand la guerre éclate, Geneviève a 20 ans. Son frère, Roger Albinet (qui sera maire de Villevaudé de 1947 à 1971) est prisonnier en Allemagne. Avec un simple diplôme d’infirmière, elle intègre les IPSA, section aviation de la Croix-Rouge française créée en 1934, pour aller le chercher. « C’est la raison pour laquelle je voulais récupérer les prisonniers, même si je savais que je ne le retrouverais pas forcément ».
Première mission sanitaire
Son premier départ intervient en avril 1945. Il s’agit de ramener les prisonniers du camp de concentration de Buchenwald, rassemblés au Luxembourg. « On les a installés dans le train, sur des brancards. Ils avaient tous une étiquette autour du cou car certains ne parlaient pas. Il y avait beaucoup de Français et j’ai même retrouvé un cousin ! ». Le 8 mai 1945, jour où Berlin capitule, avec cinq collègues, elle accompagne en ambulance la première armée française (Rhin et Danube) à Mengen. « Les ponts sur le Rhin étaient détruits, le ravitaillement en essence pour l’armée se faisait par avion, de Strasbourg à Mengen. Les avions repartant à vide, il s’agissait de les remplir à raison de trois rotations par jour ». 1935 soldats, dont 560 couchés, seront convoyés dans une centaine d’avions de type Junker ou Dakota. « On voyait tellement de souffrances autour de nous que l’on ne se plaignait pas quand on était fatigué » confie Geneviève.
Les rescapées de Ravensbrück
En août 1945, la voici à Malmoë (Suède) chercher une centaine de femmes que le comte Bernadotte, diplomate suédois, a réussi à extirper du camp de Ravensbrück, deux mois avant la capitulation allemande. Un terrible spectacle. « Elles n’étaient plus que squelettes. Notre crainte était que les parents les fassent manger trop. On les a soignées sur place pendant deux mois avant de les ramener en avion ».
La jeune convoyeuse est ensuite détachée au ministère des colonies pour évacuer des familles et des malades bloqués par les guerres à Madagascar, en Afrique, Inde et Indochine. « Les avions n’étant pas rapides et volant assez bas, il fallait 3 jours aller et 3 jours retour pour faire Paris-Dakar » se souvient-elle.
Une vie très active
Fin 1946, Geneviève tombe malade. Sa convalescence se passe à Villevaudé, dans la demeure familiale. Elle réussit son diplôme d’infirmière d’État en 1950 et sera monitrice IPSA, puis hôtesse à Air Maroc. En 1956, elle épouse Henry Bossu, directeur des essais chez Panhard, et devient, jusqu’en 1967, infirmière pour l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord). En 1968, elle travaille dans un laboratoire puis, jusqu’à sa retraite en 1981, comme infirmière à la Compagnie générale d’électricité. Après la mort de son époux en 1995, elle reste à Villevaudé.
Nommée chevalier de l’ordre national du Mérite par décret du 14 novembre 2003, Geneviève aura le privilège d’être décorée le 11 mars 2004 par Geneviève de Galard, l’héroïque convoyeuse de l’air de Diên Bien Phu.
S. Moroy
16 000 personnes ont été ramenées dans leurs foyers sans aucun incident aérien. Les opérations se sont heureusement déroulées au cours de l’été 1945. Les équipages se sont dépensés physiquement et ont fait preuve de savoir-faire. Les convoyeuses ont montré un dévouement sans limites. R. Barthélémy. Histoire du transport aérien militaire français. Paris, France-Empire, 1981.
Geneviève Bossu fêtera ses 100 ans cette année..
Rédigé par : YG | 23 mai 2019 à 20:19
Geneviève de Galard nous a quittés ce jeudi 30 Mai 2024 à l'âge de 99 ans.
Rédigé par : Julia M | 31 mai 2024 à 20:05