JEAN DUTOURD
Olivier Barrot présente "L'assassin" dans l'émission 1 livre un jour
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Résistant, gaulliste, provocateur, érudit, académicien, défenseur et serviteur de la langue française, Jean Dutourd a pourfendu le conformisme, la bêtise de son époque.
Entré en littérature avec "Au bon beurre", il laisse une soixantaine d'ouvrages dans tous les registres.
On peut découvrir les "Lettres" du monde entier dans "La chose écrite" recueil de ses chroniques littéraires, spirituelles et percutantes..
Jean Dutourd est mort le 17 janvier 2011.
Hommage de France Soir:
L’académicien Jean Dutourd, romancier et essayiste, est mort lundi soir à l’âge de 91 ans à son domicile parisien.
Iconoclaste, le mot est revenu hier aussi bien dans la bouche du président Sarkozy que dans celle de Philippe Bouvard, à propos de Jean Dutourd, dont ils venaient d’apprendre la mort. « Défenseur ardent et inspiré des lettres françaises », comme le souligne le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, Jean Dutourd n’hésitait pas en effet à sauter du coq à l’âne, aussi à l’aise à l’Académie française qu’aux Grosses Têtes de RTL. Jean Dutourd fut aussi, pendant plus de vingt ans – des années 1970 aux années 1990 –, un collaborateur assidu de notre journal comme éditorialiste et critique littéraire. Pour lui rendre hommage, nous reproduisons ci-dessous une de ses chroniques, publiés dans France-Soir le mercredi 18 octobre 1978 :
On me dit que je parle trop de politique et que je devrais davantage traiter les « problèmes de société ». Coïncidence : il m’est arrivé hier un très joli problème de société par la poste.
Le 14 juillet dans la nuit, des inconnus déposaient une bombe devant ma porte. La bombe éclata et détruisit tout ce que je possédais, sauf une petite auto qui n’était pas dans mon appartement mais dans la cour de l’immeuble. Quelques jours après l’explosion, on commença à déblayer. Pour ce faire, on retira ma voiture de son box et on la mit dans la rue. Une pervenche passait par là. Ce PV me sembla un peu vif.
En ce temps-là, l’attentat était tout frais ; la police avait l’air de s’y intéresser. Je croisais de temps à autre un inspecteur de la Brigade criminelle qui me disait des paroles compatissantes. Je donnai le PV à un commissaire qui me promit de « faire le nécessaire ». Il le fit si bien que je reçus hier un avis du ministère des Finances d’avoir à payer immédiatement une amende de 150 F, sous peine de « significations et poursuites dont les frais seraient à ma charge ».
Il y a là une des ces situations dont raffolait Courteline et que l’on peut résumer de la façon suivante : non seulement la société me laisse chasser de ma maison par des malfaiteurs, mais encore me réclame de l’argent parce que j’occupe indûment le trottoir.
On me pardonnera d’avoir raconté tout au long cette anecdote insignifiante. C’est qu’elle me semble très représentative de notre époque. Je sais bien que la pervenche ignorait que j’étais sinistré ; je sais bien que mon PV, après avoir été dressé, est allé rejoindre des milliers d’autres PV. En instance ; je sais bien que le ministère des Finances n’a pas l’intention de me persécuter personnellement. Mais l’Administration est devenue une sorte de monstrueuse mécanique abstraite, plus forte que les hommes qui l’actionnent et qui, une fois mise en branle, est impossible à arrêter.
Par curiosité, je ne vais rien faire, je ne vais pas payer. Que va-t-il se passer ? Les 150 F que je dois, avec les années, deviendront- ils 150.000 F ou davantage ? Ou bien aurai-je le monstre à l’usure ? Une chose, en tout cas, dont je suis sûr, c’est qu’on ne pourra pas me saisir.
Par B. S Source France Soir
Jean Dutourd, mon maître, par Philippe BOUVARD,
écrivain et journaliste.
Article publié dans Le Figaro du 14 février 2011
le 24 janvier 2011.
Pendant un demi-siècle, il aura été mon Maître à penser. Je ne traitais rien d'important - ni parfois de futile - sans lui demander son avis. Et quand il n'était pas disponible, je me posais la question de confiance : «Que ferait Jean Dutourd à ma place?» Je l'avais connu après l'adaptation cinématographique d'Au bon beurre, qui lui avait permis d'apparaître à l'écran en Français très moyen, c'est-à-dire coiffé d'un béret et portant une baguette de pain sous le bras. Très vite, j'avais compris que cet homme qui ne refusait pas les insignes des honneurs n'acceptait pas pour autant les stigmates du conformisme. J'en avais pris pleinement conscience lorsque, venant de se laisser embarquer sur l'esquif des« Grosses Têtes », il s'était entendu sommer par un membre de l'Académie auprès de laquelle il venait de poser sa candidature «de choisir entre la gaudriole et l'Immortalité». La réponse avait fusé aussitôt : «Je continue à participer aux "Grosses Têtes". L'Académie fera ce qu'elle voudra.» Et elle avait voulu sans problème en faire l'un de ses membres afin de renforcer son bataillon littéraire. Car Jean Dutourd, que le jour de son élection nous avions plaisamment surnommé « Jeannot le Bicorne », était l'un des derniers hommes de lettres, il n'avait jamais gagné sa vie autrement que le stylo à la main. Mais en déclinant avec succès toutes les formes d'écriture : romancier, bien sûr, mais aussi essayiste inspiré, polémiste acéré, chroniqueur spirituel et critique dramatique redouté. Pendant ce demi-siècle d'amitié, j'ai éprouvé, à chacune de nos rencontres, la certitude de vivre un moment privilégié à côté du Huron qui se décrivait depuis son entrée sous la Coupole comme membre «d'une tribu de vieux mâles coiffés de plumes qui campent sur la Seine depuis trois cent cinquante ans». Dernier grand romancier populaire, il avait, à la disparition de ses chers Maurice Druon et Henri Troyat, coiffé la mitre de patriarche des lettres françaises. Sans pour autant pontifier. Car, philosophe sans diplôme, professeur sans chaire, érudit sans cuistrerie et penseur sans avoir jamais eu la tentation d'empêcher les autres de penser, il conservait le goût de la plaisanterie et le sens du mot drôle en même temps qu'une dilection pour les flèches assassines. Ainsi n'était-il pas rare que dans le studio de RTL où il nous apportait la plus autorisée des cautions culturelles, il fredonnât une chanson de salle de garde ou qu'il racontât une histoire leste. De temps à autre et après avoir répondu en quelques secondes à une question que j'avais sélectionnée en la jugeant insoluble, il remettait nos pendules à l'heure. Car il était aussi un moraliste de haut vol. Devant lui, il ne fallait pas dire n'importe quoi sur le siècle des Lumières, sur nos grands auteurs du XIXe siècle, sur la République et, surtout, sur la France, dont il était devenu, au fil des décennies et des œuvres, un porte-parole sachant mêler savoir et bon sens. Bien sûr, il devait parfois se forcer un peu pour admettre certains progrès et tolérer certaines audaces. Mais il ne condamnait jamais sans appel. Il était à l'affût des nouveaux talents. Dans son appartement proche du Quai de Conti, les auteurs de génie campaient à son chevet. Il a vécu ses dernières années en leur compagnie, caressant leurs reliures, annotant leurs meilleures pages, allant de Tacite à Barbey d'Aurevilly. Il est mort lorsqu'il n'a plus eu la force de lire.
- La véritable « exception française » : ce sont les mêmes citoyens qui déplorent qu'un gouvernement n'ait pas concrétisé davantage de projets et qui, à la première velléité de réforme, descendent dans la rue.
- La situation se clarifie puisqu'on peut recenser aujour d'hui onze catégories de présidentiables : ceux qui sont déjà candidats et qui n'ont aucune chance ; ceux qui pourraient être élus mais qui ne souhaitent pas être candidat ; ceux qui ne voient pas d'inconvénient à se présenter puisqu'ils savent qu'ils ne seront pas élus ; ceux qui se donnent le temps de laisser du temps au temps ; ceux qui n'ont pas d'ambition et qui n'iront au casse-pipe que sous la pression de leurs amis ; ceux qui ne pensent qu'à cela mais qui sont bien les seuls ; ceux qui hésiteront encore quelques mois afin de recompter leurs partisans et leur trésor de guerre ; ceux qui ont déjà pris leur décision mais qui attendront pour l'annoncer le moment opportun ; ceux qui, fonctionnant au doigt mouillé, attendent que le vent tourne ; ceux qui visent l'Elysée pour faire plaisir à leur épouse et ceux qui envisagent la même démarche mais pour l'embêter.
- Quel désespoir et quel dommage le jour où, après avoir tout découvert sur la Terre, nous aurons également tout compris du cosmos !
- Aucun statut social n'est plus flou que celui des contemporains qu'on qualifie d'hommes d'affaires, de capitaines ou - dans le plus mauvais des cas - de chevaliers d'industrie. On ignore si ce sont de grands entrepreneurs ou de petits magouilleurs. On sait seulement qu'ils sont plus malins que les gens qui ne font pas d'affaires.
- Dans sa nouvelle formule, France-Soir «accorde une plus grande place à la photo afin d'améliorer l'aisance de lecture». Qui pourrait nier que les photos sont plus lisibles que les articles et que les lignes placées sous un cliché suffisent à entrer dans la légende ?
- Le dialogue social se porterait mieux s'il y avait moins de monologues idéologiques.
- Question lancinante à laquelle il faudra bien, un jour, que les sociologues apportent une réponse : les couples sont-ils plus instables depuis que le téléphone fixe tend à disparaître ?
- Glissements de terrain. Effondrements de régimes. La Terre tremble. Les dictateurs aussi.
Source: Société des amis de Jean d'Ormesson
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