Mamy Scopitone
Le 27 décembre 2007 à 21h45 était diffusé sur France 5 ‘’Mamy Scopitone, l’âge d’or du clip’’, un excellent documentaire sur Daidy Davis-Boyer réalisé en décembre 2005 par son petit-fils, Pascal Forneri (fils de Dick Rivers). 55 minutes de bonheur en compagnie d’une vieille dame (aujourd’hui âgée de 90 ans) animée d’une sacrée pêche.
Cette musique de variétés Sixties qu’elle a contribué à rendre éternelle lui aurait-t-elle transmis son éternelle jeunesse ? C’est à croire. Epouse de Roby Davis (saxophoniste de jazz), impresario de Mistinguett, Andrée Davis-Boyer (prénommée ‘’Daidy’’) se forge après guerre une réputation dans le milieu du music-hall en organisant les récitals d’Edith Piaf, Charles Trenet, Django Reinhardt, Dizzy Gillepsie, Yves Montand, Tino Rossi, Bécaud, Mouloudji, Aznavour et tant d’autres. En 1961, elle est chargée des émissions de variétés à Télé-Monte-Carlo et a l’idée de les filmer en couleurs alors que l’unique chaîne de l’ORTF diffuse uniquement en noir et blanc. Pendant ce temps, un étrange juke-box fait son apparition avec des petits films couleur restituant sur une bande magnétique couchée la musique du disque 45 tours alors en pleine vogue.
Le Scopitone était né.
Daidy décide de se lancer dans la production de ces petits clips. Elle en réalisera elle-même une centaine avant d’en produire près de 500 entre 1965 et 1974, ce qui lui vaudra de contrôler la plupart des Scopitones français… et le surnom de ‘’Mamy Scopitone’’.
Alexandre Tarta réalise les 118 premiers titres du catalogue Cameca dans les studios Eclair d’Epinay-sur-Seine. Entre-temps, la Nouvelle vague est apparue.
Claude Lelouch, jeune cinéaste de 24 ans, en fait partie. Il va réaliser 130 titres entre 1961 et 1965. A l’inverse du style statique de Tarta qui tourne principalement en studio, Lelouch joue des extérieurs et fait virevolter sa caméra. Grâce à ce rodage, il pourra mener à bien son film ‘’Un homme et une femme’’ (palme d’or à Cannes en 1966). ‘’On était dans l’action, je n’ai jamais signé aucun contrat, on me donnait l’argent en liquide’’ avouera-t-il. Il lui arrive de tourner trois titres dans la journée, pratiquement au même endroit. Ainsi, en 1963, il réalise en Camargue ‘’Pour moi la vie va commencer’’ interprété par Johnny Hallyday qui tourne dans cette région le long métrage de Noël Howard (‘’D’où viens-tu, Johnny ?’’), enchaîne avec ‘’Twist et chante’’ de Sylvie Vartan (amoureuse de Johnny, elle ne veut pas le quitter et accepte de tourner uniquement pendant son temps libre, c’est-à-dire quand Johnny tourne) et termine, en fin d’après-midi dans le port de Marseille, avec ‘’Saurais-je ?’’ de Françoise Hardy. Pour autant, les artistes ne sont pas tout à fait convaincus de l’intérêt pour leur carrière de ces petits clips tournés rapidement (en moyenne deux heures), d’une durée maximale de trois minutes ; leur réalisation nécessitant beaucoup d’improvisation, de disponibilité et un petit budget : 7000 Francs par titre toutes charges comprises (soit 1067 € actuels). ‘’La contrainte sollicitait l’imagination’’ reconnaît Lelouch et, se remémorant le tournage du Scopitone ‘’Tous les garçons et les filles’’ (1962) avec Françoise Hardy, il a subitement honte : ‘’on l’avait mise dans une grande balançoire et tout le principe était de faire se soulever les jupes des deux figurantes qui étaient derrière elle’’. Françoise Hardy n’a pas vraiment apprécié.
La touche d’érotisme est donc présente et elle est même recommandée par la production pour inciter les consommateurs dans les cafés (là où trône exclusivement l’appareil Scopitone) à glisser la pièce de 1 Franc dans la fente : on n’écoutait pas seulement une chanson, on regardait aussi une jolie fille. Après Claude Lelouch, c’est Pierre Lescure (Canal+), Dick Rivers, Enrico Macias, Carlos, Dani, Nicoletta, Gérard Rinaldi (ex-Charlot), Roger Pierre, Alain Brunet (réalisateur du tout dernier Scopitone fin 1978, ‘’Bubble-gum’’ avec Laurent Voulzy) qui interviennent pour témoigner leur reconnaissance à la vieille dame et ressusciter à coups d’anecdotes et d’extraits de Scopitones cette époque bénie. Une époque où l’on savait s’amuser. Les tournages dans la villa de Daidy, à Antibes, permettaient aussi de partager ensemble les bons moments de la vie. Une époque où tout n’était qu’insouciance, débrouillardise et où tout restait à inventer. Mais le temps des copains est fini.
La machine Scopitone s’arrête début 1979. Elle aura couvert l’histoire de la musique populaire française pendant 18 années et permis la création d’un véritable patrimoine artistique, original et finalement précieux. Grâce à lui subsiste encore la nostalgie de ces chansons qui ont accompagné les plus beaux moments de notre vie. Qui a dit que c’était kitsch ? ( Serge Moroy )
NB : les Scopitones étaient réalisés en 16 mm et disposaient d’une piste magnétique pour la lecture du son. Paradoxalement, ce sont ceux des années 70 qui sont les plus difficiles à trouver. Ceci du fait que les tirages ont ralenti car la mode a passé et la couleur est apparue à la télévision en 1971.
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