Histoire de vingt tournages mythiques
OLIVIER RAJCHMAN
PERRIN
Des « Lumières de la ville » (1931) à « Barbie » (2023), en passant par « Blanche-Neige » (1937) ou « 2001, l’odyssée de l’espace » (1968), ce sont vingt chefs-d’œuvre dont Olivier Rajchman, journaliste et historien de cinéma, nous conte les coulisses. Voici l’envers du décor de leur tournage, leur petite histoire en quelque sorte, dans un style captivant puisque celui de la confidence. Petit florilège...
En août 1958, à New York, au beau milieu de Madison Avenue, Cary Grant est entouré de techniciens, mais aussi de passants anonymes se retournant sur les premières prises de vues de « La mort aux trousses ». L’occasion pour Alfred Hitchcock de démentir sa réputation de cinéaste n’aimant pas tourner en décors naturels. Pour autant, à sa sortie, son film ne sera pas le grand classique du suspense qu’il deviendra plus tard. Personne ne ressent alors, par manque de recul, son atmosphère particulière. Plus qu’un thriller, cette traversée trépidante des États-Unis à la fin des années 1950 apporte un témoignage saisissant sur l’esthétique, l’architecture et les modes d’un Occident très préoccupé par la guerre froide.
Jugé trop long par la production, « Le guépard » a subi moult coupures tandis que ses couleurs pâlissent au fil du tirage successif des copies en 35 mm. Car, tourné initialement en 70 mm, le film a finalement été « rétréci » dans ce format d’exploitation usuel dans les salles de cinéma ; ce qui exaspère au plus haut point Luchino Visconti. Décédé en mars 1976, le maître italien ne verra pas sa grande fresque historique enfin restaurée dans ses couleurs d’origine et dans une durée presque complète (soit 185 minutes tout de même), qui aurait pu lui convenir. En fait, chez Visconti, tout comme chez Proust d’ailleurs, il est toujours question de… temps perdu.
Après le krach financier de 1929, le cinéma hollywoodien est en crise. Et le studio Disney n’y échappe pas malgré les succès de Mickey et des Silly Symphonies (Les trois petits cochons, Le vilain petit canard, Des arbres et des fleurs, etc.). Un soir d’été 1934, Walt Disney réunit toute son équipe. Il lui expose son projet d’un long métrage d’animation tout en couleurs et sonore, tiré d’un conte des frères Grimm tombé dans l’oubli : « Blanche-Neige et les sept nains ». Stupéfaits, tous les participants voient alors leur patron mimer les personnages (y compris la reine-sorcière) dans les séquences clefs du futur film. Quatre années seront nécessaires pour réaliser ce chef-d’œuvre techniquement novateur présenté le 21 décembre 1937 à Los Angeles. Disney, le visionnaire, a gagné son pari fou. En février 1939, suprême consécration, il reçoit huit Oscars : un grand et sept petits symbolisant les héros de son film.
Œuvre majeure, « révolutionnaire » selon certains, cassant allégrement les poncifs du western, « Il était une fois dans l’Ouest » en est paradoxalement à la fois le plus grand et le dernier. Le titre est déjà une déclaration d’intention évoquant les contes perdus de la vieille Amérique… pour mieux les bousculer. Car Sergio Leone ne fait jamais les choses à moitié. Il est maniaque et soucieux du détail, ce qui le rapproche de Visconti. Bruits d’ambiance, gros plans, brièveté des dialogues, silences éloquents… A l’inverse d’un John Ford bavard exaltant le chemin de fer comme vecteur de civilisation, Leone en démonte les bienfaits et souligne les stigmates sociaux et raciaux de l’époque. La musique somptueuse d’Ennio Morricone coule de source et les acteurs s’en inspirent avec délectation. L’alchimie fonctionne et le résultat crève l’écran. L’écho lancinant de l’harmonica résonne toujours dans nos têtes.
Claude Sautet est tombé amoureux de Romy Schneider dès sa première audition (comment lui donner tort ?). Lors de leur rencontre, l’actrice, 32 ans, née à Vienne mais allemande (puisque Hitler avait annexé l’Autriche en mars 1938), porte un chignon. Ce fameux chignon qu’elle nouera plus tard dans le film, avant qu’elle ne se penche sur la machine à écrire de Pierre (Michel Piccoli). « J’ai simplement éprouvé la sensation confuse qu’elle était intelligente, avec quelque chose de plus » confiera Sautet en la choisissant. Débute entre eux une liaison brève mais singulière, pour ne pas dire ambigüe, qui ne sera jamais assumée au grand jour. A l’instar des héros du roman de Paul Guimard qui vivent une relation amoureuse faite de hauts et de bas. Quoi qu’il en soit leur collaboration artistique se poursuivra avec quatre autres films et raconte bien plus qu’une simple idylle de cinéma. Entre rêve, vie et trépas, il y a l’amour. Ce sont « Les choses de la vie ».
Les films
• Les lumières de la ville (Chaplin - 1931)
• Blanche-Neige et les sept nains (Disney -1937)
• Citizen Kane (Welles -1941)
• Les enfants du paradis (Carné – 1945)
• Chantons sous la pluie (Donen & Kelly - 1956)
• Certains l’aiment chaud (Wilder – 1949)
• La mort aux trousses (Hitchcock – 1959)
• A bout de souffle (Godard – 1960)
• Lawrence d’Arabie (Lean – 1962)
• Le guépard (Visconti – 1963)
• 2001 l’odyssée de l’espace (Kubrick – 1968)
• Il était une fois dans l’Ouest (Léone – 1968)
• Les choses de la vie (Sautet – 1970)
• Le limier (Mankiewicz – 1972)
• Chinatown (Polanski – 1974)
• Les dents de la mer (Spielberg – 1975)
• Taxi Driver (Scorsese – 1976)
• Le dernier métro (Truffaut – 1980)
• Barbie (Gerwig – 2023).
L’aventure des films. Histoire de vingt tournages mythiques – Olivier Rajchman – 448 pages – Format broché – Encart folio de 20 photos en noir et blanc des films évoqués - Editions Perrin – ISBN : 978-2-262-10454-2 – Dépôt légal : avril 2025.
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