Assassinat de J.F. Kennedy : Quand la presse se presse
Un témoignage inédit
Le 22 novembre 1963 à 18 h 30 (heure française), John Fitzgerald Kennedy, 35e président des Etats-Unis, était abattu à Dallas (Texas). Le lendemain matin, le journal Ouest-France faisait la Une de l’événement… avec une photo à l’appui !
Cet assassinat était un scoop pour la presse mondiale qu’il ne fallait absolument pas rater. Bernard Thomazeau travaillait alors en tant qu’illustrateur au quotidien Ouest-France, et ce depuis avril 1957. Il se rappelle encore la pression qu’il a connue lorsque, dans les bureaux de Rennes, il attendait fébrilement une photo du président assassiné. Celle-ci devait en effet paraître à la Une de l’édition du lendemain, le samedi 23 novembre 1963.
Allô Rennes Ouest-France ? Ici New York
L’image allait être transmise par un correspondant de presse aux États-Unis via le Bélinographe. C’est à Firmin Chaudet, journaliste à Ouest-France, qu’incombait le soin de rédiger l’article devant faire la Une. Bernard se souvient de cette journée particulière tant elle est gravée dans sa mémoire.
« J’ai reçu un appel de New York m’informant de l’envoi imminent d’une seule et unique photo du président assassiné à Dallas, et ce pour le départ des premières éditions. Vu le nombre de demandes qui affluaient alors, l’envoi ne sera pas doublé. Me voilà donc prévenu ! ».
Cinq minutes plus tard, une nouvelle sonnerie retentit en effet dans l’atelier et une voix annonce dans un mauvais français : « Rennes Ouest-France à toi ! Fais bien ta mise au point du blanc. Ok, j’envoie… ça roule ! ».
Firmin Chaudet tournait comme un lion en cage dans l’atelier où s’affairait Bernard, surveillant le moindre de ses gestes. Ce dernier poursuit.
« La réception venait à peine de commencer et il fallait compter quinze minutes pour que la photo soit totalement transmise et, avec le cylindre, file au labo pour y être développée. Firmin ne me lâchait pas d’une semelle tant il était collé à moi. »
Dans le labo plongé dans la lumière rouge inactinique, la photo en noir et blanc apparaît progressivement dans le bac du révélateur. Bernard et Firmin sont pétrifiés par l’émotion : le cliché est bon. Il ne présente même aucun parasite dans les lignes ; ce qui leur évitera des retouches et leur fera gagner un temps précieux.
A peine est-elle fixée et lavée que la photo, encore humide, est présentée tel un trophée au rédacteur en chef. Elle fera bien la Une de l’édition du 23 novembre 1963. Ouf, l’honneur était sauf !
Comment fonctionne le Bélinographe ?
Il résulte de l’invention du savant français Edouard Belin en 1907. L’instrument est en mesure de transmettre dans le monde entier des images photographiques grâce à l’utilisation du réseau de l’électricité.
C’est en fait de la télé-photo qui fonctionne sur le principe de l’émission- réception. Une photo est prise sur un cylindre qui tourne sur lui-même et se déplace latéralement devant l’objectif.
Celui-ci capte la teinte placée devant lui et la transmet alors devant une cellule photo-électrique. Le rôle de cette dernière est de transformer la source lumineuse en courant électrique qui, modifié en puissance, selon la luminosité de la teinte de la photo, sera à son tour, et après amplification, transmis par ligne télégraphique.
Nouvelle transformation au poste récepteur où un oscillographe fera du courant électrique un spot lumineux, qui sera lui-même retransmis au moyen d’un objectif sur un film fixé autour d’un cylindre.
Enfermé dans une petite chambre noire, ce cylindre tourne sur lui-même à la même vitesse que le cylindre émetteur. Il faut en moyenne une vingtaine de minutes pour réceptionner une télé-photo ; depuis la mise en route de l’appareil jusqu’à l’obtention du négatif qu’il est alors possible d’agrandir sur papier.
Avant son transfert en 1972 à Chantepie (35), le service du Bélinographe était assuré par l’atelier de photos reproduction et des services artistiques, placé sous la direction de Charles Barmay.
Afin d’assurer la réception et l’envoi des photos, deux dessinateurs polyvalents s’y relayaient chaque semaine à tour de rôle. Les journées les plus chargées étaient celles du dimanche, avec la rubrique des sports, toujours copieuse.
Une fois installé à Chantepie, le Bélinographe sera détaché sur le plateau des rédacteurs et aura Michel Corvaisier comme permanent.
Cet article a pu être rédigé grâce aux souvenirs de Bernard, qu’il en soit ici remercié / Photo : Bernard devant le Bélinographe (photo journal Ouest-France).
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