" Il avait tous les dons y compris celui de souffrir et de faire souffrir "
Annie Playden (1880-1967) : le premier grand amour d’Apollinaire
En 1901, Guillaume Apollinaire enseigne le français dans une famille noble allemande qui réside en Rhénanie. Il y tombe amoureux de la gouvernante anglaise, Annie Playden, qui, d’abord réceptive, s’effraie de sa fougue et finit par le rejeter. Il ne parle pas anglais, elle ne parle pas le français. De retour à Paris, en 1902, il reprend pourtant contact avec elle et part à Londres à deux reprises pour la revoir. Las, Annie Playden ne répond pas à sa flamme et il en est mortifié. Sa belle partira pour l’Amérique en 1905. Apollinaire relatera sa relation malheureuse dans plusieurs poèmes emplis d’amertume dont, notamment, « La chanson du mal-aimé » (Alcools, 1913) car le poète évoque aisément sa souffrance, caractéristique commune aux premiers romantiques allemands (Goethe, Shiller, Novalis…).
Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s’éloigne
Avec celle que j’ai perdue
L’année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus.
Marie Laurencin en 1905 (autoportrait).
C’est grâce à Picasso que Guillaume Apollinaire fait la connaissance en 1907 de Marie Laurencin (née le 31 octobre 1883 à Paris). Elle devient sa compagne et sa muse avant que, fatiguée par ses infidélités et son penchant pour l’alcool, elle ne mette fin à leur relation 5 ans plus tard. Pour tenter de l’oublier Apollinaire s’engage au premier jour de la guerre et lui écrit l’un des ses plus beaux poèmes, « Sous le pont Mirabeau », dans lequel il évoque leur séparation.
Marie meurt le 8 juin 1956 à Paris. Elle sera inhumée au Père-Lachaise dans une robe blanche, tenant dans sa main une rose et, posées sur son cœur, quelques lettres d’amour de Guillaume Apollinaire dont la sépulture repose à quelques pas de la sienne.
« L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends. »
Adieu, quatrain de G. Apollinaire pour leur rupture en 1912.
«Tu te souviens, Rousseau, du paysage aztèque, des forêts où poussaient la mangue et l'ananas...», écrit Apollinaire. Mais le Douanier n'est jamais allé plus loin que le Jardin des Plantes ! De là une oeuvre un peu vite qualifiée de naïve.
Henri Rousseau, le Douanier, avait proposé à Apollinaire de réaliser son portrait. Le poète racontera qu'avant de le faire poser, le peintre «avait soigneusement mesuré son nez, sa bouche, ses oreilles, son front, ses mains, son corps tout entier». Pendant ce temps, pour qu'il ne s'ennuie pas, Rousseau lui avait chanté des airs de son enfance. On imagine la scène ! Et on connaît le résultat : conservé au musée de Bâle, le portrait d'Apollinaire le représente à côté de Marie Laurencin, une Marie Laurencin plutôt grassouillette. «Mais ça ne me ressemble pas du tout», s'était écriée la pauvre jeune femme, toujours soucieuse de son élégance et de sa sveltesse. Sans se démonter, Henri Rousseau lui avait répondu : «Guillaume est un grand poète, il a besoin d'une grosse muse.» Il était comme ça, le Douanier : naïf, têtu, maladroit. Et même pas spécialement doué pour la peinture.
Louise de Coligny-Châtillon (1881-1963) : amour fou d’Apollinaire et l’une des premières aviatrices françaises (mais on ne trouve aucune trace sur ses aptitudes ou ses vols).
Guillaume Apollinaire s’est engagé au premier jour de la guerre. En attendant son incorporation, il rencontre à Nice Louise de Coligny-Châtillon, qui lui fait oublier Marie Laurencin. Il tombe amoureux, mais la belle lui résiste avant de se donner à lui juste avant son départ pour le front. Il lui écrit des lettres enflammées (Poèmes à Lou) jusqu'en janvier 1916. Mais elle l’oublie. Apollinaire fait bien partie des poètes maudits.
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
-Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
La nuit descend
On y pressent
Un long destin de sang.
Guillaume Apollinaire, extrait de « Si je mourrais là-bas » (Poèmes à Lou, Nîmes, 30 janvier 1915).
Madeleine Pagès (1892-1965), la fiancée « épistolaire » d’Apollinaire
2 janvier 1915. Guillaume Apollinaire prend le train à Nice après une permission de deux jours. Il retourne au 38e régiment d'artillerie de campagne de Nîmes où il fait ses classes. Dans son compartiment, il rencontre une jeune femme, Madeleine Pagès. Elle est institutrice à Oran et doit embarquer à Marseille. Les deux voyageurs parlent de poésie, échangent leurs adresses. Apollinaire fréquente toujours Lou, mais leurs relations s’effilochent de plus en plus, surtout à partir du mois de mars.
Trois mois plus tard, Apollinaire envoie sa première carte postale à Madeleine du front de Champagne. Rapidement, leurs lettres deviennent très tendres. Pendant plusieurs semaines, le poète encourage sa « petite fée » à se déclarer : « Écrivez-les ces mots qui font que l'on vit », l'implore-t-il. Après les aveux, se développe une relation épistolaire d'une liberté inouïe, fondée sur le mythe du coup de foudre et de l'amour idéal. Il ne commence à la tutoyer que le 25 août 1915 et ils se fiancent « par correspondance ». Glissés dans les lettres, certains poèmes sont très érotiques, tel « Les neuf portes de ton corps ». A la faveur d'une permission accordée en décembre 1915, il passe 15 jours à Oran chez Madeleine.
Mais Apollinaire est blessé en Picardie par un éclat d’obus le 17 mars 1916. Il lui écrit moins pendant sa convalescence et refuse de recevoir sa visite. Ses dernières lettres datent de novembre 1916. Madeleine ne se mariera jamais. Elle continuera d’enseigner à Oran puis dans des lycées de jeunes filles à Saint-Cloud, avant de mourir à Antibes le 2 mars 1965.
Jacqueline Kolb (1891-1967) : Madame Apollinaire, la jolie rousse
Le 2 mai 1918, à Paris, Guillaume Apollinaire se marie avec Amélia Kolb (dite Jacqueline ou encore Ruby), artiste peintre. Parmi les témoins, Lucien Descaves et Pablo Picasso, Ambroise Vollard et Gabrielle Picabia. Le poète ne profitera que trop de cette union puisqu’il décédera le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole, soit deux jours avant la signature de l’Armistice. Il avait 38 ans.
Ses cheveux sont d'or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les rose-thé qui se fanent.
"La jolie rousse" (extrait).
Serge Moroy
Né Wilhelm de Kostrowitzky sujet polonais, le conseil de révision avait ajourné sa première demande d'engagement dans l'armée française. Le 4 avril 1915, il part avec le 38e régiment d'artillerie de campagne pour le front de Champagne, ce qui lance sa procédure de naturalisation.
Alors qu'il vient d'obtenir notification de sa naturalisation, Guillaume Apollinaire, sous lieutenant au 96e régiment d'infanterie est blessé le 17 mars 1916 d'un éclat d'obus à la tempe droite, au bois des Buttes, au pied du Chemin des Dames.
" Je lisais le "Mercure de France". A quatre heures, un 150 éclate à 20 mètres, un éclat perce le casque et troue le crâne ... On m'endort pour fouiller, l'éclat a enfoncé la boîte crânienne et y est resté, on l'y laisse."
Le 9 novembre 1918, la grippe espagnole emportait Guillaume Apollinaire, très affaibli par ses blessures de guerre.
Commentaires