Extrait du « Magazine de la France en guerre - Édition spéciale - Journal de guerre n° 33 (semaine du mardi 30 avril au dimanche 12 mai 1940) » / Actualités filmées du SCA (Service Cinématographique de l’Armée française) - Film noir et blanc 16 mm - 305 mètres (durée 28 minutes).
10 mai 1940 : fin de la « drôle de guerre » et début du désastre français
► Vendredi 10 mai 1940 au matin
« L’Allemand préfère une fois de plus à l’attaque de face, l’ignominie d’une manœuvre qui se doit d’être d’abord l’immolation de trois pays neutres. 2 août 1914 - 10 mai 1940 : l’histoire recommence. Au matin, la Belgique rallie son peuple autour de son drapeau, tandis les premières troupes françaises entrent en Belgique et au Luxembourg, établissant les premières liaisons entre l’armée belges et [nos] troupes » (dixit le commentaire).
En réponse à l’attaque allemande, les soldats français entrent au Luxembourg, ainsi qu’en Belgique afin de venir en aide à l’armée belge. A un poste frontière luxembourgeois, une colonne de motos équipées de side-cars de la marque Gnome-et-Rhône, fait son entrée dans le Grand-duché, suivie par un défilé d’autobus, de chars Renault R35, tracteurs semi-chenillés Somua MCG, camions, cavaliers, etc. Ils sont acclamés par la foule qui s’agglutine, offrant boissons et cigarettes aux soldats. Le convoi, principalement constitué de chars Renault R35, de chenillettes de ravitaillement Renault 31R, s’étire dans la campagne environnante. A Esch-sur-Alzette et ses alentours (Luxembourg), les soldats se mettent en position de tir : derrière un fusil-mitrailleur FM 24/29 (ou bien une mitrailleuse Hotchkiss 8 mm, modèle de 1914).
Exode des civils belges et luxembourgeois
Pendant ce temps, les Belges et Luxembourgeois fuient devant la menace des bombardements allemands. Femmes, enfants et personnes âgées sillonnent alors les routes, utilisant landaus, charrettes, voitures, bicyclettes… tandis que le commentateur vilipende l’aviation ennemie qui bombarde les cortèges. Nota : certaines images de cet exode figurent dans le film de René Clément « Jeux interdits » sorti en 1952.
Le commentateur précise que le bilan en France s’élève à 150 morts et 400 blessés civils. Les conséquences des bombardements ennemis sont nettement mises en avant : maisons éventrées, récupération de biens dans les décombres, évacuation de blessés, église et école dévastée, blessés soignés dans les hôpitaux…
Précision : l’école dévastée serait en fait le lycée Charlemagne, à Nancy, bombardé le 10 mai. [Source ECPAD].
Le même jour, des villes comme Bruxelles sont aussi victimes d’incendies. Apportant son soutien à Léopold III, roi des Belges, Édouard Daladier, ministre de la Défense nationale et de la Guerre, se rend dans le Nord de la France et en Belgique.
Précision : la première image de cette visite montre Édouard Daladier entrant dans un château accompagné par 2 généraux : il pourrait s’agir du château de Casteau, près de Mons, siège du Grand Quartier-Général belge dans lequel se tint le 12 mai une conférence interalliée. [Source ECPAD].
Une autre ville belge est la proie des flammes sous le feu de l’aviation allemande « qui s’acharne ».
« La guerre, que vient de déclencher l’Allemand revêt, nettement le caractère d’une impitoyable guerre d’extermination en même temps que d’une véritable guerre hors-la-loi où les ruses les plus odieuses, les moyens de terreur et de pression sont les plus abominables et les plus déshonorants » (dixit le commentaire). Un civil erre dans la rue muni de 2 cannes sous le bruit des avions allemands et des cadavres de chevaux gisant à même sur les pavés.
Ludovic-Oscar Frossard, ministre de l’Information, chiffre les victoires de l’aviation française. Les images montrent plusieurs épaves d’appareils allemands, comme celles de Stukas ou encore d’un chasseur Messerschmitt BF-110 pour témoigner des pertes infligées à l’ennemi.
« Déchaînée dans son œuvre de mort sauvage et sans excuse, l’aviation allemande a subi du fait des Alliés des pertes considérables. Monsieur Frossart, ministre de l’Information, a pu formellement affirmer que le 13 mai au soir plus de 400 appareils ennemis étaient détruits : 50 par la DCA, 50 mis en pièce sur le terrain, le reste abattu par la chasse. Nos pertes à nous, comparées à ces chiffres, toujours selon M. Frossart, sont faibles. Pour sa part, un de nos groupes de chasse comptant 18 avions, a abattu 39 appareils ennemis : 16 le vendredi 10 mai, 8 le samedi, 15 le dimanche dans des combats dont l’un fut engagé à Un contre Treize, le dernier à Deux contre Vingt. Une des plus belles pages à la gloire de nos ailes, précise la citation à l’ordre de l’armée » (dixit le commentaire).
Les actualités filmées « Journal de guerre », créées par le Service Cinématographique de l’Armée (SCA, ancêtre de l’ECPAD) dès octobre 1939 pour les armées et les services officiels, ont avant tout une vocation interne, répondant à 3 missions : témoigner pour le futur, faire de la propagande et divertir les soldats sur le front.
Ces actualités filmées périodiquement (côté allemand, on fait de même) sont également diffusées auprès du grand public, pour contrer le cinéma de propagande nazie. En cela, le journal de guerre du SCA se calque sur les principes mêmes de l’actualité : un reportage hebdomadaire et toujours présenté selon un ordre chronologique. 34 numéros, montés par le réalisateur français Jean Delannoy et commentés par Jean Cassagne, se succéderont ainsi toutes les semaines, soit du 1er octobre 1939 jusqu’au 6 juin 1940.
Les dernières images sur cette « drôle de guerre » - qui commença le 3 septembre 1939 avec la déclaration de guerre à l’Allemagne et finit le 10 mai 1940 avec l’invasion de la Belgique et des Pays-Bas par les troupes allemandes - révèlent des scènes militaires parfois inattendues, voire surprenantes. Elles sont commentées de façon dithyrambique et patriotique afin d’exalter le courage des forces armées françaises et celles de leurs alliés. D’ailleurs, la mention « Vaincre ! » apparaît au début de ce journal de guerre « Édition spéciale ».
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