Deux de ses romans ont été publiés aux éditions du Cherche Midi en mai dernier. Sonia Dagotor, 42 ans, fait partie de ces auteurs qui ont le vent en poupe parce que ses romans sont tout simplement dans l’air du temps. Entretien avec une autrice qui a su conjuguer son rôle d’épouse, de mère et de cadre dans la grande distribution, avec sa soif de l’écriture mais, surtout, qui avait envie de se prouver quelque chose.
Sonia, vous avez commencé à écrire à l’âge de 34 ans et votre trilogie, “Épouse, mère et working girl”, publiée à compte d’auteur en 2013, a fait un tabac. Depuis, plus rien ne vous arrête. Qu’est-ce qui se passe ?
Je ne sais pas si l’on peut dire qu’elle a fait un tabac. Ce qui est certain, c’est qu’elle a révolutionné ma vie. Atteindre cet objectif saugrenu d’écrire une trilogie lorsque la seule chose qu’on écrit sont des notes professionnelles était un défi personnel dénué de bon sens, surtout lorsqu’on est déjà débordée dans sa vie de tous les jours. J’ai eu un déclic lors d’une insomnie. Huit ans plus tard, je suis si fière de pouvoir clamer haut et fort que j’ai écrit neuf romans et deux nouvelles et que mes histoires ont touché plus de 250 000 lecteurs. C’est dingue ! Et en plus, j’y prends un plaisir fou. J’adore raconter des histoires qui font du bien, qui interpellent, interrogent, rassurent, bousculent, divertissent, surtout en ces temps bouleversés.
Votre lectorat est majoritairement féminin. Est-ce à dire que les femmes se reconnaissent en vous ?
Je suppose que oui mais il y a souvent un homme derrière chaque femme ou vice versa. Il n’est pas rare que les hommes m’écrivent pour me dire qu’ils ont passé d’excellents moments avec mes personnages. Et puis, il n’y a pas que des femmes dans mes livres, heureusement ! Il y a toujours un homme auquel on peut s’identifier : un père, un papi, un frère, un mari, un ami, un collègue…
S’il est majoritairement féminin, c’est tout simplement parce que 65 % des lecteurs sont des lectrices [étude réalisée en 2015 par Statista]. Attention, je ne dis pas que les hommes ne lisent pas, je dis simplement qu’ils lisent d’autres choses. Par exemple, mon époux lit beaucoup, mais pas de romans. Quant aux miens, il a quelques titres en retard. C’est inadmissible, je trouve. Pas vous ? (Rires)
On sent parfois chez vous un humour caustique à l’égard des hommes. Adepte de la guerre des sexes ?
Vraiment, je ne vois pas de quoi vous parlez (Rires). Je ne suis adepte d’aucune guerre. C’est l’art de vivre ensemble qui me fascine et j’aime m’amuser avec certains clichés. Je les trouve intemporels, parfois drôles. Je vis avec le même homme depuis vingt-deux ans alors vous imaginez bien qu’entre lui et moi, il y aurait de quoi raconter (Rires). D’ailleurs, il a le toupet de dire qu’il est ma muse. Et puis quoi, encore ! (Rires)
Comment avez-vous vécu les deux confinements 2020 ?
J’ai vécu le premier comme un ermite, terrée chez moi avec ma tribu. Je ne suis sortie que deux fois : la première pour descendre ma poubelle – j’ai cru que j’allais mourir asphyxiée par ma propre haleine à cause du masque – et la seconde, pour une promenade en famille après 20 heures lorsque plus personne n’était dans la rue.
C’est mon mari qui faisait les courses, lavait les emballages tellement nous étions en pleine paranoïa. Mais je dois admettre qu’à part ses petits désagréments, sans oublier l’école à la maison qui m’a filé quelques cheveux blancs, je l’ai plutôt bien vécu. J’ai découvert que ma terrasse était ensoleillée malgré son exposition plein Nord et j’ai adoré appuyer sur le bouton pause. J’ai mis ma créativité au service d’autres activités : j’ai jonglé (oui, ne cherchez pas, il fut un temps où j’étais très sportive), j’ai cuisiné (j’ai même fait du pain) et j’ai chanté en karaoké pour amuser ma communauté. Malgré cela, on a eu une superbe météo, signe que je ne chante pas si faux (Rires).
Quant au deuxième confinement, quel confinement ? Pardon, mais dans mon esprit, c’est comme s’il n’avait pas eu lieu. Contrairement au premier, je suis sortie quotidiennement pour m’aérer l’esprit et me remettre de l’écriture intensive de mon roman… rédigé en quelques semaines. Et puis, les enfants étaient à l’école alors, il ne pouvait pas ressembler au premier.
Malheureusement avec la Covid, mes deux livres publiés fin mai aux éditions du Cherche Midi n’ont pas reçu l’accueil que j’espérais en librairie. Tout le circuit a été perturbé. La bonne nouvelle pour moi, comme pour les autres auteurs, c’est que la lecture numérique a explosé grâce au premier confinement et l’un de mes deux romans, “Sortez-moi de là”, est arrivé deuxième meilleure vente sur Kobo, après Joël Dicker, et donc avant tous les autres auteurs best-sellers. Absolument incroyable, n’est-ce pas ! Comment pourrais-je oublier 2020 et l’ascenseur émotionnel qu’il m’a procuré ?
Votre prochain roman “Le bonheur se cache parfois derrière les nuages” sera publié le 6 mai chez Robert Laffont. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’est l’histoire de Michel et Francine, un couple installé qui fête ses trente-neuf ans de mariage. A cette occasion, Francine organise une soirée en amoureux. Le couple se rend au théâtre puis dîne au restaurant. Alors que la pièce est hilarante, Francine en ressort bouleversée et passe tout le repas à repenser aux différentes étapes qui l’ont menée face à cet homme qui ne la regarde plus. A soixante-deux ans, Francine n’est pas heureuse. Quand l’amour a-t-il commencé à s’effriter ? Et si Francine se révoltait contre le temps qui passe ? Et s’il n’était pas trop tard pour choisir le bonheur ?
Ce roman est très différent de tous ceux que j’ai pu écrire jusque-là. Moins drôle, mais plus profond. Ma plume évolue… en bien, j’espère ! Les lecteurs sauront me le dire. J’ai hâte et j’ai un peu peur aussi. On verra bien.
Vous avez des liens très forts avec vos lecteurs : ils vous suivent sur les réseaux sociaux, se déplacent pour vous rencontrer sur les salons. Ces échanges vous inspirent ?
Ils ne m’inspirent pas, ils me galvanisent. Créer du lien avec mes lecteurs est pour moi indispensable. Leurs retours, quels qu’ils soient, c’est mon carburant. Je réponds toujours aux messages qu’on m’envoie. C’est une sorte de récompense, de reconnaissance, de respect aussi. Et s’ils apprécient mon univers, je les invite à activer le bouche-à-oreille. Il s’agit de « la dagotorisation » : terme inventé par l’une de mes lectrices. Il s’agit de toutes les actions contribuant à promouvoir mon univers. Il existe aussi le verbe « dagotoriser », l’adjectif « dagotorisé(e) », le nom commun dagotoraddict(e) et j’en passe…
On s’amuse bien et c’est ce qui compte. Comme dans mes livres, je veux que ma propre histoire inspire les autres, qu’elle les pousse à accomplir de grandes (et petites) choses, pourvu qu’elles leur fassent du bien. Quant aux salons, ça commence vraiment à me manquer. Ces rendez-vous me permettent de conquérir de nouveaux lecteurs. Pour l’instant, très peu se déplacent pour moi mais, ça viendra un jour, ça viendra ! Si bien qu’avec les mesures sanitaires, il faudra privatiser tout un stade de foot… C’est beau de rêver ! (Rires).
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