Dans un camp militaire, de nouvelles recrues s’entraînent avant de partir en France pour la guerre. L’entraînement est épuisant pour Charlot. Aussitôt l’exercice terminé, il s’endort. Dans les tranchées, Charlot doit s’accomoder de l’insalubrité et du mal du pays, tandis que les obus pleuvent dans sa tranchée et qu’un assaut va devenir imminent…
En octobre 1918, Chaplin jette un pavé dans la mare avec « Charlot soldat ». Voulant répondre à ses diffamateurs avec ses propres armes, il entreprend la réalisation d’un film antimilitariste. Mais ses amis lui conseillèrent d’en différer la présentation de crainte que cette satire de la vie militaire, projetée en temps de guerre, ne soit considérée comme de très mauvais goût.
Ce film anti-héroïque dénonce l’atrocité de la guerre non par l’indignation, mais par le rire. Un tel film, qui dépeint avec autant de sincérité et de vérité, la réalité quotidienne de la guerre, a sa place à côté des chefs-d’œuvre tels que « A l’Ouest rien de nouveau » (Lewis Milestone, 1930) ou encore « Les sentiers de la gloire » (Stanley Kubrick, 1957).
La tranchée et l’abri reconstitués offrent une remarquable représentation de la réalité du front occidental. Dans les scènes de tranchées, Chaplin et Sydney, ainsi que leurs collègues s’adaptent aux conditions des lignes de feu, la vermine, la pluie, la boue, les inondations et la peur. Ces scènes exigèrent quatre semaines de tournage.
Entre-temps, la chaleur de ce plein été était devenue si intense que l’on dut arrêter le travail toute une journée. Chaplin passa quatre jours de cette vague de chaleur à suer sous son camouflage d’arbre.
Il fut d’ailleurs récompensé de sa peine puisque cette scène est l’une des plus follement surréelles et cocasses de son œuvre : envoyé en mission derrière les lignes ennemies, Charlot s’enfuit à travers une zone découverte, caché à l’intérieur d’un tronc d’arbre. A l’approche d’une patrouille allemande, il se fige dans une immobilité feuillue, échappant ingénieusement à un soldat qui, armé d’une hache, s’apprête à le débiter en bois de chauffage. Une vision mémorable montre Charlot-arbre sautillant vers l’horizon lointain.
Une conduite d’eau à demi-enterrée découverte par hasard inspira également un autre gag comique. Charlot s’y engouffre comme un lapin et ses poursuivants croient lui attraper les jambes, mais seuls ses bottes et son camouflage en arbre – dont il s’est débarrassé comme d’une peau de serpent – leur restent entre les mains. A la suite de quoi, le gros Henry Bergman, dans le rôle d’un officier allemand, s’y engouffre à son tour et se coince dans la conduite… qu’il faudra briser pour l’en sortir.
Tout aussi inoubliable, la scène où Charlot se trouve être le seul à ne recevoir ni lettre ni colis, le jour du passage du vaguemestre. Avec un orgueil hors de propos, il refuse le gâteau que lui tend un camarade et quitte l’abri pour la tranchée où un soldat de garde est en train de lire une lettre. Charlot, penché sur son épaule, fait écho à ses émotions qui se lisent sur son visage. Car même s’il en a tiré une comédie, l’absurdité, la tragédie et le gâchis de la guerre devaient toujours dérouter et tourmenter Chaplin.
Ayant capturé treize soldats allemands, Charlot leur offre des cigarettes. Les Prussiens acceptent volontiers, mais leur officier en prend une pour la jeter aussitôt par terre. Charlot se saisit du petit homme, le couche en travers de ses genoux et le fesse solidement, correction entreprise à la plus grande joie de ses hommes. Cet esprit de camaraderie entre simples soldats dépasse la seule volonté de guerre des gouvernements et des armées.
Ce film constitue, selon moi, l'un des chefs-d'oeuvre de Chaplin et a, en tout cas, fortement contribué à son succès. Serge Moroy
Réalisation : Charles Chaplin
Titre original : Shoulder Arms (1918)
Production : First National Pictures
Avec Charles Chaplin (la recrue), Edna Purviance (la Française), Syd Chaplin (le sergent et le Kaiser), Henry Bergman, Albert Austin, Jack Wilson...
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