BELLE ET SEBASTIEN
NICOLAS VANIER
D'après l'oeuvre de Cécile Aubry
XO EDITIONS
Cinquante ans après le feuilleton télévisé qui a passionné la France
entière toutes générations confondues, Nicolas Vanier nous offre une
version flamboyante de Belle et Sébastien, l'histoire d'amitié entre un
orphelin et sa chienne des Pyrénées, au coeur de la Deuxième Guerre
mondiale.
D'après le scénario du film Belle et Sébastien, écrit par
Juliette Sales, Fabien Suarez et Nicolas Vanier, produit par Radar
Films, Epithète Films, Gaumont, M6 Films, Rhône-Alpes Cinéma. D'après la
série Belle et Sébastien écrite et réalisée par Cécile Aubry.
Extrait
Dans le ciel immuablement bleu de ce matin d'été, la menace planait,
masquée par le ruissellement du soleil qui éclaboussait les pentes
abruptes, les alpages piquetés de fleurs et embrasait les rochers d'un
éclat violent, presque aveuglant.
Alertée par une ombre fugitive,
une vieille marmotte postée en chandelle émit un long sifflement, signal
de la présence d'un danger imminent. Aussitôt, la colonie occupée à
manger détala dans l'herbe rase, filant vers les galeries souterraines,
mais déjà l'aigle avait plongé depuis le fond du ciel, aussi lourd
qu'une pierre. Au dernier moment, il infléchit sa trajectoire et fila à
ras de terre, immense et sombre, les ailes déployées. Négligeant les
adultes trop vifs, il choisit un marmot-ton à la course erratique. Il
n'eut qu'à l'arracher dans ses serres, puis remonta vers le ciel en
quelques coups d'aile. Là-haut, sur le pic de la montagne, deux aiglons
affamés réclamaient de la viande.
- Tu l'as vu ?
Le vieil homme
se tourna vers son petit-fils qui s'était arrêté, bouche bée. Son
visage, d'habitude si prompt au rire, parut se froisser de chagrin.
- Tu crois qu'il va souffrir ?
- Non. Il est sans doute déjà mort. C'est la loi de la nature.
- Est-ce qu'elle est méchante ?
- Jamais. Mais elle peut être dure. Et c'est une grande maîtresse. Pourquoi crois-tu que l'on chasse ?
Il désigna son fusil, puis d'un coup de menton celui de l'enfant, qui
tenait fièrement une réplique miniature, en bois, reçue deux mois plus
tôt pour fêter ses huit ans. César avait beau redouter la sensibilité
exacerbée de Sébastien, il ne voulait pas lui raconter des histoires. Le
petit avait passé l'âge des contes de fées, si tant est qu'il l'ait
jamais eu ! Celui-ci secoua la tête et contesta.
- Mais une balle, ça tue d'un coup ! On souffre pas !
- La mort reste la mort, ne l'oublie jamais. Elle se passe d'excuses.
Il se remit en marche, et perçut bientôt le trottinement derrière lui.
Ils grimpèrent en silence, pénétrés par le calme majestueux des
montagnes. Voilà bientôt une heure qu'ils avaient quitté la forêt de
pins et de mélèzes pour attaquer le versant nord du massif, et le
sentier raidissait toujours plus. Semées d'une myriade de gentianes,
chardons et soldanelles bleus et mauves, les pentes herbues déroulaient
un poudroiement de Voie lactée. Au-dessus, l'herbe se raréfiait, la
roche affleurait, et le mauve des saponaires faisait place, par
endroits, aux rares fleurs jaunes du génépi.
Un groupe de
tétras-lyres jaillit d'un taillis de groseilliers sauvages et s'envola
en désordre. Le vieux les laissa aller, sans faire mine d'épauler, se
contentant de compter les lyres du plus vieux mâle de la compagnie.
La beauté de la balade lui avait fait oublier son souci, qui revint
l'assaillir quand il aperçut la trace, en plein sur le sentier. Il se
figea aussitôt et fit signe à l'enfant d'approcher.
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