« Papy fait de la résistance »
rejoint ces films qui s’inscrivent dans la lignée comique de « La grande
vadrouille », la fameuse comédie de Gérard Oury… mais en plus caustique.
Il est d’ailleurs dédié à Louis de Funès pressenti pour incarner le rôle de
Papy, mais qui mourut en janvier 1983, l’année de sortie du film.
Banquet au château : des baguettes
de pain comme mouillettes géantes ! (photo tirée du film)
L’histoire
En 1940 à Paris, les Bourdelle, une
famille de musiciens virtuoses, refuse de jouer pour les Allemands. En 1943,
leur hôtel particulier est réquisitionné pour accueillir un général de la
Wehrmacht. La cohabitation est d’autant plus difficile que l’un des membres de
la famille n’est autre que « Super-Résistant ».
De très bons collaborateurs
Ce film - qui sur son affiche se targue
avec humour « d’avoir coûté plus cher que le débarquement »
- est en fait l’adaptation au cinéma d’une pièce de théâtre du même nom
écrite en 1981 par Christian Clavier et Martin Lamotte. Il résulte aussi de la
complicité entre Christian Clavier et le cinéaste Jean-Marie Poiré. Juste
auparavant ils ont travaillé ensemble avec l’équipe du Splendid pour « Le
père Noël est une ordure » et poursuivront cette collaboration avec
« Les visiteurs ». Dans une interview de février 1993 accordée
au magazine cinéma « Première », Jean-Marie Poiré déclarait « Papy
fait de la résistance » commençait par un film sur la Résistance,
« Les visiteurs » commence par un film sur le 12e siècle.
J’aime bien installer d’abord le climat d’une véritable histoire pour la
démolir ensuite. Parce que le comique démolit ». Le rôle de Papy,
initialement dévolu à Louis de Funès, échoira finalement à Michel Galabru.
L’histoire est truffée de caricatures populaires et revendique une franche
revanche par le rire sur cette sombre période de notre histoire. Ainsi, entre autres,
le général Spontz (interprété par Roland Giraud) rappelle le nom d’un méchant
dans les aventures de Tintin (le colonel Sponsz) et le maréchal Apfelstrudel
(traduisez « chausson aux pommes ») est le demi-frère d’Adolf Hitler…
joué par Jacques Villeret.
Villeret dans le parc: A son arrivée, le
« Reichsminister » admire le parc de Ferrières (photo tirée du film) Et que dire du savoureux numéro au château de
Ferrières dans lequel ce dernier interprète avec son accent
« nazillant » la chanson « Je n’ai pas changé » de
Julio Iglesias ?
Un casting impressionnant
Pas tout à fait acteur, mais un peu plus
que figurant, Patrick Petit-Jean, aujourd’hui âgé de 61 ans, interprétait le
rôle d’Henrique, le petit espion atteint de nanisme de
« Super-Résistant ». Il se souvient encore de l’ambiance
extraordinaire qui régnait en juin et juillet 1983 sur le tournage à Paris où
il avait la chance de côtoyer cette pléiade de comédiens talentueux, soit sur
le plateau, soit le soir lors de la projection des rushes au cinéma
Gaumont…
« Martin Lamotte était l’acteur
avec qui j’avais le plus de relations. Ceci dit, c’était normal puisque j’étais
son adjoint dans le film… Tous les rôles du film - qui disposait
d’un budget important - étaient tenus par de très grands comédiens car c’était
un souhait de la production. Même si ceux-ci jouaient parfois un petit rôle ou
bien une scène très courte. On reconnaît bien l’équipe du Splendid, sauf
Marie-Anne Chazel puisqu’elle était enceinte, et des représentants de
l’ancienne génération d’acteurs : Jean Carmet, Jacqueline Maillan, Julien
Guiomar, Jacques François, Michel Galabru, Jean Yanne, Roger Carel...
La Bourdelle (Jacqueline Maillan) interrompt le concert (photo tirée du film)
Il y avait
même des comédiens issus d’un registre plus dramatique, tel Jean-Claude Brialy
à qui le producteur Christian Fechner avait téléphoné la veille pour lui
demander de jouer une courte scène : celle du tennis, au début du
film »…
Certains résistants n’ont pas ri
Mais cela ne fit pas rire tout le monde et
certains résistants y virent même un affront. Le réalisateur dut alors préciser
: « Papy n’est pas un film sur la résistance, mais un film sur les
films de la résistance ». Enfin, l’histoire se termine sur une fausse
chute : un débat télévisé plagiant l’émission « Les dossiers de
l’écran » avec le présentateur Alain Jérôme en personne. Sur le plateau
télé, on retrouvait les protagonistes du film quelques années plus tard…
s’étripant à qui mieux ! Une façon habile de chahuter les critiques et
leurs perpétuels atermoiements quant aux leçons de l’histoire. Le film sortira
le 26 octobre 1983 à Paris, en même temps que « Le marginal »
avec Jean-Paul Belmondo. Malgré cette concurrence, il enregistra tout de même
4.103.809 entrées en salles !
Un château très moderne pour l’époque
Ferrières-en-Brie,
commune de 2180 habitants (recensement 2012), se situe entre Lagny et
Pontcarré. Le domaine forestier régional de Ferrières s’étend sur plus
de 3000 hectares incluant le parc et le château. Ces derniers ont prêté
leur cadre exceptionnel comme décor à la fin de « Papy » pour la séquence du concert puis celle, totalement ubuesque, du banquet d’apparat.
Le château et son parc aujourd’hui
(photo SM)
Le château, de forme carrée, fut édifié de
1855 à 1859 par le Baron James de Rothschild, fondateur de la branche française
de cette illustre famille de banquiers.
Son style rappelle celui de la
Renaissance italienne telle qu’on la concevait alors au 19e siècle.
Il ressemble étonnamment au château de Mentmore, dans le comté de
Buckinghamshire (Angleterre), construit quelques années auparavant par Mayer
Amschel de Rothshild, cousin de James. Mais avec ses 4225 m² de superficie, la
demeure de Ferrières est beaucoup plus grande. Entre les quatre tours carrées,
les façades sont différentes : style anglais à l’entrée et italien à
l’arrière. Conçu par l’architecte anglais Joseph Paxton, décoré par le Français
Eugène Lami, le château faisait preuve d’un modernisme inouï pour l’époque. Il
possède chauffage central, eau chaude et eau froide dans toutes les salles de
bain. Les pièces sont agencées de telle sorte qu’elles bénéficient de la
lumière du jour, y compris le grand hall central. Les chambres à l’étage
donnent une vue splendide sur la perspective d’un parc de 130 hectares
aménagé à l’anglaise composé de plantations d’essences rares (cèdres bleutés,
hêtres pourpres, séquoias). L’édifice des Rothschild est inauguré par Napoléon
III en décembre 1862.
Un concert pour la Wehrmacht au
château (photo tirée du film)
Occupation allemande
En 1870, lors de l’invasion de la France par
la Prusse, Guillaume 1er et Bismarck logent au château. En 1940, le château de Ferrières est
réquisitionné pour la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, et voit ses
collections partir pour l’Allemagne. Hitler et Goering s’arrêtent même à
Ferrières après le pillage du château. Inhabité jusqu’en 1959, sa remise en
état est l’œuvre du Baron Guy de Rothschild et de son épouse qui ont légué le
château, avec une grande partie du parc, à la Chancellerie des universités de
Paris. Sous le nom de « Fondation Marie-Hélène et Guy Rothschild »,
Ferrières devient alors un centre d’études et de recueillement intellectuel, un
lieu de rencontres universitaires et de colloques sur les thèmes scientifiques
et artistiques. Des salles du château sont aménagées en musée, abritent des
expositions temporaires et peuvent être réservées pour des réceptions ou des
tournages. Ainsi, outre « Papy », le domaine de Ferrières a
servi de décor pour « Prêt-à-porter » (1974), « La
Banquière » (1980) et « Palais Royal ! » (2005).
La commune propriétaire du château
Le 21 décembre 2012, Edouard et
David de Rothschild faisaient don du château familial à la commune de Ferrières.
« C’est sans doute l’événement le
plus important dans la vie de la commune depuis sa construction. Ce château est l’emblème de Ferrières.
Pratiquement tous les habitants y ont travaillé pendant des générations. A
l’époque de James et Betty de Rothschild, le château employait 500 personnes :
250 jardiniers et autant de cuisiniers, valets et femmes de chambre »
déclare Mireille Munch, le maire de Ferrières. Bien qu’émue par un tel don, elle
est parfaitement consciente de sa valeur inestimable en même temps que la
nécessité de préserver ce patrimoine exceptionnel.
S. Moroy
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