LOUIS FEUILLADE, Maître du cinéma populaire
Patrice Gauthier et Francis Lacassin
Collection Découvertes
Editions Gallimard
« Mon domaine est celui où rien n’est impossible, où l’on fait arriver tout ce qui vous passe par l’esprit »
(Louis Feuillade)
Quand Louis Feuillade (1873-1925) se lance en 1905 dans le cinéma, celui-ci n’est encore qu’un divertissement forain. Scénariste et réalisateur, directeur artistique de la puissante société Gaumont (la grande rivale de Pathé), il va contribuer à lui donner ses lettres de noblesse. Louis Feuillade, avec sa culture classique et son goût pour les fêtes populaires, est en effet le relais idéal entre le cinéma des forains et l’éclosion des salles de cinéma qui vont petit à petit essaimer à partir de 1910. Il prend la direction artistique de la cité Elgé en 1907, année ou Charles Pathé chamboule la distribution des films en remplaçant la vente des copies aux exploitants par la location. Parallèlement, les spectateurs sont devenus plus difficiles et les metteurs en scène plus ambitieux. Feuillade est sans conteste l’un des principaux artisans de cette révolution. Films historiques, comédies, drames, Feuillade s’essaie à tous les genres.... Et réussit. Surtout les serials : dès 1913, ses films policiers à épisodes (Fantomas, Les Vampires, Judex), qui ont pour héros d’ingénieux criminels ou d’obscurs justiciers issus de la littérature populaire du XIX et début XXe siècle, le propulsent au sommet de sa carrière. Unissant avec bonheur réalisme et poésie, Feuillade filme leurs poursuites sur les toits ou dans les égouts de Paris, suit la mystérieuse Irma Vep dans les couloirs d’un hôtel, installe Judex dans les souterrains d’un château en ruines. Ce réalisateur inspiré et prolifique atteint toujours son objectif : séduire le grand public. Il réalise ainsi 800 films entre 1905 et 1925 (date de sa mort) et devient le maître incontesté du cinéma populaire, celui dont Alain Resnais (entre autres) n’hésitera pas à dire : « Il est l’un de mes dieux ». Les auteurs, Patrice Gauthier et Francis Lacassin, ressuscitent cette période exceptionnelle qui favorise l’émergence d’une jeune industrie en même temps que la reconnaissance internationale d’un art nouveau. Grâce à une foule de documents, ils brossent le destin passionnant d’un homme qui s’inscrit dans la foulée des frères Lumière et de Méliès, en même temps qu’ils lèvent un coin du voile sur les coulisses de la Gaumont à ses débuts.
Cet ouvrage, au format de poche, fait partie de la série « Découvertes » lancée avec succès par Gallimard. Tout le talent de Feuillade est mis en valeur par l’abondance de scénarios, manuscrits, photos de films et de plateaux de tournage. Avec l’évocation des acteurs fétiches du cinéaste (hommes et bêtes), ainsi que la reproduction des superbes affiches éditées par Gaumont à cette époque, ce sont en tout plus de 140 documents qui retracent l’œuvre et le portrait du maître. Parmi les témoignages (22 pages), je vous recommande les lettres de Léon Gaumont faisant part de ses réflexions et directives à Feuillade et qui nous renseignent sur les relations entre les deux hommes. Captivant.
Une véritable petite réussite bibliographique qui réactualise merveilleusement le trop ancien ouvrage que lui avait déjà consacré Francis Lacassin (paru chez Seghers en janvier 1964). Feuillade méritait bien ce dépoussiérage. ( Serge Moroy)
Louis Feuillade, Maître du cinéma populaire - Patrice Gauthier et Francis Lacassin - 128 pages - Dimensions : 12,5 x 17,5 cm – Illustrations noir et blanc et couleurs -
Editions Gallimard - Collection Découvertes n° 486 – Dépôt légal : février 2006 – ISBN : 2-07-031926-1 – Prix : 13,10 €.
Francis Lacassin est décédé à Paris le 12 août 2008 à l'âge de 77 ans. C'était un journaliste, éditeur, écrivain, scénariste et essayiste français très réputé. Il avait également réalisé dans les années 60 cinq ou six courts métrages (très rares aujourd'hui à retrouver) lorsqu'il était à Lyon.
Rédigé par : Serge | 28 août 2008 à 21:42