Liberté, résistance, dissidence, insurrection... Ces mots évoquent Alexandre Soljenitsine. Longtemps, l'écrivain écrivit en secret. C'était l'unique condition pour échapper aux persécutions, au bagne et à l'exil. Soljenitsine n'échappa à rien de cela. Mais dans la clandestinité de l'écriture, couvrant ses feuillets de ligne serrées dont il raturait les mots avec une lame de rasoir, cachant ses manuscrits sans espérer être publié de son vivant, il devint un géant. Avant que Khrouchtchev, brièvement occupé à déstaliniser, ne lui apporte répit et réhabilitation en 1956, l'écriture et la pensée furent ses armes. On les croyait dérisoires face à l'étreinte du Goliath soviétique dont il révélait le vrai visage.
D' Une journée d'Ivan Denissovitch à La Roue rouge ou à L'Archipel du Goulag, elles furent chirurgicales et décisives contre l'oppression, la corruption et la décadence. Dans la Russie de Poutine, elles pourraient encore faire usage. La littérature concentrationnaire ne manque pas de plumes à travers le monde. L'oeuvre de Soljenitsyne, infatigable et lutteur, dépasse cette classification. Il demeure l'écrivain de l'enfer et du paradis, de la malédiction et de l'espérance. Visage de prophète, barbe taillée pour la plus noble des missions - la liberté - passion de la terre natale qu'il ne désespéra jamais de retrouver, même au plus confortable de son exil américain. Héros et conscience du peuple russe dont il a conté le malheur, longtemps incompris par ceux qui, à gauche, voyaient en lui un exilé peu apte à la démocratie, voire un prédicateur réactionnaire, il est entré dans la légende.
Celle où de rares écrivains consacrent leur vie à démasquer les idôlatries et les idéologies et apellent à la seule attitude qui vaille: résister.
Source: Editorial Jacques Gantié, Corse Matin, 6 août 2008, Photo Associated Press
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