A 25 kilomètres à l’est de Paris, Brou-sur-Chantereine, en Seine-et-Marne, recense environ 4300 habitants. La ville vit au rythme de la cité des cheminots construite à partir de 1925, ce qui explique que le taux de propriétaires n’est ici que de 50 %. Le triage SNCF de Vaires-sur-Marne (l’un des plus grands du réseau ferroviaire français, bombardé six fois par les Alliés durant 1944) englobe l’agglomération, étendant son emprise jusqu’à Chelles, la grande ville voisine. Mais l’activité du triage s’est nettement réduite au milieu des années quatre-vingt-dix avec la baisse du fret de marchandises puis, plus récemment, l’aménagement du TGV-Est qui reliera dès juin 2007 Paris à Strasbourg en deux heures et 20 minutes.
En 1962, c’est dans le centre ville, au bord de la RN34 qui le traverse, qu’apparaît sur la place Gabriel Bailly l’enseigne stylisée du Vox, un cinéma d’une capacité de 550 places qui a ouvert ses portes le 15 avril à la grande joie des habitants friands de distractions. Pour raison de sécurité, l’accès à la cabine de projection s’effectue à l’extérieur par un escalier métallique fixé sur le flanc gauche du bâtiment. A l’intérieur de celle-ci, deux projecteurs Century de la société Western Electric, acquis d’occasion par les exploitants, M. et Mme Gérard. Les spectateurs pénètrent dans un hall vitré, avant d’accéder par deux portes latérales dans une grande salle de 450 m2
. Un soir de mai 1967, j’y ai vu avec mes parents ‘’La grande vadrouille’’ qui, comme chacun sait, a connu un véritable record d’affluence en France avec un total de 17,6 millions d’entrées. La salle du Vox était comble. Je crois même ne l’avoir jamais vue aussi pleine que lors de cette soirée-là. Un moment inoubliable de communion collective sur l’autel de la joie unanime. Pourtant, M. Gérard me précise que la seule fois où il a du refuser des entrées, c’était pour la projection, un samedi soir, d’une reprise du film de Verneuil, ‘’La vache et le prisonnier’’. Un autre film très populaire sur la guerre : une façon pour les Français de s’affranchir par le rire d’une des périodes les plus sombres de leur histoire. Surtout ici, dans cette ville de cheminots qui a payé à la guerre un lourd tribut en vies civiles. Par la suite, j’y vis de nombreux films, des très bons et des nettement moins bons. Aux heures fastes du Vox, deux contrôleurs et deux placeuses étaient nécessaires. Mme Gérard était à la caisse et M. Gérard officiait en cabine de projection. Comme dans la plupart des salles de cinéma, c’était un lieu régi par des rites immuables auxquels on sacrifiait comme dans un état second : la file d’attente devant la caisse, la placeuse et sa lampe baladeuse, le cérémonial du pourboire, l’installation dans son fauteuil non sans avoir au passage écrasé quelques pieds, les pubs, les bandes annonces, l’entracte avec l’apparition spontanée des paniers d’osier regorgeant de friandises, les rideaux de velours rouges coulissant latéralement devant le grand écran qui jaunissait petit à petit au fil des ans, le cri triomphal du coq Pathé… Sans oublier l’ambiance tamisée avec cet immense plafond rouge piqueté de lumignons, ces élégantes tentures murales mordorées, les parfums suaves et mêlés des Miko glacés et du pop corn caramélisé, les incontournables caramels Dupont d’Isigny, les copains chahuteurs et, bien sûr, les filles silencieuses et convoitées dont les yeux brillaient dans la pénombre…
Victime d’une baisse de fréquentation avec la concurrence de trois cinémas (dont un multiplexe) implantés à Chelles (l’ABC, le Palace et le Majestic), trop grand, plus assez rentable, le Vox fermera ses portes le 31 mars 1987 mettant subitement fin à 25 années d’activité au service des Breuillois. Le dernier film programmé fut ‘’Le miraculé’’ de Jean-Pierre Mocky. Ce ne sera hélas pas le cas du Vox : après une période de négociations avec la municipalité qui souhaitait l’acquérir pour le reconvertir en salle des fêtes polyvalentes, le Vox sera vendu par ses propriétaires à une société immobilière pour 800.000 F
(121 960 €). Cette dernière le louera à un cuisiniste qui procédera à des travaux de réaménagement avant ouverture en mars 1989. C’est à ce moment que je me suis rendu compte qu’un pan de ma jeunesse s’était évanoui avec la disparition de ce modeste mais attachant cinéma de quartier. Suffit-il de se souvenir pour ressusciter le passé ?(Serge Moroy)
Remerciements à M. et Mme Gérard, M. Vidal (Affaires culturelles, Mairie de Brou-sur-Chantereine), M. Katz (gérant de ‘’Cuisines Plus’’ depuis 1989).
C'est dans cette salle que j'ai vu tous les films de ma jeunesse.Les vieux habitants de Brou sont nostalgiques de ce lieu où les familles pouvaient passer un moment de détente sans pour cela avoir besoin d'une voiture comme à l'heure actuelle.La disparition de commerces de proximité agit ainsi sur la pollution !!!
Rédigé par : Un breuillois | 02 mars 2008 à 09:51
Bravo pour votre évocation. Notre mémoire a besoin de lieux pour ancrer le présent. Je n'arrive pas à situer exactement le Vox, car la place mentionnée n'existe pas sur le net.
Rédigé par : Patrick Kamoun | 11 juin 2018 à 17:50
Le VOX était en face du parc et collège sur la RN34.. un immeuble l'a remplacé et la place a dû disparaître car le cinéma était en retrait…
Rédigé par : YG | 23 août 2018 à 10:58
Bonjour,
Je suis historien et je publie prochainement un petit livre sur la cité jardin de Brou. Je souhaiterais utiliser votre photo du cinéma Vox.
Merci de votre réponse.
Rédigé par : Patrick Kamoun | 12 juillet 2019 à 07:51