Depuis l’ère chrétienne, la Corse n’a guère connu d’autre influence religieuse que celle du catholicisme qui s’est identifié à son esprit, ses coutumes, sa vie familiale et sociale.
Aujourd’hui encore, on trouve dans les villages corses des coutumes très anciennes qui conservent dans leur simplicité l’influence de la loi qui les a inspirés.
« L’occhju », pratique dont l’origine est mal définie, transcrite dans la mémoire de maintes femmes de l’île et aujourd’hui transmise de bouche à oreille la nuit de Noël, constitue l’un des aspects les plus spectaculaires de cette forme de piété qui mêle paradoxalement le profane et la sacré.
Quoi de plus naturel que la prière pour exorciser le mal engendré par le mauvais œil ?
« L’occhju » ?
C’est une prière que l’on se transmet oralement de génération en génération. La nuit de Noël essentiellement, autour du « fucone » (le grand feu) ou du sapin moins traditionnel, après les douze coups de minuit.
C’est aussi et surtout l’art et la manière de chasser le mauvais œil, de le conjurer.
Maux de tête subits, indisposition tout aussi brutale, affections touchant adultes et nouveau-nés, les effets du mauvais œil sont pernicieux. Ils peuvent être engendrés par un compliment qui s’effectuerait sans la formule « U bénédiga », (Dieu le bénisse), par un regard mal intentionné auquel Mérimée fait clairement allusion dans « Colomba », ou bien encore par une malédiction. C’est alors que l’on sollicite l’intervention de « A Signadora » qui doit son nom au fait qu’elle se signe indéfiniment en formulant cette fameuse prière, dont les termes sont jalousement gardés et dont on ne saurait connaître la substance hors de la période, fixée depuis des temps immémoriaux.
Le résultat de l’imprécation est garanti.
Une assiette remplie d’eau, une « luminella » (un lumignon) et de l’huile : ce sont les ustensiles de base du cérémonial de « l’occhju » qui s’ordonne selon un rite bien établi : A l’importance que prendront les gouttes versées dans l’assiette, « a Signadora », en général coiffée du "mezzaru" ce voile noir porté en signe de deuil, sera en mesure de dire si son interlocuteur est, ou non, « annuchjatu », et à quel degré : Il faudra alors avoir recours à deux autres séances identiques, pratiquées par deux officiantes différentes, pour conjurer le mal.
Mais l’assiette, l’eau, le lumignon et l’huile ne sont pas indispensables à l’exercice de « l’occhju ». Le simple fait de poser la main sur la tête et celui à qui on a jeté le mauvais sort – « l’annuchjatu » - et l’énoncé de la traditionnelle prière suffisent parfois à maîtriser l’indisposition.
« L’occhju » s’ordonne aussi bien des fois hors de la présence du malade, dans ce cas, au cours des trois séances, il suffit de fournir à celle qui se signe et prie « in petto », un effet vestimentaire.
Pratique ancienne fortement ancrée dans les mœurs de l’île, « l’occhju » ne manque pas de laisser certains perplexes sur l’efficacité thérapeutique de son usage qui, disent-ils, fait une trop belle part à la superstition.
Il n’en demeure pas moins qu’il arrive très souvent, lorsque par exemple on adresse des louanges excessives à l’égard d’un nouveau-né, que l’on surprenne certains personnes de l'entourage faisant discrètement les cornes, plutôt à deux mains qu’une, en direction du landau…
(Source: Corse Nice Matin,19/01/1987, Charles Monti)
Un petit reportage est paru à la TV en décembre sur cette tradition corse,pleine de mystère et encore transmise de génération en génération; cet article est ancien, quel bonheur de l'avoir conservé et publié!
Rédigé par : Livia d' Ajaccio | 20 janvier 2008 à 15:59
Effectivement cette pratique est très ancrée encore aujourd'hui, souvent l'intéressé(e) n'est pas présent et une mèche de cheveux le remplace.On peut y croire très fort.
Rédigé par : Marie T | 28 avril 2008 à 09:28
L'Une de mes premières notes dans la blog associatif de Villevaudé!!
Rédigé par : Y Frassati | 24 décembre 2023 à 11:48