Les ouvrages nouvellement mis en bibliothèque:
L’heure de l’alouette, Bernadette Puijalon
La soupe des autres, Yvette
Frontenac
La société des jeunes pianistes, Bjornstad -
L’oracle della luna, F
Lenoir
Marie des vignes, JP Védrines
Personne n’y
échappera, Romain Sardou
Le roman de l’Orient Express, V. Fédorowski
Nouvelles histoires inédites du
petit Nicolas
Un jeune prof à New
York, F. McCourt
L’attentat, Yasmina Khadra
Marilyn dernières séances, Michel Schneider
Les yeux jaunes des crocodiles, Kat
Pancol
Un pont d’oiseaux, Antoine Audouard
Les
bienveillantes, J. Littell PRIX GONCOURT 2006
Métamorphoses d’un mariage, Sandor Marai
Dans les bois éternels, Fred
Vargas
Le rêve de Martin, Françoise Henry
Labyrinthe, Kate
Mosse
L’immeuble Yacoubian, Alaa el Aswany
Marie, Marek
Halter
La touche étoile, Benoîte Groult
Lignes de
faille, Nancy Huston
Blanche et Marie, Per olov Enquist
Les autres, Alice Ferney
Eldorado, Laurent Gaudé
Bonne
nuit, doux prince, Pierre Charras
La ramandeuse, Jean Marc Soyez
Une petite âme, JP Buiche
Quid 2007-
Jolis collages de serviettes en
papier
Vu, Dictionnaire visuel pour tous -
Les vitrines
miniatures
Lecturement vôtre,
Pour l’équipe, Isabelle K
Je l'avais acheté avant qu'il n'ait été couronné: dans mon cercle rapproché, on ne se procure quasiment jamais les prix littéraires au moment de leur sortie.
(Où ils tiennent effectivement leurs promesses, et on le sait naturellement quelques mois plus tard - en outre, on peut alors se les procurer en édition de poche -, ou ils sombrent dans l'oubli passé l'effet de mode)
Mais là, le sujet m'intéressait particulièrement. La barbarie nazie vue sous l'angle d'un bourreau ordinaire, il fallait oser. Et Littel pourtant anglophone d'origine, a écrit en français, dépeignant les actes et les états d'âme d'une personnalité particulièrement complexe, tourmentée, prise dans l'étau de la machine nazie et empêtrée dans ses contradictions. Psychopathe? Peut être, mais ce n'est pas certain.
Si j'en parle avec un peu de retard, c'est qu'il s'agit d'un monument de 900 pages d'une densité inouïe qu'on ne peut lire que très lentement pour en assimiler le contenu, d'une richesse rare. Il m'a donc fallu un mois pour en venir à bout.
On a glosé sur l'invraisemblance du personnage: un demi-français, homme particulièrement cultivé de surcroît, qui serait membre du SD, directement rattaché à Himmler, "ça ne peut pas avoir été", dans le système nazi.
Et alors? A partir du moment où Littel se situe dans le cadre romanesque et non dans celui de l'investigation historique, quelle importance? Imagine-t-on un être frustre sans la moindre culture capable d'analyser de l'intérieur le mécanisme implacable de la machine nazie? En revanche, le travail de recherche pour replacer l'intrigue dans un contexte de véracité historique et d'authenticité est inouï. L'auteur domine son sujet d'une manière encyclopédique.
On a également ricané sur une dizaine d'approximations d'ordre linguistique (quelques anglicismes à peine perceptibles; il faudrait être du niveau des participants au blog langue sauce piquante pour qu'elles frappent aux yeux!). D'abord, ça se saurait si nos écrivains français contemporains "pur jus" rédigeaient dans la dévotion de la langue française: n'est pas Flaubert qui veut. Et sur 900 pages...
En revanche, je me répète, on ne le prendra pas en flagrant délit d'inexactitude sur le plan historique, sur l'analyse psychologique de certains personnages (Eichmann en particulier: manifestement les minutes de son procès ont été étudiées avec grand soin)
Et pour avoir lu de nombreux auteurs allemands (en traduction), il me semble bien que l'atmosphère, le parler germain sont évoqués avec fidélité.
Et il y a des moments de bravoure littéraire, des scènes d'anthologie. Il faut avoir vécu soi-même un coma pour apprécier à sa juste valeur la rencontre dans un rêve surréaliste mêlant "le professeur Sardine et son dirigeable", qui a germé dans le délire d'Aue; on appréciera également les descriptions au scalpel de la négation du crime familial dans lequel il est mêlé, de son enfance glauque, des maux psychosomatiques qui l'assaillent dans les périodes dures de son travail (malgré sa bonne conscience: "il ne fait que son devoir"), des déviations sexuelles du "héros" et enfin de sa lente mais inexorable descente vers la folie totale.
Stalingrad, raconté avec un talent inouï, de même que l'invasion de l'Allemagne par les Russes. Scènes d'anthologie avec ces enfants soldats qui ramènent la barbarie de sa Majesté des mouches (Golding) au rang d'une aimable bluette.
Bref: un livre immense.
Le Goncourt va mal, s'il se remet à nous conseiller des auteurs de talent méconnus ou inconnus jusqu'alors au lieu de consacrer des célébrités qui n'ont pas besoin de lui, ou à l'opposé de porter au pinacle des merdes qui n'ont pour seule vertu que d'avoir été déclarées géniales par la caste de crétins qui se sont auto-proclamés gardiens de l'authentique culture contemporaine - avec le soutien actif des médias bobo snobinards.
Pour conclure: un livre remarquable mais exigeant; à lire, à offrir.
Rédigé par : Bernard Borghésio-Ruff | 08 janvier 2007 à 19:42